Linky vu par Nexus

Non merci  !

20 millions. Ce serait le nombre de compteurs d’électricité́ déjà̀ remplacés par le très controversé dispositif communicant Linky. L’objectif affiché est 35 millions de Linky installés d’ici 2021 sur tout le territoire. Mais, face à une résistance citoyenne mal anticipée, la filiale d’EDF est en train d’intensifier la cadence, pour déployer coute que coute cette technologie dans tous les foyers français, première étape de son ambition internationale.

Une révolution ? Pas encore. Un mouvement de résistance citoyenne, sans aucun doute ! 2020 s’annonce comme une année d’affrontement. Le déploiement à marche forcée des nouveaux compteurs communicants d’Enedis, ex-ERDF, la filiale d’EDF en charge de la distribution d’électricité́ en France, suscite de plus en plus de mécontentement et d’opposition au sein de la population. L’annonce de cette nouvelle technologie nous avait permis de (re)découvrir les nuisances et les méfaits de l’électricité́ domestique. Son déploiement lève le voile sur l’illusion démocratique qui caractérise nos républiques, la collusion entre monde politique et industrie, et un projet de société́ qui avance masqué et ne sert plus, depuis longtemps, l’intérêt général. « L’opération Linky permet aux citoyens de prendre concrètement la mesure du déni de démocratie, dapprendre à sorganiser et agir ensemble », observe Danielle Dubus, porte-parole du collectif Stop Linky de Saint-Dizier.

Tous concernés

Pourquoi un tel front populaire contre le remplacement des 35 millions de compteurs d’électricité de France – d’ici à 2021 – par des compteurs dits « intelligents » ?

Cette mesure n’est, après tout, qu’une parmi tant d’autres prises à l’encontre du bien commun, ces dernières années. Est-ce la mesure de trop ? Plus probablement, la nouveauté est que, pour une fois, tous les Français sont également concernés, de façon concrète et visuelle, qui plus est « chez soi », dans la sphère privée. Le pouvoir institutionnel rencontre donc des difficultés à s’appuyer sur ses outils de domination habituels : l’ignorance, l’indifférence et la division.

Il faut dire aussi que le produit ne présente aucun avantage, tant pour l’usager que pour la collectivité. Le discours commercial du distributeur n’en cherche que davantage à en faire un objet attractif : relève à distance, économies d’énergie, meilleure gestion du réseau… le tout gratuit !

Plusieurs associations et experts ont pris la peine de démanteler point par point cette publicité pour le moins abusive. Beaucoup d’usagers ont compris que Linky ne leur apporterait rien.

Inutiles et dangereux

Quant à la prétendue nécessité de ce palier technologique, écoutons plutôt un ancien ingénieur RTE (EDF), Patrice Goyaud : « Les compteurs blancs [génération de compteurs électroniques avant Linky], couplés à un réseau ADSL, Internet bas débit, ou fibre optique, ont déjà les mêmes fonctionnalités que celles revendiquées officiellement par Linky. Qui plus est en filaire, c’est-à-dire sans les inconvénients sanitaires du courant porteur en ligne [CPL]. Dans ces conditions, comment justifier Linky ? Il faut bien que ce dernier offre des possibilités technologiques supplémentaires officieuses. Lesquelles ? »

Par ailleurs, de plus en plus de Français s’interrogent : pourquoi déclasser des millions de compteurs en état de marche et disposant d’une durée de vie importante ?

« Et qu’advient-il de ces compteurs après dépose ? Pourquoi ne sont-ils pas restitués à la commune, qui en est propriétaire ? » questionne Claire Sermier, du collectif No Linky presqu’île Quiberon.

Des questions d’autant plus pertinentes que les inconvénients et les risques liés à cette nouvelle technologie sont multiples. Tus, puis niés dans un premier temps par la firme, ils sont minimisés et discrédités depuis que le public en est informé (1).

Nier et minimiser

La dissimulation des émissions radiatives du CPL (2) utilisé par Linky, à l’intérieur de l’habitation, en est un exemple emblématique. « Après avoir nié l’émission de fréquences CPL dans les logements (3), ERDF-Enedis a admis des émissions ponctuelles, puis fréquentes, puis permanentes mais inférieures aux seuils réglementaires. Notamment suite à la publication des mesures du CSTB (4) », indique Maud Bigand, porte-parole du collectif Touche pas à mon compteur-09.

David Bruno, ingénieur reconnu en ondes électromagnétiques, confirme : « Les mesures que j’ai effectuées au laboratoire Linky de Nanterre sur un Linky CPL-G3 n’ont rien à voir avec ce que j’ai mesuré sur le terrain. Mes tests mettent en évidence un rayonnement quasi permanent du Linky dans l’habitat. » Mais les problèmes imputés à Linky ne se limitent pas à la pollution électromagnétique et aux risques sanitaires induits (5).

Dysfonctionnement ou mise hors service d’appareils domestiques, surfacturation de l’énergie consommée (6), facilité de piratage, dérèglements domotiques, risques d’incendie…

Les Français témoignent

Et il ne s’agit plus de risques potentiels, dénoncés par les premiers lanceurs d’alerte, mais de risques avérés, illustrés par de nombreux témoignages sur le Net (7) et dans la presse locale. Le sujet Linky a ainsi glissé de la rubrique science à celle des faits divers… Ici, des personnes ordinaires – pas des opposants ou des électrohypersensibles – obligées de quitter leur domicile suite à des malaises (8). Là, des compteurs Linky qui prennent feu, mettant en danger les habitants d’un immeuble.

Ailleurs, une vieille dame dont le compteur disjoncte 22 fois en trois jours (9), invalidant par là même la suspicion d’effet nocebo évoquée par l’Anses (10). Lors de notre appel à témoins, pour les besoins de l’enquête, nous avons été submergés de récits individuels, certains tragiques comme celui de ce père, Philippe Venot, à Villeneuve-Loubet.

Déjà électrohypersensible (EHS), il nous écrit « qu’il se sent mourir et ne sait pas où aller » depuis le déploiement de Linky dans son immeuble.

Plusieurs organisations collectent ainsi des centaines de témoignages, certaines pour des actions en justice ultérieures.

Pourquoi accepter les yeux fermés une technologie qui présente un rapport bénéfices/risques aussi défavorable ? Pour P. Goyaud, « le plus grave est d’imposer unilatéralement un objet connecté et radiatif, 24 h/24, dans le sanctuaire de la sphère privée, sans possibilité de l’arrêter ou de le retirer ». Sans compter que ces compteurs ne présentent pas toutes les garanties légales de conformité. « Après analyse détaillée, ils ne répondent à aucun critère d’homologation (11) », s’étonne l’ingénieur EDF.

Notes

  1. Pour prendre la mesure des omissions, contradictions et incohérences, comparer la progression des déclarations institutionnelles : Linky, qu’est-ce que c’est ? Comment ça marche ?, ERDF, nov. 2015 ; ITW du directeur du programme Linky, B. Lassus par J.-J. Bourdin le 1/12/2015 ; puis celle du 1/4/2016.
  1. Le principe du CPL consiste à superposer au courant électrique 50 Hz un signal de plus haute fréquence pour transporter de l’information. Les câbles électriques n’ont pas été prévus initialement pour cet usage et génèrent de ce fait une pollution électromagnétique supplémentaire, particulièrement nocive.
  2. « ERDF veut convaincre les usagers inquiets mais ne déroge pas », Var Matin, 5/2/2016 : « Le patron d’ERDF dans le Var assure encore que “le CPL ne rentre pas dans la maison”. »
  3. Rapport d’évaluation de l’exposition de la population aux champs électromagnétiques émis dans les logements par les compteurs connectés d’électricité Linky, CSTB, 20/12/2016.
  4. Dossier santé, annexé à la lettre ouverte du Groupe santé de Colmar, 8/6/2016.
  5. Linky mesure la puissance apparente consommée (en kVA), au lieu de la puissance active (en kW), alors que la puissance réactive était déjà modélisée et facturée. Sans oublier que Linky oblige de nombreux usagers à demander une augmentation de leur puissance contractuelle (avec un abonnement plus cher), pour éviter les disjonctions intempestives de l’installation, car Linky ne tolère pas les dépassements temporaires de puissance souscrite.
  6. Témoignage Linky France : https://docs.google.com/document/d/1uu
  7. « Le compteur Linky prend la tête à cette Albigeoise », La Dépêche, 26/10/17 ; « Un SOS pour retirer leur compteur Linky », Sud Ouest, 13/6/2017.
  8. « Le compteur Linky d’une Saint-Genoise de 90 ans disjoncte 22 fois en trois jours », Le Progrès, 20/11/2017.
  9. Rapport Anses, 12/2016. L’effet nocebo, par opposition à l’effet placebo, désigne les symptômes négatifs qui apparaissent suite à la prise d’une substance neutre ou inactive.
  10. Compteurs Linky : quelle conformité, P. Goyaud, docteur ingénieur en physique appliquée, 2017, doc. non publié.

Aller plus loin

Take back your power, documentaire de Josh del Sol, 2014.

Pour une information indépendante sur les compteurs communicants et sur les actions en cours  :

Stéphane Lhomme : refus.linky.gazpar.free.fr

Robin des toits :

http://www.robindestoits.org

Annie Lobé :

http://www.santepublique-editions.fr

NextUp organisation :

http://nextup.com

Stop Linky France :

https://stoplinkynonmerci.org

Les FB et sites des collectifs locaux : près d’un millier recensé lors de l’enquête.

Et vous ?

Vous pouvez envoyer votre témoignage pour signaler un incident ou des difficultés suite à la pose d’un Linky :

– à votre collectif local « Stop Linky » ou à une des associations nationales

– sur le site http://incidents.stoplinkynonmerci.org

– sur la page Témoignage