« Le lait, c’est fini » 

Séparé de 200 bêtes, cet agriculteur de 52 ans se reconvertit

Après dix ans de vain combat solitaire et après s’être séparé de 200 bêtes, Laurent Le Meitour arrête le lait. À 52 ans, il va transformer sa ferme pour se spécialiser en élevage de viande bovine.

Laurent Le Meitour, 52 ans, s’est installé en Gaec avec sa mère Danièle, en 1995. Une ferme laitière familiale, sur 75 ha, à Silfiac (Morbihan), sur les hauteurs du Centre Bretagne. En 2009, la ferme s’est agrandie : plus de laitières, une nouvelle salle de traite, un nouveau tank à lait, posé par sa laiterie Lactalis.

En 2011, il y a eu un petit accident électrique : la ligne qui alimentait le tank était trop faible, elle a chauffé, le technicien a posé une prise plus puissante », ​raconte Laurent. Mais les ennuis commencent : Les bêtes refusaient de rentrer dans la salle de traite, le rendement du lait est tombé et le taux de leucocytes a flambé. ​Laurent demande un audit à la Chambre d’agriculture : tout est normal. Deuxième audit par la laiterie : même verdict.

Quarante interventions sur le tank

En 2015, Laurent, épuisé, fait appel au Groupement de défense sanitaire (GDS) Bretagne : réponse identique. Pourtant, rien ne va ! Alors Laurent a une intuition : il fait appel à Philippe Arzul, vétérinaire de Vitalac, spécialiste des phénomènes parasitaires électromagnétiques. Il a dépollué les extérieurs du bâtiment.

Rien ne change pour les vaches. En 2016, premiers arrêts de collecte. À cet éleveur réputé et expérimenté (spécialiste des montbéliardes), on inflige quatre stages pour apprendre à mieux traire [ses] vaches… Si j’ai des soucis, c’est de ma faute ! ​Humilié, Laurent pète un câble ». ​Lactalis admet que le tank ne va pas, il y a bien un problème électrique : on lui pose un tank neuf.

Avec toujours les mêmes soucis. Depuis 2009, il y a eu quarante interventions successives sur le tank… ​Jusqu’à ce qu’on comprenne, enfin, que la ligne alimentant le tank, sous la dalle de béton, fuit : des fuites de courant viennent perturber les vaches, les font tomber malades.

Un troupeau tombé de 280 à 100 vaches

Laurent fait appel au médiateur de la République. Une nouvelle expertise est lancée, en 2016. Elle traîne, depuis, en longueur. ​Le préjudice subi par Laurent, qui a dû se séparer de beaucoup de ses bêtes réformées (un troupeau tombé de 280 vaches à 100 aujourd’hui) pour pouvoir payer les factures, est passé, au fil du temps, de 150 000 € à 300 000 €.

Trop isolé, Laurent craque, ne fait plus face. Il fait appel à l’association Solidarité Paysans Bretagne venue l’épauler depuis un an et demi : Claire, une accompagnatrice professionnelle, et Philippe, bénévole, paysan retraité. Ils sont des dizaines comme lui », ​témoigne Claire.

Son combat continue, mais cette fois, il n’est plus seul. Il va transformer sa ferme pour se spécialiser en élevage de viande bovine, en autonomie fourragère ». ​Et cette année, Laurent a tiré un trait définitif : Le lait, c’est fini. ​Contacté, le groupe Lactalis n’a pas répondu à nos sollicitations.

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