La 5G vue par Charlie Hebdo

Après la 4G, voici maintenant la 5G,…

… la cinquième génération d’équipements pour la téléphonie mobile. Et pour quoi faire ? Aller encore plus vite, dit-on. Télécharger des films en quelques secondes, plutôt qu’en deux minutes sur son smartphone, et jouer à des jeux crétins encore plus rapidement. La belle affaire ! Mais la 5G servira surtout à connecter des objets. Votre frigo, muni de capteurs vous enverra un SMS pour vous dire qu’il faut racheter du beurre, et un système de connexions dans les rues indiquera à votre bagnole les places de parking disponibles… Bref, des bénéfices idiots. En contrepartie, une avalanche d’emmerdements : économiques, environnementaux, sociétaux. L’ouverture est prévue pour fin 2020, et malgré la mobilisation d’associations qui déposent des recours et demandent des expertises, cet énorme bond en avant dans la connexion numérique est imposé sans la moindre concertation.

Un poison pour la planète et ses habitants

La 5G, c’est d’abord une explosion sans précédent du nombre d’antennes. En effet, elles émettent à de très hautes fréquences, ce qui représente l’« avantage » de véhiculer beaucoup d’informations mais l’inconvénient d’avoir une faible portée : il faudra donc qu’elles soient très près de chacun de nous. C’est aussi des milliards de capteurs pour une multitude d’objets : de la cafetière à la bagnole, en passant par la poubelle ou le frigo.

Cette hyperconnectivité entraîne d’énormes besoins en matières premières pour les circuits électroniques, lesquels conduisent à d’innombrables désastres écologiques, comme les mines de coltan au Congo ou de lithium en Bolivie – pour ne citer que deux exemples parmi bien d’autres. Ce sera donc toujours plus de déchets électroniques dont très peu sont recyclés (à peine 20% selon les estimations les plus optimistes). Et n’oublions pas qu’il faudra déjà commencer par changer tous les téléphones existants ; en fait la 5G est un vaste programme  industriel guidé par l’obsolescence programmée.

Il faut aussi parler de l’impact sur le changement climatique. D’un côté, on prétend réduire le réchauffement en allant de moins en moins vite sur les routes. De l’autre on ne cesse d’augmenter la vitesse dans les circuits électroniques… Alors que les dégâts générés sont tout aussi importants ! Si l’on tient compte de la consommation des appareils et de la production des équipements, le numérique pollue autant que le transport aérien  (4% des gaz à effet de serre, selon les estimations du think thank The Shift Project).

A cela, ajoutez la pollution sociétale. Avec la 5G, nos moindres comportements seront enregistrés. C’est déjà plus ou moins le cas avec les réseaux sociaux et internet, mais nous serons propulsés dans un cataclysmique bond en avant. Que ce soit le contenu de nos poubelles ou le nombre de cafés que nous ingurgitons dans la journée, toutes ces données seront captées, numérisées, stockées. Cela servira d’abord à nous inonder encore d’avantage de pub, et à peaufiner de perverses stratégies marketing. A partir de là, toujours plus de consommation … et donc de pollution. Sans parler des risques pour la surveillance généralisée des citoyens …

Bref, la 5G ne sert à rien, hormis au profit de ceux qui vont nous vendre leurs antennes et leurs équipements en créant d’inutiles besoins. Profit que nous allons tous payer par un empoisonnement global.

Hégémonie Huawei : la dictature chinoise très près de chez vous

Pour voir mamie en vidéo sur son téléphone, il faut plein de technologies. La première entreprise au monde dans ce domaine, celle qui fournit en matériel les opérateurs téléphoniques (Bouygues, SFR et compagnie), c’est Huawei dont l’idéogramme chinois signifie « bel ouvrage ». Fondée en 1987 à Shenzhen par un ancien colonel de l’armée populaire de libération, cette entreprise de près de 200 000 salariées est détenue par ses employés, ce qui permet à ses dirigeants de la comparer, sans rire, à un kibboutz.

Huawei est surtout une machine de guerre géopolitique, disposant d’un quasi-monopole sur le territoire africain. Multipliant les cas d’espionnage, Huawei est néanmoins présente à Boulogne-Billancourt (92), Issy-les-Moulineaux (92), Lyon et Grenoble. En 2015, Huawei s’allie avec le français Alstom pour installe des « caméras intelligentes » à Valenciennes (59) ; L’année suivant, Jean-Louis Borloo, ex-ministre et ancien maire, rejoint le conseil d’administration d’Huawei-France, qu’il devait présider avant de reculer devant le tollé général.

Trump, qui ne fait pas que des conneries, a vu le danger : en 2018, Meng Wanzhou, directrice financière de la boite, est arrêtée pour, entre autres, fraude bancaire et électronique, blanchiment d’argent et col de technologie. Puis, en mai 2019, Trump bannit l’entreprise des appels d’offres pour construire les réseaux outre-Atlantique. Tout comme l’Australie.

Mais l’Union Européenne n’a toujours pas exclu Huawei, Ursula von der Leyen ayant seulement émis de gentillettes « réserves » concernant le respect de la vie privée. Il faut dire que Deutsche Telekom a beuglé que le continent « prendrait deux ans de retard » si on se passait du monstre chinois, une chose évidemment inacceptable.

Pourtant, les équipementiers européens, le finlandais Nokia et le suédois Ericsson, savent très bien faire le job. Mais, comme l’a dit Thierry Breton, notre brave ancien ministre de l’économie désormais commissaire européen au marché intérieur, « nous respectons évidemment tous nos partenaires, y compris la Chine, qui est un très grand pays. Mais nous ne sommes absolument pas naïfs ». Dormez tranquilles petits démocrates européens, Xi Jinping s’occupe de tout.

Elle excite les complotistes

Comme toute nouvelle technologie, la 5G est l’objet de phantasmes et de délires complotistes. Tout est parti de Thomas Cowan, un médecin américain du courant de l’anthroposophie et chantre des militants anti-vaccins. Dans une vidéo, il prétend que le Covid est une conséquence de la 5G : « quand vous exposez n’importe quel système biologique  à un nouveau champ électromagnétique, vous l’empoisonnez ». Il fait un parallèle avec la grippe espagnole du début du XXème siècle qui aurait été favorisée par l’apparition des ondes radio. Le succès de cette théorie est tel que des antennes-relais ont été incendiées au Pays-Bas, en Belgique et au Royaume-Uni. D’autres théories ont même affirmé que le coronavirus n’existe tout simplement pas, qu’il est un prétexte au développement de la 5G, elle-même responsable des morts attribués à la pandémie. Ces théories ont toutes été réfutées par de spécialistes du virus. Le pire est qu’elles ont aussi été relayées par des personnalités influentes, comme Juliette Binoche qui écrit sur instagram : «  mettre une puce sous-cutanée pour tous, c’est NON. NON aux opérations de Bill Gates, NON à la 5G ». Si la 5G doit être critiquée, ce n’est pas en lui imputant tout et n’importe quoi qu’on en viendra à bout.

La santé sous tension

Depuis longtemps, les champs électromagnétiques sont soupçonnés de provoquer tumeurs du cerveau, baisse de la qualité du sperme, infertilité… Soupçonnés seulement car, malgré des faisceaux d’indices concordants, il est en l’état actuel des connaissances scientifiques difficile d’affirmer que ces ondes sont responsables de tous ces maux. D’autant que deux camps font face. Des opposants au bombardement qui citent des études où la causalité est très probable versus les promoteurs des radiofréquences qui brandissent des rapports ultra-rassurants. Au milieu : la santé.

Dans ce contexte, l’arrivée de la 5G réveille les tensions. Les associations Agir pour l’Environnement et Priartem ont déposé des recours auprès du Conseil d’Etat pour demander « la suspension de la procédure d’attribution des fréquences 5G en application du principe de précaution ». Une autre plainte portée par 500 militants écolos au tribunal judiciaire de Paris demande aux opérateurs mobiles «  de prendre des mesures efficaces sur la prévention du risque pour la santé humaine [..], et l’innocuité de cette technologie ». Tous réclament un moratoire avant toute installation. Logique : devant l’existence de risques pour la santé, on suspend le joujou technologique, surtout vu l’inutilité du machin et ses dégâts certains sur l’environnement. Sauf que non, en fait, car des intérêts économiques et géopolitiques colossaux sont en jeu.

Saisie pour conduire une expertise sur l’exposition de la population aux champs électromagnétiques de la 5G et sur les éventuels effets sanitaires, l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) estime, dans son rapport préliminaire qu’il existe « un manque de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels liés à l’exposition aux fréquences » de la 5G. Bref, pour en savoir plus, il faudrait plus d’études.

On souhaite bon courage aux juges. Les inévitables céphalées dont ils vont souffrir seront, elles, directement imputables au dossier 5G.

Libre comme un opérateur télécom : du fric dans les tuyaux

La 5G ? Ça ne sert à rien. L’immense majorité des particuliers, et même 85% des industriels n’en ont pas besoin. Par contre, une fois que le 1,5 milliard d’abonnés à la 5G promis pour 2025 multipliera les usages vitaux que cette nouvelle technologie permet (jeux en ligne, réalités augmentées …), cela va être le jackpot : 300 milliards de dollars pour seulement 60 milliards d’investissement.

Pourtant, le 22 mai dernier, coup de tonnerre : Martin Bouygues, héritier royal de l’entreprise du même nom, affirme que « la 5G n’est pas la priorité du pays. » Martin nous tire des larmes en disant qu’on « ne construit pas la technologie de demain contre la jeunesse » et que les Français frappés par la crise jugeront « indécente » la bataille à coups de milliards des quatre opérateurs pour acquérir les fréquences 5G. En fait, ce qui est indécent, Martin, c’est d’utiliser la crise du Covid pour essayer d’obtenir un gros rabais sur la licence. Pourtant, Martin et ses potes n’ont rien à craindre : l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), censée surveiller, est une « autorité administrative indépendante ». En français, ça veut dire qu’elle fait ce qu’elle veut, loin du gouvernement eu du parlement. Elle a d’ailleurs été créée pour ça quand on a supprimé le service des PTT, anciennement soumis, pour de vrai, au ministère du même nom.

Or, le pseudo-gendarme des opérateurs se pâme devant la 5G, en laquelle il voit « une génération de rupture ». Pas étonnant de la part d’une institution dont le collège est bourré d’informaticiens et de polytechniciens. Pas d’associations de consommateurs, pas d’écologistes, pas de sociologues critiques … L’Arcep et ses potes Free, SFR, Bouygues et Orange ruinent nos paysages et notre santé, physique et mentale, en toute impunité. Euh, en toute indépendance, pardon.

Décervelés par la 5G

Elon Musk, le milliardaire mégalo, envoie des milliers de « satellites 5G » en orbite pour constituer un maillage autour de la planète : avec Starlink, chaque point du globe pourra bénéficier de la 5G.Dans le même temps, avec une autre société, Neuralink, Musk travaille à mettre au point des implants cérébraux pour obtenir une interface entre les neurones et les ordinateurs. Ça a déjà été maintes fois imaginé, jamais réalisé. Sauf que Musk a mis des moyens financiers colossaux, il a recruté les meilleurs neurochirurgiens et spécialistes des neurotechnologies. Payés un pont d’or, ils n’auront aucun scrupule et sont persuadés d’œuvrer pour le bien de l’humanité ; les applications militaires et médicales sont innombrables. En branchant les cerveaux sur les ordinateurs, Musk veut « marier l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle », augmenter notre capacité mémorielle et surtout aller plus vite : pour passer une commande sur internet, on ne perdra plus un temps fou à taper sur un clavier, on « pensera » la commande, sans l’énoncer. Musk prévoit que le « langage humain deviendra obsolète » : le désir et la demande sont court-circuités, c’est la psychopathie 2.0, le passage à l’acte à la vitesse de la 5G.pour que la vitesse des échanges sur internet s’approche de la vitesse de communication entre les neurones. Neuralink a besoin de Starlink et Starlink a besoin de SpaceX pour lancer les « satellites 5G ». Si vous voulez connaitre la suite, lisez Neuromacien, de William Gibson, un roman qui avait lancé un genre à part entière au sein de la SF : le cyberpunk.

Pour voir les deux dessins de Charlie sur le sujet :

Charlie_5G_dessins