L’histoire de Lise

Témoignage de la maman et de la psychologue de l’école : 3 années d’observation

Lise est notre premier enfant, elle est née sans problème, c’était un beau bébé qui se développait bien. A  6 mois, je suis partie en formation pour mon travail pendant un mois et Lise était gardée par son papa. Pendant mon absence, son papa a commencé à mettre Lise devant la télé (les Titounis). A mon retour, j’ai trouvé qu’il y avait des changements : il fallait mettre Lise devant un dessin animé pour qu’elle mange ou pour qu’elle soit calme. Sinon c’étaient des crises de pleurs…

Je pensais que c’était bien pour elle puisqu’elle se calmait et que ça me permettait de faire les tâches ménagères… Petit à petit, les écrans ont pris une place très importante dans la vie de Lise : tablette, téléphone, ordinateur en plus de la télévision. Lise a marché à 17 mois et à 2 ans elle ne disait que quelques mots. Je trouvais que ce n’était pas beaucoup… Lise était suivie par la PMI et quand je leur confiais mes inquiétudes soit je n’avais pas de réponse avec certains médecins, soit d’autres médecins me disaient qu’ « elle prenait son temps et que quand ce serait le moment, elle parlerait… ». Aucun médecin ne m’a jamais posé la question : « est-ce que vous mettez Lise devant des écrans ? ».

Je voyais que Lise avait de plus en plus de problèmes (elle n’écoutait pas quand je lui parlais ou bien elle répétait les mots que je disais (écholalie), elle ne me répondait pas, elle ne me regardait pas dans les yeux et ne comprenait pas ce que je lui disais. J’avais l’impression qu’elle était dans un autre monde!). J’étais très inquiète !

La PMI, devant mon insistance, m’a conseillé de faire un test ORL pour s’assurer que Lise n’avait pas de problème d’audition. Lise entendait bien. Un second examen ORL à l’hôpital a confirmé qu’il n’y avait pas de problème auditif.

Quand Lise est entrée en Petite Section de maternelle à 3 ans et 4 mois, la maîtresse m’a donné rendez-vous dans les premiers jours pour me dire : «  votre fille n’est pas concentrée, elle est dans son monde, elle chante, danse seule dans son coin, elle dit des mots d’anglais comme « yello ! » sans arrêt, elle ne comprend ce qu’elle fait à l’école… » Puis, elle me demande : « est-ce qu’elle regarde les dessins animés ? ». C’était la première fois qu’on me posait cette question… Je lui ai dit « oui » et elle m’a parlé du danger des écrans pour les enfants. La maîtresse m’a envoyé tout de suite chez la psychologue de l’école.

Depuis le 1er octobre 2020, Lise n’a plus jamais vu d’écrans : plus de télé, plus de téléphone, plus de tablette, plus de PC !

La psychologue m’a demandé de supprimer tous les écrans et de les remplacer par des activités : jouer, parler, se promener, lire des livres, mettre des mots sur toutes les choses, expliquer ce qu’on fait… C’est ce que j’ai fait immédiatement.

J’ai rencontré ensuite une pédiatre avec qui j’avais pris rendez-vous car je n’étais pas satisfaite de la PMI et qui m’a dit que Lise était autiste et qu’elle devait aller dans un centre spécialisé ! Elle m’a dit que : « si Lise était comme ça ce n’était pas à cause des écrans ! ». Pourtant, Lise avait déjà fait beaucoup de progrès en 2 mois d’arrêt.

J’ai refusé sa proposition de prendre contact avec la PCO (*). J’ai continué le suivi avec la psychologue, Lise a pu rester à l’école à temps complet en Petite-Section, Moyenne-Section et cette année en Grande-Section de maternelle. Elle n’a jamais eu de suivis extérieurs à l’école.

Lise continue à progresser : tous mes proches constatent que Lise a beaucoup changé. Elle s’exprime, comprend, répond aux questions et en pose aussi. Elle n’est plus dans sa bulle depuis les premières séances avec la psychologue. C’est une petite fille joyeuse qui a fait des progrès incroyables et qui va passer au CP l’an prochain.

J’espère que mon témoignage pourra aider d’autres familles. Je ne savais pas que les écrans étaient dangereux pour les petits. Personne ne m’en avait parlé et je ne pouvais pas savoir que des dessins animés si mignons pourraient empêcher ma fille de se développer normalement !

Si j’ai des conseils à donner aux parents : ne mettez pas vos bébés devant les écrans avant 4 ans et privilégiez les jeux, la communication, les histoires, les promenades dans la nature…

(*) PCO-TND : la plateforme Coordination et d’Orientation des Troubles du Neuro-Développement

Témoignage de la psychologue de l’école

L’histoire de Lise illustre un phénomène nouveau que tous les psychologues de l’Education Nationale observent depuis quelques années : des enfants de 3 ans arrivent de plus en plus à la rentrée de l’école maternelle sans langage (grave retard ou langage stéréotypé), sans communication, avec toute la symptomatologie des troubles autistiques (regard fuyant, stéréotypies, intérêts restreints…).

En général, l’école alerte le psychologue dès les premiers jours de PS tant le comportement de l’enfant perturbe l’école : agitation, crises de colère, fuite de la classe, agressivité…

La manifestation bruyante de ces troubles dépasse largement ce qu’il est courant d’observer chez la plupart des enfants de PS à l’entrée de l’école.

Le premier entretien avec la famille et les questions que le psychologue posera ou non sur l’usage des écrans depuis le plus jeune âge de l’enfant détermineront largement son devenir…

Septembre 2020

Lise a 3 ans et vient de rentrer en Petite Section de maternelle (PS). C’est une belle petite fille en bonne santé. L’enseignante est affolée par le comportement de Lise et me demande d’intervenir rapidement :

Extrait de la demande d’aide de l’enseignante : « Lise ne rentre en communication ni avec les autres enfants ni avec les adultes. Elle ne soutient pas le regard et semble ne pas écouter quand on lui parle. Elle désigne toutes les images en disant : « yellow, yellow » . Elle rit, chante et parle toute seule (langage incompréhensible). Quand elle ne veut pas faire quelque chose comme mettre ses chaussures ou se déplacer dans une autre salle, elle pleure, crie ou donne des coups à l’adulte ».

Lise est une ravissante petite fille d’origine congolaise. Sa maman est secrétaire dans l’armée française et son père électricien. Lise est leur premier enfant. Lise est une petite fille qui est née sans problème et qui a été allaitée jusqu’à ses 5 mois.

Observation de Lise lors de l’entretien psychologique avec la maman

Lise chantonne constamment et déambule dans mon bureau sans s’arrêter. J’essaie de rentrer en communication avec elle en lui posant des questions « comment tu t’appelles ? Tu as quel âge ? », mais elle n’écoute pas. Elle semble « dans son monde », sourit sans raison ; elle allume et éteint la lumière à répétition puis ouvre et ferme sans cesse la porte de mon armoire. Tout d’un coup, Lise fait une « crise » sans raison apparente : elle se crispe, pleure… puis repart dans ses déambulations chantantes.

La maman me dit qu’elle est toujours comme ça à la maison : « elle est dans son monde, complètement à l’ouest, elle chante tout le temps et ne regarde jamais dans les yeux ».

Je questionne la maman sur les écrans : Quand Lise a eu 5 mois, la maman part un mois en mission à l’étranger. Lorsqu’elle rentre à la maison elle voit que le papa de Lise la met souvent devant la télé. Les parents ne savent pas que « c’est mauvais pour les enfants » et prennent cette habitude bien pratique quand la maman fait du ménage ou quand Lise pleure. Lise passe ainsi plusieurs heures par jour devant la télé depuis ses 5 mois. La télé la calme et elle arrête de pleurer.

A partir de 2 ans, Lise regarde des vidéos (pour les enfants) sur le smartphone de son papa. Lorsqu’elle est gardée par ses grands-parents, elle est constamment devant la télévision qui fonctionne chez eux toute la journée.

Pour son anniversaire, à 3 ans, ses parents lui offrent une Baby-Tablette. Les écrans aident aussi ses parents à la faire manger depuis ses premiers mois.

Lise compte jusqu’à 20, connaît toutes les lettres de l’alphabet et toutes les couleurs dans différentes langues (anglais, espagnol, italien, français, lingala). La maman m’explique que « Lise a tellement regardé de dessins animés dans toutes les langues sur YouTube Kids qu’elle mélange tout ! ». Elle est incapable de se concentrer et chante toute la journée en tournant sur elle-même.

L’arrêt total des écrans est demandé aux parents dès le mois d’octobre. A la place, je demande aux parents de jouer, parler et de promener Lise le plus possible. Des rendez-vous très réguliers sont instaurés pour soutenir la famille dans le sevrage et les guider dans les stimulations qu’ils mettent en place progressivement.

Le comportement de Lise est évalué à l’école par l’enseignante et par les parents en septembre (avant l’arrêt des écrans) et 3 mois plus tard après l’arrêt des écrans et le début du suivi psychologique (guidance parentale). Le test Q-CHAT (Quantitative Checklist for Autisme in Toddlers) est utilisé pour cette évaluation. Un score Q-CHAT supérieur à 30 est considérée comme à risque d’autisme.

Q-CHAT évaluation quantitative des signes autistiques chez les tout-petits Septembre 2020 début PS Décembre 2020 PS Février 2023 GS
Réponse de l’école 47 29  RAS
Réponses de la famille 39 20 3

Arrêt total des écrans début octobre 2020 (PS). Les troubles autistiques présentés par Lise diminuent rapidement dès l’arrêt des écrans passant d’un score de 39 points à un score de 20 points 2 mois après. 2 ans ½ après, le Q-CHAT avec un score de 3 points objective la disparition complète des troubles autistiques. L’école ne repère plus aucun trouble autistique.

Les principaux changements en décembre 2020

A l’école

Le regard : en septembre ne regardait jamais l’enseignante / en décembre regarde toujours et dit « bonjour maîtresse »

L’interaction avec l’adulte Lise peut écouter une histoire lue, ne circule plus sans cesse dans la classe et ne se sauve plus.

A la maison

Le regard et la réaction aux expressions du visage des parents. le langage qui devient compréhensible et les mots nouveaux qui passent de « moins de 10 mots à entre 10 et 50 mots » ; le pointage qui apparaît.

Examen psychométrique effectué avec la WPPSI-4

Juin 2021

les résultats sont globalement faibles de manière homogène . La compréhension verbale, le raisonnement logique, la mémoire de travail et la vitesse de traitement sont déficitaires.

Lise ne comprend pas ce qu’il faut faire et répète les consignes (écholalie).

le bonhomme commence à apparaître (têtard)

Mars 2023

Un second examen psychologique avec la passation du même test psychométrique (WPPSI-4) est réalisé. Les résultats objectivent le développement des différentes capacités cognitives :

Lise participe activement à l’examen. Elle me regarde dans les yeux, la conversation est bien établie et elle accepte de faire ce que je lui demande.

dessin du bonhomme correspondant à l’âge de Lise : orienté dans la page, tête avec yeux, nez, bouche, oreilles, corps avec bras attachés au tronc, 3 doigts, jambes et pieds.

écriture de son prénom sans modèle en capital d’imprimerie.

l’efficience cognitive est en zone de normalité-faible avec un profil hétérogène :

compréhension verbale dans la norme (information et logique verbale)

compétences visuospatiales limites (cubes et assemblage d’objets)

raisonnement fluide dépend du support (matrices analogiques dans la norme et identification de concepts faible)

mémoire de travail visuelle dans la norme (reconnaissance d’images)

vitesse de traitement faible : aucune erreur mais lenteur d’exécution.

WPPSI-4 JUIN 2021 4 ans 1 mois MARS 2023 5 ans 10 mois Différence / résultats 2021 / 2023
Compréhension verbale déficitaire normale + 26 points
Visuospatial déficitaire limite + 8 points
Raisonnement fluide limite limite + 3 points
Mémoire de travail déficitaire normale + 40 points
Vitesse de travail déficitaire déficitaire + 12 points
QIT déficitaire normal-faible + 24 points

Conclusion

L’évolution de Lise, 2 ans ½ après l’arrêt de écrans

Lise est cette année en Grande Section, elle a progressé dans tous les domaines de manière très positive. La scolarisation est à temps complet depuis l’entrée en PS. Lise n’a plus aucun signe autistique et suit les apprentissages de GS.

Elle n’a jamais eu de soins extérieurs (orthophonie ou psychomotricité).

En début d’année scolaire de GS, l’enseignante pensait qu’un maintien en maternelle serait nécessaire. Quelques mois plus tard, les progrès constatés en classe permettent d’envisager sereinement un passage en CP en septembre 2023 :

« Lise a fait de gros progrès depuis septembre, elle se tient à son atelier jusqu’au bout, parle comme les autres enfants et comprend ce qu’on lui demande, elle a une très bonne mémoire auditive, connaît tous les prénoms de la classe, reconnaît tous les nombres et retient les histoires lues. Ses relations avec les autres enfants sont bonnes » (extrait de l’entretien avec l’enseignante).

Commentaires

La surexposition aux écrans (plus de 4h par jour) dès les premiers mois de l’enfant le coupe de son environnement et des interactions nécessaires à la construction de sa personnalité en provoquant l’apparition de troubles autistiques et retarde le développement de son intelligence.

L’arrêt total des écrans permet de faire repartir ce développement interrompu artificiellement à condition que cet arrêt ne soit pas fait trop tard (le plus tôt possible !) et qu’il soit accompagné d’interactions favorables à l’enfant : jeux, langage, promenades, scolarité…

L’accompagnement des familles dans ce difficile parcours de reconstruction est essentiel. Comme le dit souvent la maman de Lise : « c’est un travail d’équipe ! ».

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