Identité numérique

Prouve que tu existes

La Commission européenne prépare son « portefeuille européen d’identité numérique ».

Rome et Bologne adoptent le « crédit social numérique » à la chinoise. La digitalisation de l’État et son corollaire, l’identification numérique, progressent dans l’indifférence des Smartiens, à la faveur des phases aiguës de la Crise (épidémie, guerre, effondrement écologique). Il aura fallu moins de vingt ans pour que se réalisent nos pires anticipations sur la société de contrainte. Pour les nouveaux venus et les nostalgiques, on a ressorti quelques archives. Te souviens-tu de Libertys ?

L’été sera sec. Les nappes sont au plus bas, les températures au plus haut. On s’habitue, c’est pire chaque année. Comme on s’habitue au traitement technocratique de la catastrophe, celui-là même que nous avons tâché d’anticiper et de décrire concrètement depuis vingt ans : société de contrainte ; techno-totalitarisme ; tri entre « bons » et « mauvais citoyens » (le nouvelennemi). Aussi ne s’étonne-t-on guère des nouvelles venues d’Italie en ce printemps 2022.

Samedi 7 mai, nos amis de Resistere al Transumanesimo manifestent à Bergame « contre la transition numérique, la 5G et le crédit social numérique ». Ils contestent le lancement d’un « smart citizen wallet » à Bologne, après une phase de test à Rome. Selon les autorités locales, cette appli est un « portefeuille du citoyen vertueux » (sic) destiné à améliorer la mobilité dans la ville-machine, à informer en temps réel les usagers (et le pilotage central) des transports, des services publics, des commerces, des infrastructures de loisirs, à favoriser les comportements fluidifiant la gestion des stocks et des flux d’humains et de marchandises. Bref, le programme de smart planet – de filet électronique – qu’IBM promeut depuis 2008 : cela veut dire que les infrastructures numériques et physiques du monde entier sont en train de converger. Nous mettons la puissance informatique au service de choses que nous n’aurions jamais reconnues auparavant comme étant des ordinateurs. En réalité, presque tout – qu’il s’agisse d’une personne, d’un objet, d’un processus ou d’un service, pour une organisation, publique ou privée, grande ou petite – peut devenir sensible à la réalité numérique et faire partie d’un réseau.

N’ayant jamais demandé à « devenir sensible à la réalité numérique » ni à « faire partie d’un réseau », nous y sommes contraints par la technocratie. Pour le pouvoir et ses ingénieurs, un cheptel humain connecté à la Machinerie centrale – pris dans ses filets électroniques – est plus simple à contrôler, surveiller, contraindre : à piloter.

Administration automatisée des comportements

Les Bolognais sont invités à télécharger l’application afin que celle-ci enregistre leurs habitudes : usage des transports en commun, consommation d’énergie, tri des déchets, fréquence des amendes à payer, etc. Combien de temps faudra-t-il avant qu’ils n’y soient contraints ? Le système attribue aux « bons comportements » des points qui donnent droit à des ristournes dans les transports ou les activités culturelles. Comme des récompenses à des rats de laboratoire. Ce que nos amis bergamasques nomment une « administration automatisée des comportements ». Et nous, l’incarcération des hommes-machines (Smartiens) dans le mondemachine (smart city).

Telle est la contrainte électronique : façonner les comportements individuels et collectifs selon les besoins de la Machine et l’état des ressources, par le pilotage des réseaux cybernétiques.

Sans doute bien des lecteurs ont pensé que nous exagérions, il y a vingt ans. Ceux qui nous disaient « on n’en est pas là », n’ont peut-être pas fait le lien avec le passe vaccinal de 2021 et son QR code distinguant entre les bons et les mauvais citoyens. Son adoption sans émotion par la majorité de la population a préparé les cervelles à son extension. Dans un état d’urgence permanent, les outils testés durant la crise ont vocation à s’installer. Déjà, les touristes de Marseille téléchargent leur QR code en prévision d’une sortie à la calanque de Sugiton cet été.

Les technocrates italiens s’inspirent de la Chine, qui déploie depuis 2014 son « Schéma directeur pour la construction d’un système de crédit social ». Nul n’ignore plus que les Machinois sont désormais notés en temps réel grâce à la traçabilité électronique de leurs actes : géolocalisation, reconnaissance faciale, big data. Les bons élèves gagnent des réductions, comme à Bologne. Les non vertueux (mauvais payeurs, réfractaires au confinement ou au masque, cracheurs dans la rue, traverseurs au feu rouge, critiques du régime, etc), inscrits sur une liste noire, sont privés du droit au voyage, au crédit, à certains métiers, logements et loisirs.

Leur photo s’affiche sur des écrans géants, les désignant coupables de la mise en place de nouvelles mesures de restriction. Cette même stratégie du bouc émissaire employée pour les réfractaires au passe vaccinal, accusés d’empêcher « le retour à la normale ».

L’Italie subit l’influence chinoise depuis les investissements dans ses sociétés publiques et privées (notamment dans l’énergie) qui ont suivi la crise de 2008. Les pneus Pirelli, parmi d’autres, appartiennent à une société d’État chinoise. La péninsule a signé dès 2019 un protocole d’accord sur les « nouvelles routes de la soie » et Pékin lui a envoyé son aide durant la pandémie à grand renfort de propagande. Avec le « smart citizen wallet », Rome et Bologne se mettent un peu plus en ordre chinois.

Mais pas de sinophobie. Plus près de nous, un pays est fort avancé en matière de machinisation de ses citoyens, avec une application lancée en 2020, réunissant documents d’identité, carnet de vaccination, assurances, prestations sociales, et l’accès numérique à de nombreux services publics. Celle-ci s’ouvre au « crédit social » durant la pandémie de Covid, avec un programme « argent contre vaccin » : deux injections = 30 €. Ou plutôt, 1000 hryvnia, puisque nous sommes en Ukraine.

Comme le virus, la guerre accélère la gestion numérique de l’ordre public. L’appli (nommée Diia) s’enrichit d’une fonctionnalité « E-enemy » qui permet à chaque citoyen de renseigner l’armée sur l’avancée et les exactions des troupes russes. Pratique. Dans le même élan, le ministère ukrainien de la Défense utilise le logiciel de reconnaissance faciale de Clearview AI, boîte américaine financée par le transhumaniste américain Peter Thiel, pour l’identification des réfugiés, des morts, de soldats russes. Clearview AI collecte des photos sur tous les réseaux pour alimenter sa gigantesque base de données et ainsi « identifier tout le monde ». Les charognards n’ont pas raté l’occasion d’une bonne guerre pour étendre leurs filets numériques.

Les Russes font probablement pareil. – La reconnaissance faciale c’est comme tout, hein, tout dépend des usages.

Voilà pourquoi les phases aiguës de la Crise permanente sont si utiles aux technocrates. On se souvient du rapport sur « les crises sanitaires et les outils numériques » que la délégation à la prospective du Sénat français a publié en juin 2021, et de ses propositions innovantes : Plus la menace sera grande, plus les sociétés seront prêtes à accepter des technologies intrusives, et des restrictions plus fortes à leurs libertés individuelles – et c’est logique.

[…] Dans les situations de crise les plus extrêmes, les outils numériques pourraient permettre d’exercer un contrôle effectif, exhaustif et en temps réel du respect des restrictions par la population, assorti le cas échéant de sanctions dissuasives, et fondé sur une exploitation des données personnelles encore plus dérogatoire. […] Reste encore à franchir le pas décisif, celui d’une identité numérique universelle et obligatoire […].

On y travaille. Le modèle des sénateurs, c’est l’Estonie, « au premier rang européen pour la eadministration ». Un rêve d’ingénieur : 96 % des démarches administratives s’y effectuent en ligne (voter, porter plainte, consulter ses bulletins scolaires ou son dossier médical, déclarer une naissance ou un décès, etc) via un identifiant unique. La majorité de la population dispose de papiers d’identité numériques. Le système est vertueux puisque chacun peut savoir qui ou quelle administration a consulté quelles données sur son « espace personnel ». Les sénateurs ravis en troqueraient leur mandat contre un smartphone : Les services publics sont dès l’origine conçus comme des « applications », disponibles sur une plateforme, à l’instar d’un App Store ou d’un Google Play, où chaque usager dispose d’un identifiant unique.

L’État plateforme, la « Machine à gouverner » cybernétique

Revoilà le concept « d’État plateforme », qui n’est pas de nos technocrates hexagons, mais de l’entrepreneur américain Tim O’Reilly, auteur en 2011 d’un article titré « Government as a platform ». Idée colportée entre autres par les accélérationnistes Michael Hardt et Antonio Negri qui voient dans ce « connexionnisme » institutionnel une chance pour leur projet de « multitude » décentralisée, déterritorialisée, « rhizomique ».

En bref : l’État doit s’inspirer des Gafam, exploiter le big data et jouer l’intermédiaire entre demande et offre, pour proposer des services publics innovants, coopératifs, inclusifs naturellement, quasi autogérés – en fait, automatisés.

L’idée circule, des multinationales aux cabinets de consulting et à l’Union européenne. Oubliez l’hôpital public et ses équipes médicales au chevet des patients, place aux algorithmes du Health Data Hub. Cette plateforme française comme son nom l’indique, collecte en masse toutes les données de santé numérisées (d’où l’Espace numérique de Santé) pour gaver ses « intelligences » artificielles et automatiser les soins.

Idem pour l’administration, réduite à des services en ligne et à « FranceConnect », l’application d’authentification des usagers internautes. Si vous avez fait une carte grise ou déclaré vos impôts récemment, vous voyez de quoi on parle. Nul humain pour vous renseigner, vous conseiller, vous engueuler, vous plaisanter. Entrez votre identifiant. Ça ne va pas s’arranger avec « FranceConnect+ », qui s’élargit aux services bancaires ou au dossier médical partagé.

Les procédures ne sont pas plus simples – génie administratif français oblige – elles sont plus compliquées et déshumanisées. « L’État plateforme » est le poste de pilotage centralisé de la smart city. La « dématérialisation » ayant supprimé les corps des citoyens et des agents publics, la citoyenneté s’évapore en usages, en fait en consommation de services. Et la confrontation directe – sans parler du rapport de forces – se dissout en procédures virtuelles. Tapez 1. Le résultat est cette déréalisation des rapports sociaux et humains que beaucoup constatent avec plus ou moins de dépit. Telle est la « Machine à gouverner » annoncée dans l’enthousiasme des débuts de la cybernétique, en 1948, par le chroniqueur scientifique du Monde, Dominique Dubarle.

Le retour de Libertys

On cause, on cause, et les technocrates agissent. La Commission européenne prépare son « portefeuille européen d’identité numérique ». Celui-ci permettra d’utiliser les services publics, d’ouvrir un compte bancaire, de remplir ses déclarations fiscales, de s’inscrire dans une université, d’enregistrer ses prescriptions médicales, de prouver son âge, de louer une voiture avec un permis de conduire numérique, de s’enregistrer à l’arrivée dans un hôtel, etc.

Comment feront ceux qui n’ont pas de smartphone ? Ce n’est pas précisé dans l’appel à projet.

Mais leur exclusion de toute vie sociale et citoyenne semble la solution rationnelle. Le projet européen est calqué sur la solution de Thalès nommée « Digital ID wallet » (« portefeuille d’identité numérique »). Thalès, groupe né en 2000 du rapprochement des activités de défense de Thomson-CSF, d’Alcatel et de Dassault Électronique, promeut depuis deux décennies « l’identité numérique » appuyée sur ses outils biométriques. Son site se réjouit que la pandémie de Covid offre « une opportunité de changement systémique » – comprenez : l’accélération de la machination générale. Comme l’ex-patron d’IBM, Thalès milite pour « Rapprocher l’univers numérique et le monde physique ». L’interface entre les deux, qui vous connecte à vos papiers numériques, à votre compte en banque, à vos « espaces personnels » d’administration en ligne et au reste, ce sont vos données biométriques (reconnaissance faciale, empreintes digitales) enregistrées dans votre smartphone. Admirez le saut qualitatif : plus besoin de vous soumettre à une humiliante caméra « intelligente » ou à une borne d’identification, c’est vous-mêmes qui procédez au relevé biométrique.

Le « portefeuille d’identité numérique » n’est pas une nouveauté. Dès juin 2005, l’Isère était désignée « département pilote de la future carte d’identité unique d’identité et de services » nommée Libertys. D’après Le Monde de l’époque : Libertys contient, numérisés et encryptés sur sa puce, des identifiants biologiques de son titulaire : empreintes digitales, iris de l’œil et image faciale. Elle « remplacera avantageusement tous les documents actuels » : pièce d’identité, permis de conduire, carte grise, carte d’électeur, carte Vitale, carte de transport, etc.

Le visionnaire André Vallini, alors président PS du Conseil général de l’Isère, expliquait dans le prospectus « Libertys, votre nouvelle carte de vie » distribué dans les boîtes aux lettres des Grenopolitains : La carte Libertys s’inscrit pleinement dans le développement de l’administration électronique, pour améliorer l’efficacité des services publics et simplifier la vie des usagers.

Grenopolis a toujours un temps d’avance. Ou plutôt, son techno-gratin – ingénieurs, industriels, élus, associés dans la course à l’innovation. En 2005, « Grenoble-Isère » est labellisée « pôle de compétitivité des technologies du numérique » sous le nom de Minalogic (Micro-Nano-Logiciel).

Parmi les boîtes et labos membres de ce pôle financé par l’État figurent Thalès et Atmel, experts en biométrie et en identification électronique. Lesquels, remarquons-nous dans le n°10 de notre lettre Aujourd’hui le nanomonde (novembre 2005), sont également adhérents du Gixel, le lobby de l’industrie électronique et numérique.

Te souviens-tu, lecteur, du Gixel et de son Livre bleu de 2004 sur l’avenir de la filière ? Pour le plaisir, et pour les moins de 20 ans, rappelons l’extrait le plus fameux du document : La sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles. Il faut donc faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles.

Plusieurs méthodes devront être développées par les pouvoirs publics et les industriels pour faire accepter la biométrie. Elles devront être accompagnées d’un effort de convivialité par une reconnaissance de la personne et par l’apport de fonctionnalités attrayantes :

Éducation dès l’école maternelle, les enfants utilisent cette technologie pour rentrer dans l’école, en sortir, déjeuner à la cantine, et les parents ou leurs représentants s’identifieront pour aller chercher les enfants.

Introduction dans des biens de consommation, de confort ou des jeux : téléphone portable, ordinateur, voiture, domotique, jeux vidéo.

Développer les services « cardless » à la banque, au supermarché, dans les transports, pour l’accès Internet…

La même approche ne peut pas être prise pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle, il faudra probablement recourir à la persuasion et à la réglementation en démontrant l’apport de ces technologies à la sérénité des populations et en minimisant la gêne occasionnée. Là encore, l’électronique et l’informatique peuvent contribuer largement à cette tâche.

Les archives sont précieuses. A l’époque, on s’était surtout indignés de l’éducation « dès la maternelle » aux technologies biométriques. Deux décennies plus tard, on mesure l’efficacité des technocrates. Ils ont rendu acceptables ces « atteintes aux libertés individuelles » par les « biens de consommation et de confort » et « l’électronique » – en fait, le smartphone. La reconnaissance faciale après tout, c’est juste un selfie, que le Smartien lambda prend sans même y penser. La méfiance à l’égard du flicage biométrique est un souvenir fané.

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La presse révéla que Libertys était « un canular ». Nous corrigions de notre côté : « une anticipation, plutôt ». Une sacrée bonne anticipation. A l’époque, l’affaire avait provoqué de vifs débats sur les « forums » Internet (c’était avant les réseaux sociaux, la Préhistoire).

Il y a de quoi être troublés, 17 ans plus tard, quand les « portefeuilles d’identité numérique » se déploient partout sans opposition. Nos amis de Bergame sont bien courageux de haranguer les passants indifférents le nez sur l’écran.

La semaine dernière, nous étions dans un lycée savoyard pour une causerie-débat avec des élèves de Terminale. Nous discutons de l’emprise des technologies sur nos vies, de leur part à la destruction des liens humains et de la nature, et de la dépendance des Smartiens au règne machinal. Une lycéenne nous interpelle : « C’est de la nostalgie, de penser que c’était mieux avant, quand on était jeunes ». Il y a peut-être du vrai dans ce cliché. Mais l’essentiel est ailleurs : quand on est né l’année de Libertys, dans la Machine programmée par Thalès, le Gixel et leurs semblables, on ne sait comment vivre sans smartphone ni connexion. Ce savoir s’est perdu. On ne souffre pas d’être dépendant du règne machinal et de troquer son autonomie contre l’assistance numérique. On ne voit pas pourquoi s’inquiéter, ni ce qu’il faudrait regretter. Ce qu’on ignore ne fait pas mal.

Il revient aux vieux et aux nostalgiques de préserver la mémoire de ce qui faisait des vies libres et humaines. Pour aujourd’hui, disons-le ainsi : la prise en charge machinique, ce totalitarisme confortable, n’attaque pas seulement la liberté civile ou politique, ainsi que le dénoncent les quelques opposants à « la société de contrôle » ou à la « surveillance généralisée ». Elle détruit une autre liberté, intime, fondamentale : celle de se sentir responsable de soi-même et d’éprouver ainsi le sentiment d’exister.

https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/prou

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Le portefeuille d’identité numérique arrive en France

Avec son nouveau décret, la France fait un pas de plus vers le crédit social à la chinoise.

Emmanuel Macron n’aura pas perdu de temps. Seulement quelques heures après son

élection, un décret autorisant la création d’un nouveau système baptisé Service de

garantie de l’identité numérique (SGIN) a été publié. Le portefeuille d’identité

numérique arrive en France…

La Commission européenne à la manœuvre

En juin 2021, la Commission européenne a exprimé le souhait de créer une identité numérique pour tous les Européens. Pour cela, elle souhaite la mise en place d’un portefeuille européen d’identité numérique permettant de stocker et de gérer des documents officiels grâce à une application mobile.

Bon élève, la France est donc sur le point de lancer son portefeuille d’identité numérique. Le décret, signé par Jean Castex et Gérald Darmanin, permettra aux possesseurs d’une carte d’identité équipée d’une puce NFC de conserver leurs documents officiels dans leur portefeuille numérique, afin de s’authentifier auprès « d’organismes publics et privés ».

Il pourra être utilisé pour « des services en ligne proposés par des fournisseurs liés par convention à FranceConnect », ainsi que pour « générer des attestations électroniques comportant les seuls attributs d’identité dont il [l’usager] estime la transmission nécessaire aux tiers de son choix ».

Une traçabilité du citoyen ?

D’après le texte, l’application associée au SGIN pourra traiter de nombreuses données personnelles, comme le nom, le prénom, la date de naissance, la photo, l’adresse mail ou encore l’adresse postale. En juin 2021, la Commission européenne, pour illustrer l’utilisation de son portefeuille d’identité numérique, avait donné l’exemple de Myra qui « fait la queue devant une boîte de nuit et [à qui] le vigile […] demande ses papiers. Au lieu de présenter sa carte d’identité, elle utilise son portefeuille d’identité numérique européen. »

Le gouvernement pourra donc savoir que Myra est allée en boîte de nuit ce soir-là. Le gouvernement ne pourrait-il pas finir par trouver que Myra va trop souvent en boîte pour une demandeuse d’emploi ?

Un portefeuille numérique à points à Bologne ?

L’Italie va également instaurer un portefeuille d’identité numérique. En effet, la ville de Bologne a lancé le « portefeuille du citoyen vertueux ». Son fonctionnement s’apparente au mécanisme d’une « collecte de points de supermarché », par lequel « les citoyens seront récompensés s’ils trient leurs déchets, utilisent les transports publics, gèrent bien leur énergie, ne reçoivent pas d’amende de la municipalité et sont actifs avec la carte culture. Le comportement vertueux correspondra à un score que le Bolognais pourra ensuite “dépenser” pour obtenir des prix en cours de définition. »

L’instauration de ce portefeuille numérique peut entraîner de nombreuses dérives autoritaires, transformant ce portefeuille en pass, accordant des bons ou des mauvais points selon vos comportements.

Si vous ne rentrez pas dans le moule, vous deviendrez des sous-citoyens avec moins de droits que les autres. C’est le choix qu’a fait la Chine en instaurant une dictature numérique avec son crédit social, et c’est le chemin que prend l’Europe.

https://www.nexus.fr/actualite/news/portefeuille-identite-

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Bientôt le « portefeuille d’identité numérique », un cauchemar totalitaire

https://reporterre.net/Bientot-le-portefeuille-d-identit

Extraits

Lucie, jeune étudiante, sort de son lit. Au petit-déjeuner, sur son smartphone, un message du gouvernement lui signale qu’elle doit faire son rappel de vaccination. Arrivée à la fac où elle va passer un partiel, elle positionne le smartphone face à son visage pour activer la reconnaissance biométrique, ce qui génère un QR code que l’examinatrice souriante flashe pour l’identifier. Un peu plus tard, consultation chez le médecin : du même geste fluide, Lucie scanne son visage et lui tend un QR code qu’il reconnaît avec son écran avant d’ouvrir son dossier médical. Puis, dans le taxi qui la ramène chez elle, elle commande un passeport, là aussi en s’identifiant par reconnaissance faciale, puis loue une voiture en Australie en prévision d’un voyage. Le soir venu, à la porte d’un bar où elle rejoint ses amis, elle tend aimablement son smartphone au vigile qui flashe un QR code prouvant qu’elle a l’âge d’entrer.