Extraits du livre « Sobriété » écrit par Vincent LIEGEY et Isabelle BORKMAN
Le numérique est omniprésent. Dans nos poches, à la maison et au travail, pour nos achats, nos rencontres amoureuses, pour rester en lien avec nos proches ou pour trouver son chemin. Le numérique a envahi tous nos espaces. Son empreinte environnementale explose et la promesse qu’il portait de dématérialiser nos économies semble de plus en plus illusoire. Il contribue finalement à faire exactement le contraire : augmenter notre consommation et ses conséquences réelles sur la planète, et accroitre nos dépenses. Enfin, et encore plus inquiétant, quel est son véritable impact sur notre imaginaire, notre bien-être et celui de nos enfants ? Jusqu’où le numérique est-il souhaitable ? Dans quelle mesure en a-t-on vraiment besoin ? Comment et pour faire quoi ? Bienvenue en sobriété.
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ÉVITER LE SURÉQUIPEMENT NUMÉRIQUE
. C’est beau, c’est léger et pratique dans notre poche, mais c’est un gouffre. Près de 80% des impacts du secteur numérique sont dus à la fabrication des appareils : ordinateurs, téléphones intelligents, consoles, tablettes, écouteurs, montres connectées, etc. Entre l’extraction des matières premières, les processus de fabrication, le conditionnement, le transport et la vente, chacun de nos objets numériques a une vie totalement mondialisée et parcourt des milliers de kilomètres. Et c’est sans parler des conditions de travail de tous ceux qui ont participé à toutes ces étapes. En fin de vie, moins de 5% de ces objets sont collectés pour un recyclage. La première urgence en termes de sobriété numérique consiste à réduire cette gabegie.
. En ai-je vraiment besoin ? Une nouvelle console pour Noël ? Remplacer la tablette ? Agrandir l’écran de télévision ? Craquer pour le dernier smartphone et sa couleur bleu lagon ?
. Avant tout achat d’un nouvel objet, ou le renouvellement d’un ancien, se poser la question ; que se passera-t-il si je ne l’achète pas ?
. Si l’achat s’impose, explorer les alternatives au neuf à travers les objets de seconde main reconditionnés. Ils sont nettoyés, vérifiés et testés pour vous garantir un usage sans histoire.
. Envisager de louer des outils plutôt que de les acheter. C’est la logique de l’économie de la fonctionnalité : on paie l’usage et non plus les produits. Ainsi, le fournisseur a tout intérêt à optimiser la durée de vie de ce qu’il loue, tout en maitrisant sa maintenance et sa réparation. Le fournisseur préfèrera investir au départ dans une meilleure qualité, puisque les coûts de fabrication sont amortis grâce à ce que rapportent les locations. Résultat : l’objet aura une durée de vie bien plus longue, puisqu’il sera chaque fois reconditionné et adapté aux sobres besoins de nos utilisateurs. C’est ce que propose par exemple la société coopérative d’intérêt collectif Commown (https://commown.coop/)
. Rester modeste. Être sobre, c’est savoir être modeste, en particulier sur la performance de nos outils. Inutile d’acheter des machines de compétition, surdimensionnées, pour faire des courriels et du traitement de texte. Un ordinateur plus simple est moins cher et nécessite moins de matériaux et de complexité, et est moins gourmand en énergie à l’utilisation.
. Privilégier les labels en choisissant ses produits
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Produits du numérique respectueux de l’environnement et de la santé portant un label, comme EPEAT et TCO Certified, conseillés par l’DEME.
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On trouve dorénavant un indice de réparabilité sur certains produits numériques. Ils sont notés de 1, par réparable du tout, à 10, très réparable. Plus d’infos sur https://longuevieauxobjets.gouv.fr/acheter-durable/indice-de-reparabilite.
. Penser à la fin de vie des produits
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Ne pas jeter les outils numériques qu’on n’utilise plus. Les donner ou les vendre à un ami, un collègue ou un membre de la famille, ou sur une plateforme dédiée, ou à un professionnel qui saura les reconditionner.
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S’ils semblent inutilisables, se tourner vers des plateformes ou des espaces de réparation. Il sera toujours possible pour eux de récupérer des pièces (avec deux smartphones, cassés identiques, on en fait un qui marche), ou au moins de recycler certains matériaux. Les proposer à une ressourcerie, à une recyclerie, à un repair-café, à une structure Emmaüs ou les déposer dans un bac de recyclage en libre accès.
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Redonner une seconde vie à votre ordinateur vieillissant avec https://www.ordi3-0.fr/ et à votre portable avec https://jedonnemontelephone.fr/ ; suivre les instructions.
. Prolonger la durée de vie des appareils avec de bonnes pratiques et en les entretenant correctement.
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Protéger ses outils et éviter les chocs, en particulier pour les téléphones. Equiper son smartphone d’une coque et d’une protection d’écran, même si cela n’empêche pas de faire attention à ne pas le faire tomber.
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Gare aux surchauffes, qui peuvent altérer les processeurs ou d’autres pièces. Si l’outil commence à chauffer, on fait une pause. De même, éviter d’utiliser les machines en plein soleil ou dehors pendant une canicule. Enfin, les poser sur une surface rigide pour ne pas toucher les entrés d’air des ventilateurs.
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Les batteries sont aussi importantes que fragiles. Pour optimiser leur durée de vie, ne jamais les laisser se vider ni se charger complètement : rester toujours entre 20 et 80% de charge environ. Pour les ménager, minimiser le poids des données à gérer : arrêter ou désactiver les applications inutiles, éviter les logiciels trop gourmands, limiter l’éclairage de l’écran et leur offrir des breaks en les éteignant lorsqu’on ne les utilise pas.
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Entretenir correctement les logiciels : mise à jour, suppression de ceux que l’on n’utilise plus. Optimiser la gestion des fichiers et des sauvegardes afin de ne pas surcharger inutilement la machine. Nettoyer régulièrement les cookies, supprimer les vieux téléchargements et le fichiers temporaires, traquer les logiciels inutiles ou malveillants, etc.
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Nettoyer les outils, notamment au niveau des entrées et des sorties du système de ventilation.
ALLER VERS LA SOBRIÉTÉ D’USAGE
Si l’impact principal est lié aux objets eux-mêmes, leur utilisation est loin d’être anodine, d’autant qu’elle est en pleine crise de croissance à travers le développement des clouds et du streaming. Quelques gestes de sobriété et de bon sens permettent de limiter les impacts de l’usage de nos machines connectées. Chaque clic sur une machine active des serveurs dans des centres de données un peu partout à travers le monde. Ainsi, la moindre donnée, que ce soit une recherche, une vidéo ou un courriel, parcourt en moyenne 15 000 km.
SE METTRE A LA SOBRIÉTÉ PSYCHIQUE
Le tout numérique désocialise. Il nous abrutit. Il nous déshumanise. Or, l’un des enjeux premiers de la sobriété est le bien-être en posant la question des limites. Il est difficile d’estimer exactement les impacts du numérique, arrivé il y a une vingtaine d’année seulement dans nos vies, mais il est sûr et certain que son usage massif n’est pas sans conséquence sur notre imaginaire, notre bien-être, notre rapport au temps, aux autres et à notre environnement. Il porte en lui une incroyable puissance d’addiction et des contradictions extrêmement fortes : alors que nous sommes en permanence rivés à nos machines, nous expliquons à nos enfants, sans les convaincre, que ce n’est pas bon pour eux. Où est la cohérence ?
Comme avec tout outil que les humains développent, on atteint à un moment donné un seuil de contre-productivité. Là où, au départ, le digital devait nous amener à libérer du temps, à améliorer notre efficacité et à réduire notre empreinte écologique, on se rend compte aujourd’hui qu’il fait le contraire. Le numérique a créé une société de stress permanent, il charrie un trop-plein de distractions et d’informations dont nous ne savons plus que faire. Alors que les réseaux sociaux devaient nous réunir, nous aider à nous rencontrer, à débattre, ils ont surtout fractionné la société. Les algorithmes ont pris le pouvoir pour nous maintenir dans notre bulle, toujours plus étanche aux idées ou aux opinions qui ne sont pas les nôtres. Ces algorithmes ont été développés avec pour seul objectif d’optimiser les revenus publicitaires des multinationales.
Ils scrutent en permanence notre comportement, notre intimité, à travers la collecte et le traitement de quantités gigantesques de données personnelles afin de mieux nous imposer ce dont nous n’avons pas besoin ; ai lieu d’éclaire, ils manipulent. Au lieu de nous réunir, ils nous enferment dans notre bulle de vérité et alimentent des débats aussi haineux que stériles.
La sobriété numérique consiste à se limiter à un usage mesuré de ces outils surpuissants et aussi addictifs qu’insoutenables pour la planète. La technique n’est pas neutre. Il est ainsi nécessaire de se réapproprier ses usages afin d’éviter d’en être toujours plus dépendant. La sobriété conduit à délaisser les écrans pour se reconnecter aux autres dans la réalité, se rencontrer, se confronter et faire vivre la démocratie qui a pour objet de pacifier les conflictualités. Alors, quittons ces réseaux sociaux et créons des espaces de rencontre, de dialogue, d’échange e de partage dans la vie réelle. Le vrai réseau social sobre, c’est le bistrot ou le diner entre amis.
Les chiffres et les informations de ce chapitre ont été librement repris, synthétisés et interprétés à partir de :
- https://www.hellocarbo.com/blog/communaute/ec
- https://librairie.ademe.fr/cadic/6555/guide-en-r
- https://theshiftproject.org/article/pour-une-sob
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LE NUMÉRIQUE C’EST DE LA MATIERE
Le numérique représente déjà plus de 4% des émissions de gaz à effet de serre, soit plus que le secteur aérien, et il est en pleine croissance (+9% par an). Son utilisation représente 10% de l’électricité en France, mais c’est surtout en termes de matériaux (métaux, terres rares et eau) qui n’est pas soutenable. En Europe, chaque personne possède en moyenne 9 équipements numériques, et on prévoir 48 milliards d’objets numériques sur terre d’ici à 2025 ! La fabrication d’un ordinateur de 2 kg nécessite 588 kg de matériaux et celle d’un téléphone intelligent, 70 kg ; or 63% des smartphones sont utilisés moins de deux ans, 88% sont renouvelés alors qu’ils fonctionnent encore et 113 millions d’entre eux dorment dans nos tiroir …
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CHERCHER SON CHEMIN
Lorsqu’on demande son chemin à quelqu’un dans la rue, la première réaction est : « vous n’avez plus de batterie ? » Lorsqu’on monte en voiture, on entre l’adresse de notre destination dans le GPS et on se laisse guider en pensant à autre chose … Nos enfants ne savent pas lire une carte ni utiliser un plan. On ne connait plus son territoire, son espace. Comment ferons-nous en cas de panne d’internet ou d’électricité ?
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J’ESSAIE DE RÉPARER MOI-MÊME
Les pannes les plus courantes sont facilement identifiables et réparables. Pour se lancer, se renseigner en ligne sur des plateformes dédiées et s’appuyer sur des tutos et/ou des forums, comme iFixit ; SOSav, CommentRéparer, Spareka, ou se rendre dans le repair café du quartier. On peut aussi se tourner vers un réparateur local : https://www.reparacteurs.artisanat.fr/
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WIKIPÉDIA OU VIDÉO PORNO ?
La sobriété ne signifie en aucun cas la fin de l’internet. Tout n’est qu’une question d’ordre de grandeur, d’usage et de choix. Une série regardée en streaming a plus d’impact que la lecture complète de Wikipédia en anglais. Si on veut préserver internet ; nous devons nous interroger sur son usage et le choix sur ses contenus. Toujours plus de pornos, de jeux HD en ligne, de vidéos de chats nous amène vers un internet insoutenable en termes de capacités de trafic, de poids des data centers et de consommation d’énergie. Un internet sobre autour d’échanges d’informations, décentralisé et open source, basé sur l’intelligence collective comme Wikipédia pourra fonctionner longtemps et sans problèmes.
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LA FACE CACHÉE DU NUMÉRIQUE : LES DATA CENTERS
Un data center, ou centre de données, stocke, gère et partage des quantités énormes et croissantes de données numériques sauvegardées en ligne : courriels, photos, vidéos, peux, documents professionnels, etc. Il est composé d’ordinateurs, de serveurs, de commutateurs et d’espace de stockage … Chacune des machines a une empreinte écologique et énergétique. On en compte environ 5000 à travers le monde, dont la moitié aux États-Unis, qui fonctionnent 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 grâce à d’énormes quantité d’électricité, pour les faire tourner mais surtout pour les refroidir. Ils sont aussi connectés les uns les autres via des câbles qui sont tout sauf immatériels. Donc, plus on stocke, plus on clique, plus les besoins en data centers et leurs impacts explosent.
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ENFANTS : ATTENTION DANGER
Les scientifiques commencent à se pencher sur les conséquences d’une surexposition de nos enfants aux écrans, et leurs conclusions sont alarmantes. Une étude de l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF) parue début 2022, montre que, en France, les enfants de 3 à 6 ans passent en moyenne chaque jour près de trois heures par jour sur des écrans ; les enfants en fin de primaire ou début de collège en passent cinq, et les ados consomment sept heures d’écran récréatif par jour. Les écrans empiètent sur des activités comme la lecture, le sommeil, les devoirs, les interactions humaines et familiales, les activités manuelles, artistiques ou d’imagination. L’exposition massive aux écrans a des effets délétères sur le développement du cerveau, sur l’attention, sur les capacité d’apprentissage, sur la concentration, sur la mémoire. Cette addiction a aussi des conséquences sur la santé car elle conduit les enfants à être beaucoup plus sédentaires. Limiter l’accès aux écrans des enfants va de soi, à condition d’accompagner la démarche de propositions d’activités alternatives. Sur le front des écrans, mieux vaut ne pas compter sur la capacité d’autolimitation des enfants, celle que nous avons du mal à nous appliquer à nous-mêmes, adultes.
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QUELQUES BONNES PRATIQUES DE SOBRIÉTÉ NUMÉRIQUE
Nettoyer, trier, jeter … bref, alléger nos appareils, nos mémoires, nos activités digitales.
- Bon usage de sa boite mail : supprimer les plus gros courriels (faire une recherche en fonction de la taille), les courriels inutiles, vider la corbeille les spams, se désinscrire des newsletters et des listes de diffusion inutiles, ne pas envoyer inutilement de grosses pièces jointes et privilégier des sites de dépôt et d’échange temporaire (comme Wetransfer …).
- Bon usage du stockage : éviter le cloud (stockage de vos données en ligne) et stocker utile et local (disque dur, clé USB ), trier, éviter les doublons et traquer les stockages non nécessaires en ligne. Si nécessaire, privilégier un hébergement « vert ».
- Bon usage d’internet : privilégier le streaming son à la vidéo (la vidéo représente 61% du trafic sur internet) pour écouter musique, émissions de radio ou podcasts. Réduire la qualité des vidéos pour les réunions, les débats ou les conférences en ligne. Désactiver la lecture automatique. Télécharger plutôt que streamer. Utiliser un moteur de recherche écoresponsable. Fermer les onglets inactifs et taper l’adresse d’un site sans passer par un moteur de recherche (utiliser les favoris). Organiser les réunions au téléphone et pas en vidéo. Supprimer les widgets et les extensions inutiles (météo, bourse, etc.) … Sans oublier d’installer un bloqueur de publicité type adblock.
- Eteindre, débrancher, déconnecter les appareils lorsqu’on ne les utilise pas. Régler les écrans en mode le plus sombre possible (sans pour autant de faire mal aux yeux). Se connecter directement avec le câble Ethernet plutôt que le wifi, et surtout que la 4G (elle consomme trois fois plus d’énergie que le wifi). Eteindre sa box quand on n’en a pas besoin (elle consomme autant qu’un réfrigérateur).
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Bien paramétrer ses outils : désactiver ceux que l’on n’utilise pas ou qui ne sont pas nécessaires (Bluetooth, wifi, 4G, géolocalisation, notifications inutiles, mises à jour automatiques). Désinstaller ou désactiver les programmes et les logiciels inutiles. Ne pas hésiter à utiliser le mode avion en cas de non-usage.