3, 4 ou 5G, les risques pour la santé

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Une émission du 2 juillet 2021

Les antennes de téléphonie mobile fleurissent, à mesure que la 5G s’installe dans nos villes et la controverse fait rage quant aux dangers potentiels de ces nouvelles radiofréquences. L’ANSES vient d’affirmer qu’il n’y a « pas de nouveaux risques ». Cette enquête donne la parole à ceux qui en doutent.

La France a lancé la 5G après les autres grands pays européens, fin 2020. Avec une attribution des fréquences prévue en avril 2020 et reportée en septembre 2020 pour cause de crise sanitaire.• ures sans conducteurs, la télé-chirurgie, … optimiser des processus industriels… Autant de promesses portées par la 5G. La 5e génération de téléphonie mobile doit nous donner accès à des débits largement supérieurs à la 4G, avec des temps de latence très courts et une haute fiabilité. C’est ce qui en fait une « technologie clé » pour le gouvernement, une technologie favorisant la croissance économique et la compétitivité.

Mais la 5G nécessite l’utilisation d’une nouvelle gamme de longueurs d’ondes, ce qui suppose de densifier les réseaux, donc de déployer de nouvelles antennes. Et c’est ce qui suscite des craintes sanitaires. Le secrétaire d’Etat au numérique se veut rassurant. En visite en Bretagne, ce vendredi 2 juillet, Cédric O a affirmé : « La France est le pays qui a le cadre de surveillance de l’exposition aux ondes le plus fort.« 

Pas de quoi rassurer les personnes électrosensibles qui se plaignent déjà des effets des champs électromagnétiques. Ni les chercheurs indépendants qui ont constaté leur impact sur des végétaux et des animaux.

Dans cette enquête, Tara Schlegel a choisi de donner la parole à ceux qui souffrent des effets des radiofréquences et à quelques scientifiques indépendants qui en appellent au principe de précaution et affirment que ces technologies ne sont pas sans danger. 

Depuis avril 2018, l’association Ondes Citoyennes, créée par un collectif de riverains, tente de lutter contre l’implantation d’antennes relais, dans plusieurs communes situées autour de Clermont-Ferrand. Tout a commencé lorsque le physicien Guy Cautenet, ancien professeur des Universités, et son voisin, le photographe Francis Debaisieux – qui habitent tous deux à Beaumont – ont vu s’installer derrière chez eux, à environ cent-cinquante mètres, une drôle de structure qui s’est avérée abriter une antenne de téléphonie mobile. C’était trois jours avant Noël, en décembre 2016. Depuis sa mise en fonctionnement, environ six mois plus tard, les premiers effets des ondes se sont fait sentir sur le sommeil de Francis, dont la maison est pile dans l’axe. Désormais, le photographe est obligé de dormir dans sa cave ! Il nous fait visiter sa maison : 

Aujourd’hui, Ondes Citoyennes rassemble des habitants d’une douzaine de communes, autour d’un projet commun : s’inquiéter des impacts sur la santé de ces antennes qui se développent très rapidement sur le territoire. Peser sur les élus locaux, pour qu’ils informent la population et si possible s’opposent aux demandes d’implantation. Guy Cautenet, qui préside l’association, revient sur sa genèse :

En mai 2011, le CIRC, a classé les radiofréquences comme « cancérogènes possibles » pour l’homme. Autrement dit, un groupe de travail interdisciplinaire du Centre International de Recherche contre le Cancer, qui est une agence de recherche de l’OMS (l’organisation mondiale de la santé) basée à Lyon, a examiné cette année là la littérature scientifique disponible et en a conclu que le risque existait. Les experts se sont notamment basés sur des études épidémiologiques, qui montraient un risque accru de gliome (un certain type de tumeur maligne du cerveau) associé à l’usage des téléphones portables, comme l’explique l’Inrs, un organisme généraliste qui étudie la santé au travail 

En avril 2019, un groupe d’experts indépendants, composé de 29 personnes originaires de 18 pays différents, a recommandé au CIRC de réévaluer sa vision des radiofréquences, à la lumière – notamment – de deux nouvelles études, sorties aux Etats-Unis et en Italie et qui montrent l’effet des ondes sur les rats. Les experts ont recommandé que les radiofréquences soient qualifiées de « cancérogènes probables » … et pour ce groupe chargé de conseiller le CIRC, il faut donner à ces travaux de réévaluation une « haute priorité ». 

Pour l’instant, les associations de riverains, comme Ondes Citoyennes, sont contraintes de tenter de faire pression sur les opérateurs, sans beaucoup de succès. Dans le village de Beaumont, à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand, se trouve l’un des « points atypiques » les plus élevés de France. On nomme « point atypique« , un lieu où on peut mesurer un niveau  « d’exposition aux champs électromagnétiques qui dépasse substantiellement celui généralement observé à l’échelle nationale », écrit l’Agence nationale des fréquences sur son site. 

L’ANFR recense chaque année depuis 2015 la liste de ces « points atypiques », où les radiations dépassent 6 V/m. Dans ces lieux, qui sont des habitations ou des espaces ouverts au public, les exploitants des antennes relais reçoivent – s’ils dépassent ce niveau – une notification de l’ANFR. Comme l’explique l’agence : « Les exploitants ayant reçu (…) des avis de l’ANFR doivent, sous réserve de faisabilité technique, prendre des mesures permettant de réduire le niveau des champs reçus, tout en garantissant la couverture et la qualité des services rendus ». En clair, les opérateurs doivent alors diminuer la puissance de leurs antennes. 

Cependant, ils ne le font pas toujours !

Ainsi, à Beaumont, Jean-François Maume se bat depuis plus d’un an contre plusieurs antennes installées à moins de 25 mètres de chez lui. Sa jolie maison de deux étages est située juste en face de l’église romane, sur la place principale du village. Mais Jean-François et son épouse, Debbie, ne peuvent même plus ouvrir leurs fenêtres. Ils vivent barricadés derrière des volets clos et ont dû installer des rouleaux de tissus en aluminium pour se protéger un peu des ondes. Guy Cautet, qui préside l’association Ondes Citoyennes et se déplace avec un petit appareil de mesure, a mesuré jusqu’à 18 V/m sur la terrasse de Jean-François Maume et plus de 11V/m à l’intérieur des pièces, fenêtres ouvertes. 

Alors que Orange et Bouygues étaient déjà installées depuis quelques années sur le toit de la quincaillerie, en face de la maison des Maume, Free a installé une troisième antenne 4G il y a un peu plus d’un an et demi. A partir de ce moment là, Jean-François, n’arrivant plus à trouver le sommeil, a demandé à l’ANFR de venir constater qu’il vivait bien dans un lieu qualifié de « point atypique ». Un technicien est donc venu en mars 2020 et a relevé un niveau supérieur aux 6V/m. Mais malgré cette intervention, l’opérateur n’a rien fait explique Jean-François Maume : 

Aujourd’hui, assure Guy Cautenet d’Ondes Citoyennes, rien n’a changé depuis le passage de l’ANFR : « Jean-François Maume a tout tenté, le maire de Beaumont lui aussi a écrit pas mal de lettres, j’ai moi-même demandé un rendez-vous au préfet début avril (pas encore de réponse …). Le brillant résultat est le suivant : le niveau global moyen, qui était de 7,95 V/m (volts par mètre) l’an dernier est maintenant, après trois interventions de l’ANFR, de 7,72 V/m, soit une baisse de moins de 3% !« 

Les élus impuissants face à la 5G

Force est de constater que les élus n’ont pas vraiment plus de poids que les citoyens face aux opérateurs de la téléphonie mobile. La ville de Clermont-Ferrand fait partie des agglomérations qui se sont prononcées contre la 5G à l’automne dernier, au moment où le déploiement de cette nouvelle technologie a débuté. L’ensemble de la métropole Clermont-Auvergne, soit 21 communes, a demandé à l’époque un moratoire aux pouvoirs publics. L’idée était d’attendre, au moins, que l’ANSES, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ait remis son rapport sur « les effets sanitaires éventuels » associés au déploiement de la 5G. 

Or malgré cette position prise par les élus clermontois, l’opérateur Orange a choisi la capitale de l’Auvergne comme l’une de ses « villes pilotes » pour implanter la 5G ! Nous avons rencontré deux adjoints au Maire de Clermont-Ferrand : Anne-Laure Stanislas est chargée de la ville en transition et Nicolas Bonnet des « sujets environnementaux comme la qualité de l’air ». Tous deux sont membres d’Europe Ecologie Les Verts et conseillers métropolitains. Ils reviennent sur le différent qui les a opposés aux opérateurs et sur le peu de pouvoirs dont disposent les maires : 

Ces deux élus Verts soulignent également que l’on néglige trop l’impact de la future 5G sur l’environnement. Avec cette nouvelle technologie, qui prévoit d’utiliser des fréquences radicalement différentes du spectre actuel – puisque l’on parle « d’ondes millimétriques » de 26 GHz – il faudra renouveler tout le parc des appareils connectés. Ce qui signifie la mise en rencart de centaine de milliers de téléphones portables et l’achat de nouveaux objets dits « intelligents » capables de communiquer entre eux. Comment Anne-Laure Stanislas et Nicolas Bonnet voient-ils leur rôle, dans ce contexte ? 

Le 20 avril dernier, avec plusieurs mois de retard sur le calendrier initial et surtout bien après l’installation des premières antennes 5G et la vente des premiers mobiles, qui s’était faite autour de Noël, l’ANSES a publié son rapport tant attendu sur l’évaluation des risques sanitaires. 241 pages, qui constituent une revue de la littérature existante et qui concluent : « 5G : pas de risques nouveaux pour la santé au vu des données disponibles. » Ce rapport a été très critiqué par les scientifiques et les associations qui s’inquiètent des effets des ondes sur la santé humaine et animale. Nous allons y revenir. 

Mais à Clermont-Ferrand, comme dans d’autres villes, le rapport de l’ANSES a contraint les municipalités à abandonner les refus qu’elles avaient parfois opposé aux opérateurs. Ainsi, dans la métropole Clermontoise, les services avaient prononcé depuis le mois de janvier 2021 : 10 refus d’autorisation de travaux pour l’installation de nouvelles antennes. Par ailleurs, ils avaient aussi accepté 11 projets et prononcé 9 décisions tacites.

Sur les 10 refus, explique Anne-Laure Stanislas, 5 ont été abrogés par la commune elle même, puisque ces refus étaient devenus caduques à la suite du rapport de l’ANSES. Quant aux autres refus, plusieurs ont été attaqués et font l’objet d’un recours contentieux par les opérateurs. Parallèlement la ville est en train d’élaborer une « charte relative aux réseaux de téléphonie mobile », sorte de charte de bonne conduite qui devrait être votée le 2 juillet au Conseil métropolitain. Elle sera soumise aux opérateurs et devrait permettre d’instaurer un dialogue plus serein avec eux. 

« Pas de nouveaux risques pour la santé », dit l’Anses

Dans toutes ces controverses liées aux ondes électromagnétiques et à l’implantation de la 5G, il faut se rappeler que la technologie que nous vendent les opérateurs n’est pas encore celle dont ils rêvent véritablement. La 5G va en effet s’organiser autour de deux nouvelles bandes de fréquences, l’une déjà quasiment connue des experts et l’autre presque totalement inconnue. Dans son rapport, l’ANSES a détaillé ces deux nouvelles bandes : pour la bande 3,5 GHz – qui est expérimentée depuis l’installation des premières antennes de cinquième génération cet hiver – on se situe très près des fréquences déjà utilisées par nos téléphones portables actuels, 2G, 3G et 4G. D’après les experts de l’agence sanitaire, qui ont réalisé une « extrapolation rigoureuse des résultats des études menées à des fréquences différentes » – il semble : « peu probable que le déploiement de la 5G dans la bande autour de 3,5 GHz, constitue à l’heure actuelle de nouveaux risques pour la santé ». 

Par ailleurs, en ce qui concerne la 5G du futur, celle qui devrait constituer une véritable révolution mais qui n’est pas encore en place et qui utilisera des fréquences autour de 26 GHz, « les données sont insuffisantes pour conclure à l’existence ou non d’un risque pour la santé », écrit l’ANSES. L’agence mentionne, cela dit que ces nouvelles ondes auront « une pénétration dans le corps beaucoup plus faible, de l’ordre du millimètre ». En conséquence, seront exposés « les couches superficielles de la peau ou de l’oeil. Les simulations disponibles laissent présager des niveaux d’exposition faibles ». 

Depuis la publication du rapport de l’ANSES, fin avril, plusieurs voix se sont élevées pour critiquer sévèrement le travail des experts. Du côté des citoyens, des associations comme Alerte Phonegate et Robin des Toits se sont mobilisées pour rédiger ensemble une contre-expertise qui dénonce « le positionnement ouvertement favorable au lobby industriel qui met en danger la santé publique ! ». En substance, le docteur Marc Arazi – d’Alerte Phonegate – et Pierre-Marie Théveniaud – de Robin des toits estiment que l’ANSES « ne reconnait que les effets thermiques des ondes », autrement dit l’échauffement des tissus au contact de l’appareil. Marc Arazi est aussi connu pour sa dénonciation du scandale qu’il a baptisé « PhoneGate » dans lequel il montre que beaucoup de nos téléphones portables émettent des rayonnements qui dépassent de loin les normes autorisées. Le médecin compare ce scandale au « DieselGate » des moteurs truqués et détaille toute son enquête dans un livre, paru récemment aux éditions Massot. A propos du rapport de l’ANSES sur la 5G, « le fait qu’à ce jour il n’y ait pas de consensus officiel ne veut pas dire que l’ANSES ne doive pas tenir compte d’autres effets sanitaires », insistent les auteurs de la contre-expertise. Il est vrai que plusieurs publications scientifiques démontrent ces effets dits « biologiques ». 

Certains députés du Parlement européen ont sollicité de leur côté des experts internationaux pour éclairer leur propre vision de la 5G. Le Panel pour l’avenir de la science et de la technologie du Parlement européen, que l’on nomme STOA (Science and Technology Options Assessment) s’est penché sur la question. Il s’agit d’un organe consultatif scientifique qui a commandé deux études. La première porte sur l’impact sur la santé et a été rédigée par Fiorella Belpoggi, la directrice scientifique de l’Institut Ramazzini en Italie, près de Bologne. Cette chercheuse s’est appuyée sur plusieurs milliers d’études pour rappeler d’une part la dangerosité des radiofréquences déjà existantes et d’autre part la quasi absence d’études sur la future 5G. L’autre étude a été confiée à Arno Thielens, de l’Université de Gand en Belgique, qui estime qu’il y a un effet thermique avéré sur les plantes et les insectes. Et qu’à propos de la 5G et de ses ondes millimétriques, il est urgent de lancer des recherches.

L’électrosensibilité, une maladie longtemps niée

Parmi les médecins qui s’intéressent aux effets biologiques des radiofréquences, le professeur Dominique Belpomme fait figure de pionnier. Sur d’autres sujets, le cancérologue avait déjà alerté l’opinion, comme en 2007, année où il a rédigé un rapport sur le chlordécone, un insecticide utilisé dans la culture de la banane et qui devait être à l’origine de ce que l’auteur appelait « un scandale sanitaire aux Antilles ». Sur le moment son travail avait été très critiqué, d’ailleurs le professeur Belpomme avait lui même avoué des « inexactitudes » – il n’empêche qu’aujourd’hui il ne fait plus de doute que ce produit est ultra toxique et que 95% des habitants de la Guadeloupe sont contaminés. Cela fait maintenant une dizaine d’années que Dominique Belpomme s’intéresse à une toute autre maladie, baptisée depuis électro-hypersensibilité. Il s’agit des symptômes que ressentent des personnes qui sont particulièrement sensibles aux radiofréquences. Selon l’ANSES, la souffrance des malades doit être prise en compte, mais les experts de l’agence refusent de reconnaître un lien de causalité avec les champs électromagnétiques.

Dominique Belpomme préside l’ARTAC, l’association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse. A ce titre, il  reçoit des milliers de patients qui sont atteints de ces nouveaux troubles. Il réaffirme le lien avec les radiofréquences et il se dit certain qu’il ne s’agit pas d’une maladie psychiatrique.

Dans l’ouvrage intitulé Le livre noir des ondes, paru en janvier 2021 aux éditions Marco Pietteur et coordonné par Dominique Belpomme, le chercheur détaille ses convictions et les tests qu’il a pu mettre au point pour procéder à un diagnostique objectif des malades souffrant d’électrohypersensibilité. Son combat lui a valu quelques ennemis. Le conseil national de l’ordre des médecins a porté plainte contre le professeur Belpomme, accusé d’avoir délivré des certificats médicaux pour éviter à ses malades la pose des nouveaux compteurs électriques Linky. Ces compteurs dits « intelligents » sont aussi « connectés » et émettent donc des champs électromagnétiques.L’ANSES, sollicitée en 2016 a affirmé que ces compteurs « que ce soit en champ électrique ou magnétique, sont à l’origine d’une exposition comparable à celle d’autres équipements électriques déjà utilisés dans les foyers depuis de nombreuses années (télévision, chargeur d’ordinateur portable, table de cuisson à induction…) » rappelle Science et Avenir dans un article. Mais les griefs du conseil national de l’ordre des médecins portent sur le principe même des certificats rédigés par Dominique Belpomme, qui n’auraient pas été individualisés. Ils reposeraient aussi sur un examen, baptisé « l’encéphaloscan », qui mesure des pulsations dans le cerveau, mais n’est pas reconnu par les autorités sanitaires françaises. 

Des tomates stressées par les ondes 

Parmi ce petit nombre de chercheur, qu’évoque Dominique Belpomme, se trouve Gérard Ledoigt, professeur des Universités à la retraite, spécialiste de biologie cellulaire, il a aussi occupé plusieurs fonctions administratives au sein de l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Il a dirigé notamment l’UFR science exactes et naturelles et créé une maîtrise appliquée de « biologie moléculaire et immunologie appliquée » en 1993 avec des collègues. Gérard Ledoigt a participé à la création du département de biologie avant d’en prendre la tête et il a dirigé pendant plusieurs années l’ERTAC, une équipe de recherche sur les tumeurs cellulaires dans le monde végétal et animal.  

C’est véritablement par hasard, que ce biologiste s’est intéressé aux radiofréquences et à leurs effets sur les tomates. Tout a commencé en décembre 2002, entre Noël et le jour de l’an, quand Gérard Ledoigt a pu avoir accès à une cage de Faraday, qui permet d’isoler un espace de tous les champs électriques extérieurs. C’est dans cette chambre, ou cage, qu’il a pu mener ses expériences, sur le site de l’université qu’il nous fait visiter : 

Grâce à cet équipement, prêté par le laboratoire de physique, les biologistes de l’ERTAC ont débuté leurs travaux sur des organismes vivants entiers. Il faut dire que Gérard Ledoigt était, au départ, très sceptique sur les résultats qu’il allait obtenir : il ne pensait pas que les radiofréquences d’une puissance équivalente à un téléphone portable pouvaient générer un stress chez ses plantes. C’est à la suite d’une thèse, qu’il a évaluée en tant que membre du jury, que Gérard Ledoigt s’est posé les premières questions.

L’équipe de Gérard Ledoigt travaille donc de 2003 à 2008 en soumettant des plans de tomates à un rayonnement de 900 MHz. Les résultats sont immédiats : les tomates sont stressées par les ondes et cela se lit dans leurs cellules, explique le chercheur : 

A partir de 2006, Gérard Ledoigt a commencé à présenter les résultats des recherches de l’ERTAC sur les radiofréquences et les tomates dans des congrès scientifiques. Au départ, elles ont été bien reçues, mais lorsque le chercheur a annoncé qu’il envisageait d’étendre ses études au monde animal, les ennuis ont commencé. Au point que le laboratoire de Gérard Ledoigt n’a pas été renouvellé en 2007/2008 et que les équipes ont dû intégrer d’autres unités de recherche. A l’époque quelques articles se sont fait l’écho de ces polémiques, notamment dans Le Parisien. Gérard Ledoigt, lui a fini par intégrer l’INRA et raconte comment tout cet épisode s’est déroulé :  

Des cancers détectés chez les rats mâles

En Italie, l’Institut Ramazzini mène des recherches sur le cancer et a lui aussi travaillé sur l’impact des radiofréquences, même si ses recherches sur les substances toxiques comme les pesticides et autres produits chimiques sont plus connues. Situé à Bologne, en Italie, cet Institut de recherche est indépendant, il est financé par la Ligue des coopératives italiennes, qui regroupe des milliers de citoyens. Sa directrice scientifique, Fiorella Belpoggi, nous accueille dans le chateau du XVè siècle, qui appartenait à Giovanni II Bentivoglio et où les chercheurs ont leurs bureaux. Au sous-sol se trouvent les laboratoires dans lesquels les rats ont été exposés aux ondes électromagnétiques. 

Pendant trois ans, Fiorella Belpoggi et son équipe ont soumis les rongeurs à des rayonnements de 1 800MHz, identiques à la 3G. Les animaux ont été exposés à trois puissances bien distinctes : 5V/m, 15V/m et 50 V/m. A noter qu’en France, les opérateurs sont autorisés à installer des antennes dont la puissance peut atteindre 61 V/m. 

Or à 50 V/m, l’équipe de Fiorella Belpoggi a constaté que les rats développaient des tumeurs. Chez les rats femelles, des tumeurs du cerveau, des glioblastomes, qui n’étaient pas statistiquements significatifs. Mais chez les mâles, des tumeurs des nerfs périphériques du coeur, appelés schwannomes. Ces derniers cas étaient statistiquements significatifs assure la chercheuse : 

L’une des raisons pour lesquelles Fiorella Belpoggi se dit particulièrement inquiète, est que ses résultats recoupent une autre étude menée aux Etats-Unis, là encore sur des rats. Cette étude du National Toxycology Programm, entammée en 2003 montre que les rats et souris mâles développent effectivement des tumeurs. Mais ces résultats restent comme toujours, très controversés. Quand une association comme Priartem, qui défend les électrohypersensibles y voit une preuve, d’autres articles sont beaucoup plus prudents. Le débat, en tous cas est loin d’être tranché et – comme le recommande l’ANSES – il est indispensable de poursuivre les recherches dans ce domaine. Des recherches « indépendantes », insistent bien tous les scientifiques qui tentent d’alerter sur ces nouveaux dangers.