Des technologies sans fil

mais pas sans risques

Un document réalisé en Belgique

Il est urgent de susciter une prise de conscience collective autour du danger sanitaire des technologies sans fil, qui concerne tout le monde, et d’organiser une meilleure inclusion quant au handicap que les ondes électromagnétiques suscitent.

En juin dernier, nous étions une centaine à nous rassembler dans une des dernières zones préservées des ondes en Wallonie. Pourquoi ? Toutes et tous, nous développons des symptômes à proximité d’appareils et d’antennes de télécommunications sans fil : wifi, 4G, oreillettes Bluetooth, téléphone fixe sans fil DECT, antennes téléphoniques à proximité du domicile… Pour beaucoup d’entre nous, les premiers symptômes n’ont pas pu être diagnostiqués à temps car confondus avec d’autres pathologies, entraînant une évolution très handicapante de ces derniers : maux de tête, oreilles qui brûlent, problèmes de concentration, picotements dans les membres, acouphènes, troubles du sommeil, nausées et impression de cerveau qui brûle, fatigue extrême, mémoire à court et à long terme défaillante…

Bien souvent, ces symptômes nous ont contraints à arrêter un travail dont les locaux étaient saturés de wifi, à déménager, à partir à la recherche d’un logement à l’abri des rayonnements.

Car une fois l’affection déclarée, un seul remède efficace existe : l’absence d’exposition électromagnétique. Malheureusement, sur le terrain, les professionnels de la santé ne sont pas suffisamment et/ou correctement (in)formés pour détecter ce trouble de santé environnemental émergent, alors même qu’il incommode une personne sur vingt en Suisse et en France .

Une société du tout-aux-ondes ?

Aujourd’hui, le smartphone s’est approprié une place à table, entre le café et le croissant. Des compteurs d’électricité communicants s’imposent un peu partout dans les maisons, et les transports publics sont saturés de smartphones émettant à la fois bluetooth, 4G et wifi. Au brouillard électromagnétique existant viennent encore s’ajouter de nouvelles émissions, liées à la 5G notamment. Vous l’aurez compris, loin de trouver des solutions à notre handicap, l’ambiance générale est à la multiplication des technologies sans fil. Aux problèmes de santé s’ajoute ainsi une contrainte de taille : l’exclusion sociale.

A bien des égards, nous nous comparons volontiers aux asthmatiques des années cinquante. A l’époque, tout le monde fumait dans les transports en commun, chez soi, en rue, dans les cafés et partout ailleurs, malgré les preuves pourtant accablantes du lien entre le tabagisme et le cancer du poumon. Par manque de « consensus scientifique », savamment orchestré par les « marchands de doute » de l’industrie du tabac , la prise de mesures de santé publique a nécessité des décennies… Les asthmatiques devaient avoir la vie dure. Aujourd’hui, c’est le même processus : nous voilà baignés dans un électro-smog permanent, alors même que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), classe les rayonnements électromagnétiques des réseaux mobiles en « catégorie 2B, cancérogènes possibles » depuis 2011. En outre, cette classification est en cours de réévaluation par le CIRC depuis la publication de deux études ayant mis en évidence le lien entre une exposition similaire à celle que nous subissons et la survenue de cancers et de lésions de l’ADN chez les rats .

Concernant l’électrohypersensibilité, la recherche progresse : une étude parue en 2020 menée sur 700 patients en France montre des variations communes de certains marqueurs sanguins et explicite les mécanismes biologiques qu’entraîne l’exposition aux ondes électromagnétiques .

En Belgique, un millier de médecins et travailleurs du secteur paramédical ont signé un appel pour l’application du principe de précaution au sujet des rayonnements électromagnétiques.

Leur constat ? « L’innocuité de l’exposition omniprésente et prolongée aux rayonnements électromagnétiques de radiofréquences n’a jamais été démontrée. Au contraire, les preuves de sa nocivité s’accumulent » .

Vous avez dit « conflits d’intérêts » ?

Comme jadis pour le tabac, nous observons aujourd’hui des conflits d’intérêts flagrants dans l’établissement des normes appliquées aux rayonnements. Les députés européens Klaus Buchner et Michèle Rivasi ont commandité une enquête sur l’indépendance de l’institution privée ICNIRP (Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants) et de ses membres . L’enquête démontre notamment que la majorité des scientifiques de l’ICNIRP, organisme considéré comme la référence en matière de protection contre les rayonnements non ionisants, ont effectué des recherches partiellement financées par le secteur des télécommunications, et que l’organisme coopère étroitement avec ce dernier.

Le responsable de l’ICNIRP reconnaît lui-même, face caméra, ne savoir nullement vers quoi nous nous dirigeons au niveau sanitaire concernant la 5G . Rien d’étonnant à cela, puisque les recommandations de l’ICNIRP ne prennent en compte que l’effet thermique à court terme de l’exposition aux rayonnements et son impact sur la santé humaine. Elle ne prend pas en compte les nombreux autres effets biologiques à court et long terme. Pour établir un parallèle parlant, on s’accordera pour dire que fumer un paquet de cigarettes un jour de sa vie n’entraînera pas le développement d’un cancer du poumon, mais qu’en est-il des effets à long terme d’une consommation régulière ?

En Belgique, en raison de l’arrivée de la 5G, les trois régions ont diminué la protection des citoyens face à la pollution électromagnétique. Les normes régionales ont été ou sont en train d’être relevées. En région bruxelloise par exemple, le projet est de remonter la norme de 6 V/m à 14,5 V/m. Exprimé en termes d’exposition, c’est 5,8 fois plus élevé. Certes, c’est en dessous de la recommandation de l’ICNIRP (environ 8 fois moins), mais c’est plus de 50.000 fois supérieur aux recommandations établies par l’Académie européenne pour la médecine environnementale (EUROPAEM), qui prennent en compte les effets biologiques à court et long terme .

Nos demandes : une reconnaissance et une hygiène électromagnétique collective

Nous, électrosensibles, sommes victimes d’un arrêt brutal du respect de la plupart de nos droits : le droit à un environnement sain, le droit de mener une vie professionnelle, le droit de fréquenter les lieux publics, culturels ou d’éducation, le droit à un logement sain… Où sont passés tous nos droits fondamentaux ? Même les hôpitaux sont des lieux aujourd’hui saturés en rayonnements. Où allons-nous pouvoir être soignés sans devoir subir une souffrance accrue dans un lieu où l’on devrait pouvoir se régénérer ?

Tout cela pose la question de la place qu’on nous réserve dans un monde du tout-aux-ondes.

Pour garantir notre droit à une vie décente, il faut une reconnaissance de l’électrohypersensibilité par nos autorités. Il y a un besoin urgent de logements adaptés, de lieux de travail adaptés et des transports et des lieux de soins qui soient accessibles. Des solutions pragmatiques existent, mais il faut les moyens et le soutien des autorités fédérales et régionales pour les mettre en place. Il est temps que nos élus puissent nous rencontrer pour mieux comprendre comment et dans quelle mesure ce « syndrome des micro-ondes » impacte notre quotidien. En effet, l’électrohypersensibilité rentre pleinement dans la définition du handicap de la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU :

« incapacités, physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ». Cette même convention stipule encore que toutes les personnes concernées doivent pouvoir jouir de tous les droits humains.

Plus largement, puisque prévenir vaut mieux que guérir, nous demandons des campagnes d’information adressées au grand public sur les risques réels et sur des gestes de précaution minimaux à adopter face à ces technologies sans fil ; il est impératif de mettre en place des mesures de prévention sanitaire dans tous les lieux accessibles au public à l’instar de ce qui a été fait pour le tabagisme.

www.mavieenmodeavion.com

(1) N. Schreier, A. Huss, M. Röösli, The prevalence of symptoms attributed to electromagnetic field exposure : across-sectional representative survey in Switzerland, Soz Praventivmed 51(4) (2006) 202-209.

(2) ANSES, Hypersensibilité électromagnétique ou intolérance environnementale idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques.

(3) Naomi Oreskes et Erik M.Conway, Les marchands de doute, Editions Le Pommier pour l’édition française, 2012.

(4) Une étude réalisée sur une période de dix ans dans le cadre du National Toxicology Program, à la demande du Département de la Santé des États-Unis (Wyde et al, 2018), ainsi qu’une étude italienne publiée par l’institut Ramazzini (Falcioni et al, 2018).

(5) Belpomme & Irigaray, Electrohypersensitivity as a Newly Identified and Characterized Neurologic

Pathological Disorder : How to Diagnose, Treat, and Prevent It, 2020.

(6) Rapport disponible.

(7) Rapport disponible.

(8) Emission #Investigation «<UN>5G, tous cobayes ?<UN>», RTBF 16-09-2020.

(9) EUROPAEM, EUROPAEM EMF Guideline 2016 for the prevention, diagnosis and treatment of EMFrelated health problems and illnesses

(10) UNIA, L’application en Belgique de la Convention ONU relative aux droits des personnes handicapées.

Le Soir, quotidien belge

https://www.lesoir.be/466991/article/2022-10-28/des-technologies-sans-fil-mais-pas-sansrisques#_ftn2