Les parents et l’école numérique

Nous sommes parents d’élèves et nous refusons l’école numérique

Depuis plusieurs années, la numérisation de l’école avance à marche forcée. Partout en France pourtant, des parents d’élèves tentent de faire entendre leurs voix contre les distributions de tablettes et d’ordinateurs et une utilisation obligatoire du numérique, imposées sans concertation par des collectivités locales soucieuses de « modernisation ».

 Mais cette numérisation de l’école relève bien d’une politique nationale, c’est pourquoi il semble aujourd’hui nécessaire d’entreprendre une action collective pour réunir tous les parents qui, à travers le pays, refusent cette politique et le projet de société qu’elle traduit. Nous sommes nombreux, il est urgent de le faire savoir.

 Nous sommes deux mamans indignées. Nous proposons ce texte comme un premier support autour duquel réunir ces parents. Il deviendra une tribune dans la presse nationale. Mais pour être entendus, nous avons besoin du soutien de la société civile : enseignants, universitaires, scientifiques, médecins, professionnels de l’enfance, artistes, intellectuels, manuels, étudiants, retraités, citoyens de tous horizons opposés à l’école numérique.

 C’est pourquoi nous vous invitons à signer ce texte et à le diffuser. Plus vous serez nombreux à signer, plus nos voix pourront porter. Et c’est forts de ces signatures que nous interpellerons le gouvernement.

Nous sommes parents d’élèves, et nous refusons l’école numérique

Aujourd’hui le numérique est partout à l’école. Tableaux interactifs, communication via les ENT, exercices en ligne sur Moodle, exposés sur Powerpoint, MOOC comme supports aux cours, orientation sur des plateformes, et livres remplacés par des manuels numériques : l’école se dématérialise. C’est moderne. Mais est-ce mieux ? Ce serait pourtant la seule question à poser. L’école accomplit-elle mieux ses missions ? Nos enfants apprennent-ils mieux, sont-ils plus performants, plus épanouis ? Pour nous parents la réponse est non. Mais on ne nous demande pas notre avis : le numérique c’est le progrès et ça ne se discute pas.

Nous sommes des parents d’élèves de toute la France, et nous refusons cette course à la technologie dans cet espace où l’on prétend former des humains capables de comprendre le monde et de faire société. Nos enfants sont en primaire, collège, lycée, et nous affirmons que la numérisation de l’école n’a rien de pertinent, pédagogiquement comme socialement.

Ce que nous constatons c’est que le remplacement des carnets de liaison et supports d’échanges papier par des espaces en ligne n’améliore pas la communication avec l’institution et les enseignants. Cela par contre induit une logique de surveillance (notes et absences visibles en temps réel, confidentialité des discussions non garantie), dilue l’information (messages importants noyés dans la masse), et fait peser plus lourdement sur les familles la responsabilité de choix déterminants et complexes (procédures d’orientation à faire directement en ligne). Pour les parents dits « éloignés de l’école », la magie digitale n’opère pas le miracle promis : ils se retrouvent plus perdus encore. Le déploiement des ENT a des effets délétères sur le lien école-parents, donc sur la scolarité de l’enfant.

Les carnets de correspondance et cahiers de texte numériques déresponsabilisent les enfants de leur scolarité. Ils ne sont plus acteurs des transmissions entre enseignants et parents et ne prennent même plus note de leurs devoirs. Ne les écrivant plus, ils ont du mal à s’en souvenir voire n’en sont pas informés. Ils se connectent alors sans cesse pour être sûrs de « ne rien rater ». Pas droit à la déconnexion non plus pour les parents voulant suivre. On s’organise moins et on ne décroche pas.

Ce que nous constatons surtout, c’est que plus nos enfants passent de temps sur écran, moins ils arrivent à lire, à écrire, à se concentrer ; c’est que la baisse du niveau scolaire général s’accélère et qu’ils n’apprennent pas mieux. Des centaines d’études le confirment. Les écrans ont envahi la vie des enfants, mais on pouvait espérer que l’école resterait un lieu où ils en seraient protégés, où le livre conserverait la place centrale qui est la sienne pour former les esprits et stimuler la pensée. Or désormais les écrans envahissent aussi l’école et remplacent les livres. Dans plusieurs régions les manuels scolaires ont déjà disparu des lycées : le livre comme outil d’apprentissage est révolu, banni de l’univers scolaire. Des centaines de millions sont dépensés pour équiper lycéens, collégiens et écoliers de tablettes et d’ordinateurs portables avec lesquels ils sont obligés de travailler à l’école et à la maison, et qui entrent dans leurs chambres sans que nous puissions nous y opposer puisque c’est pour « faire ses devoirs ». Mais soyons honnêtes : la part « pédagogique » est souvent bien minoritaire dans l’usage qu’ils font effectivement de ces outils.

Après la « continuité pédagogique » grâce au « distanciel » lors du confinement, dont l’institution s’est gargarisée, le déploiement du « numérique éducatif » est à l’origine d’une explosion, incontrôlable pour les familles, de la surexposition aux écrans. Mais c’est nous parents qui ne savons pas gérer nos jeunes ! Alors que nombre de médecins alertent sur les dangers de passer plusieurs heures par jour devant un écran, l’Education Nationale met le numérique au cœur de l’instruction, valide la surexposition comme norme et appelle cela « modernisation de l’école » et « innovation pédagogique ». Mutation qu’elle impose sans concerter ni enseignants ni parents et sans l’évaluer. En Grand Est, région pionnière du « lycée 4.0 » lancé 2017 et généralisé en 2019, aucune évaluation pédagogique du dispositif n’a été faite.

Dans le jargon ministériel, la stratégie est de « développer un écosystème global de l’e-Education, depuis les contenus et services jusqu’au matériel ». Alléger les effectifs de classes pour donner aux enseignants les moyens de faire leur travail et réformer le métier pour susciter des vocations ne fait pas partie des priorités. Pour éduquer les citoyens de demain le ministère n’investit pas dans l’humain mais dans la technologie. Et justifie cette débauche numérique en assurant que c’est en immergeant les enfants dans le numérique qu’on en fera des utilisateurs avisés. Mensonge ! Oui nous vivons dans un monde où le numérique est partout, et oui il serait nécessaire que les enfants puissent recevoir une véritable éducation au numérique. Mais éduquer AU numérique n’est pas éduquer PAR le numérique. Or aujourd’hui c’est bien une éducation PAR le numérique qu’on développe ; l’éducation AU numérique est pour ainsi dire inexistante. Dans ces conditions l’Education nationale renforce surtout la dépendance au numérique, produisant davantage des consommateurs captifs que des utilisateurs avisés, avec des opinions qui se forgent plus par les algorithmes que par la réflexion. Ou comment fabriquer une pensée standardisée. C’est bon pour la santé de la Ed Tech, des GAFAM et du commerce, pas pour celle de nos enfants. Et c’est surtout bien inquiétant pour notre avenir à tous : isolés devant des machines, comment apprendre à faire société ?

Il y a de quoi s’interroger sur les véritables objectifs que nos gouvernants poursuivent à travers l’imposition de l’école numérique. Car ce que nous constatons c’est qu’elle démonte l’instruction et ne contribue certainement pas à former des citoyens éclairés.

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Attention ! CETTE PLATEFORME NE RECUEILLE QUE LES SIGNATURES DE SOUTIEN A NOTRE ACTION. Si vous êtes parent d’élèves, il est préférable que vous signiez ICI

Nous avons déjà reçu de nombreux soutiens dont ceux de :

Barbara Stiegler, philosophe, professeur des universités

Karine Mauvilly,  essayiste et Philippe Bihouix, ingénieur, auteurs du « désastre de l’école numérique »

Roland Gori,professeur honoraire de psychopathologie à Aix Marseille, auteur de « La fabrique de nos servitudes »

François Jarrige, historien, auteur de « Techno critiques » et « Critiques de l’école numérique »

Fabien Lebrun, chercheur, auteur de « On achève bien les enfants. Écrans et barbarie numérique »

Stephen Kerckhove, directeur d’Agir pour l’Environnement

Yves Marry, délégué général de Lève les Yeux et co-auteur de « la guerre de l’attention »

Cédric Sauviat, ingénieur, auteur de « Intelligence artificielle, la nouvelle barbarie »

Guillaume Carnino, historien des techniques, auteur de « La tyrannie technologique »

De nombreux enseignants et professeurs ont également témoigné de leur soutien et beaucoup d’autres, moins connus mais tout aussi précieux.

Rejoignez-les !

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Pour nous contacter

par courrier à : J. Perel, 14 rue André Malraux, 35136 ST JACQUES DE LA LANDE

par mail : parentscontrenumerique@mailo.com

 https://framaforms.org/nous-sommes-parents-de