Deux recours auprès du Conseil d’État …

pour faire annuler des mesures discriminatoires envers les « sans-Linky »

Plusieurs associations, collectifs et particuliers se sont regroupés pour contester et faire annuler deux délibérations de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qu’ils jugent illégalement discriminatoires et « punitives » pour ceux qui n’ont pas de compteur Linky. Le but de ces mesures étant, sans aucun doute, de les forcer à accepter le boîtier vert d’Enedis chez eux, alors qu’ils sont en droit de le refuser.

Pas d’obligation légale d’accepter le Linky

Selon le dernier comptage de l’Insee, il y a 37,8 millions de logements en France en 2023. Et d’après Enedis, 35,6 millions de foyers seraient équipés de son compteur communicant Linky. Il resterait donc encore 2,2 millions de foyers gaulois réfractaires (mis à part ceux, assez rares, où l’installation du Linky est impossible pour des raisons techniques), soit un peu moins de 6 % de l’ensemble des foyers français. Enedis a donc atteint son objectif qui était d’équiper 90 % du parc.

Mais qu’importent les chiffres. L’essentiel est de se rappeler qu’il n’y a aucune obligation légale pour l’usager d’accepter la pose d’un compteur Linky à son domicile. La question peut faire débat (voir notre long article consacré à ce sujet), mais c’est du moins ce que stipule un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 17 novembre 2020.

Or, à cet éggard, on ne saurait suivre la société Enedis lorsqu’elle affirme l’existence d’une obligation légalepour le consommateur d’accepter la pose du compteur Linky.

En effet, les textes visés par Enedis, à savoir une directive européenne, une loi et un décret n’imposent en rien une telle obligation.

Et normalement, s’il n’y a pas d’obligation, il ne peut y avoir de punition.

« Un principe discriminant et un déni de service public »

Comme nous le rapportions dans un article précédent, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) s’est toutefois permis d’introduire une mesure à visée punitive dans sa délibération n° 2022-82 en date du 17 mars 2022, portant sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution de l’électricité (TURPE). Ce tarif est intégré dans la facture des usagers et tous le payent.

Dans sa délibération, la CRE indique que « les clients empêchant encore la pose d’un compteur Linky durant cette phase de déploiement diffus [2022-2024, NDLR] devront supporter les coûts générés par ce comportement », à savoir les frais de prestation pour la relève des anciens compteurs non connectés.

Traitement de la relève résiduelle

La CRE considère qu’Enedis devra pouvoir poursuivre sa mission de service public de relève pour la facturation des utilisateurs non équipés de compteurs linky. Si la période de déploiement diffus qui s’étend de 2022 jusqu’à 2024 devrait permettre de régulariser la majorité des situations, la CRE considère que l’ensemble des clients qui empêcheraient encore la poss d’un compteur linky durant cette phase de déploiement doivent supporter les surcoûts générés.

Pour ce faire, la commission a ajouté une composante tarifaire dans le TURPE (qui en comporte plusieurs, comme l’explique son site), mais uniquement à destination des usagers ne possédant pas de Linky. « C’est un principe discriminant et un déni de service public, car normalement, devant le service public, tout le monde est égal », réagit Dominique Humbert, le président de Stop Linky 5G 88, contacté par téléphone.

Un « excès de pouvoir » illégal de la part de la CRE

Jusqu’à fin 2024, les « sans-Linky » peuvent échapper à ce surcoût (8,30 € HT tous les deux mois, soit près de 50 € HT par an) en effectuant eux-mêmes le relevé de leur compteur et en l’envoyant à Enedis. Mais à partir du 1er janvier 2025, ils devront tous s’en acquitter, sauf impossibilité technique d’équiper leur logement. Et la CRE envisage un montant majoré à 64 € HT par an.

Plusieurs associations, collectifs et particuliers se sont regroupés pour faire un recours gracieux auprès de la CRE et demander le retrait, voire l’abrogation de cette délibération, dont ils contestent la légalité pour « excès de pouvoir ». N’ayant pas eu de réponse, les 80 requérants (cinq associations, dont Stop Linky 5G 88, et 75 particuliers) sont passés à l’étape suivante et ont déposé un recours en contentieux auprès du Conseil d’État. Ils espèrent en avoir prochainement des nouvelles et sont assez confiants car, « chose rare, le Conseil d’État a fait une demande complémentaire à la CRE », indique Dominique Humbert.

Nouveaux surcoûts pour les « sans-Linky »

Entre-temps, un second recours a été engagé à propos d’une autre délibération de la CRE, datant cette fois du 21 juin 2023. Celle-ci concerne les prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité. « En fait, cela concerne surtout les prestations d’Enedis, qui distribue à elle seule 95 % du territoire », précise le président de Stop Linky 5G 88.

Dans cette délibération, les usagers sans compteur Linky sont à nouveau désavantagés. De nouveaux surcoûts apparaissent : par exemple, la « mise en service sur raccordement existant » sera facturée 1,38 € HT à l’usager équipé d’un compteur Linky et 25,321 € HT à celui qui n’en a pas.

« On y apprend également que les nouvelles prestations offertes aux possesseurs de Linky, une quinzaine en tout, sont gratuites. En réalité, leur coût est affecté au TURPE, que tout le monde paye, y compris ceux qui n’ont pas le Linky, explique Dominique Humbert. Au final, si l’on tient compte des deux délibérations, non seulement les “sans-Linky” payent des surcoûts par rapport aux autres, mais en plus ils payent pour des prestations dont ils ne bénéficient pas. Bref, c’est du perdant-perdant. »

Le remplacement des anciens compteurs par des compteurs électroniques supprimé

Autre fait notable dans cette seconde délibération : la suppression des prestations de « remplacement du compteur par un compteur électronique avec activation TIC » et de « mise en place d’un système de téléreport des index », devenues « obsolètes », selon la CRE, en raison du « déploiement des compteurs évolués ».

Supprimer plusieurs prestations à destination des clients résiduels : « remplacement du compteur par un compteur électronique avec activation TIC » et « mise en place d’un système de téléreport des index », devenues obsolètes du fait du déploiement des compteurs évolués.

« Autrement dit, quand votre ancien compteur tombera en panne, vous n’aurez plus le choix que de le remplacer par un Linky », commente Dominique Humbert. À défaut d’obligation légale, le Linky deviendra obligatoire de fait. Une belle pirouette pour l’imposer aux derniers résistants.

Rebelote donc. Une trentaine d’associations et collectifs et une vingtaine de particuliers se sont unis pour demander l’annulation de cette délibération. D’abord en recours gracieux auprès de la CRE. Celle-ci n’ayant à nouveau pas donné suite, les requérants et leur avocat, Me Jean-Sébastien Boda, vont déposer un recours en contentieux auprès du Conseil d’État d’ici quelques semaines. Affaire à suivre.

https://www.nexus.fr/actualite/societe/recours-linky/