Histoire d’antenne-relai

Elle est peut-être ancienne … mais elle vaut le coup !

En apercevant l’antenne-relais de l’autre côté de la rue de ce village, il détourna le regard.

Avec tant de cadres d’ingénierie qui recherchent dans le secteur, rêvent de co-working et de « changer l’économie pour changer le monde », des niaiseries auxquelles il n’avait jamais cru, il avait malgré tout accepté l’évolution de sa carrière. Sa formation d’énergéticien au temps du monopole d’État lui permettait à l’époque d’assumer des choix plus large que ceux de quelques illuminés dévouant leur existence au numérique. Monsieur Machaind est représentant en objets connectés, et ce qui l’inquiétait ce soir, dans la salle du café, contemplant cette antenne, c’était la proximité de l’EPHAD auquel s’ajoutait l’écriteau d’une cantine pour gamins. Peut-être dix mètres seulement séparait le pylône de la maison des anciens. Que la mairie se trouve aussi à proximité ne l’étonnait guère, il avait même eu vent d’un maire décédé d’une tumeur au cerveau lors de son second mandat, avec une antenne à quelques mètres de son bureau. Cela n’avait pas eu l’air d’affoler grand monde, et puis comment prouver l’influence seule du pylône ? Le marché hebdomadaire y prospère toujours dessous. Et puis il se souvint du faisceau de l’antenne en direction de l’école primaire de Saint-Aubin à Toulouse, combien ? 50 mètres peut être… Ce soir, la vision de cette grue connectée, une heure avant le Conseil municipal où il doit intervenir, le fit sourire, comme s’il constatait une bêtise de gosse que lui n’aurait jamais commise.

– Vous regardez l’antenne ? Lui lança Odile, qui était accompagnée de Bertrand, tous deux conseillers. Elle prit place face au commercial, et poursuivit :

– C’est le fait de vos collègues qui n’ont aucun respect pour la santé des personnes les plus fragiles.

– Pardonnez-moi, mais ceci n’est pas du fait de mon entreprise, si c’était le cas, nous aurions opté pour une implantation dans ce champs qu’on aperçoit à la sortie du village par exemple.

Bertrand intervint :

– Ouais, mais vous connaissez l’étude Indienne de l’an dernier qui montre que chez les riverains d’antenne il y’a des dégâts sur leur ADN qui ne se répare pas, ce qui peut induire des cancers. Ce sont de très faibles doses : 1 Volt 30 je crois, c’est ce qu’ont tous les riverains d’antenne à moins de 150 m.

Monsieur Machaind le coupa en souriant :

– Bien des études vous diront le contraire ! Je reconnais que les travailleurs de la téléphonie montant sur les pylônes ont des problèmes parfois, d’autant que des entreprises peu éthiques n’éteignent pas les antennes pour ne pas perdre de trafic. Mais c’est comme les soudeurs qui sont en contacts directs avec les basses fréquences qui ont 4 fois plus de chance d’avoir Alzheimer à cause de l’électricité qui rayonne, ou l’étude Suisse sur les conducteurs de train, pour eux c’est trois fois plus de cette maladie. Pour aller dans votre sens, c’est un fait que des pensions d’invalidité sont versées à des radaristes de l’armée française, mais tous côtoyaient de très près de fortes puissances.

– Donc des pensions pour des effets non-thermiques dus aux ondes ? L’interrogea Odile. Je vous crois mais c’est incohérent car l’État dit ne reconnaître que les conséquences sous forme d’échauffements et de brûlures et pas le reste. Tiens tenez, ce qui a été reconnu depuis 1979 par le Labo des Ponts et Chaussés, 20 ans de recherches déjà à cette époque qu’ils disent, ce sont des troubles cardio-vasculaires, des maux de têtes, vertiges, nausées, et sans élévation de la température corporelle, cela va dans le sens des pensions dont vous parlez mais pas des normes françaises qui ne prennent pas cela en compte.

– Et selon vous Monsieur, à partir de quel seuil et de quelle durée se déclenchent ces effets autres que les brûlures ? Ajouta Bertrand.

– Ce qui est certain, repris Monsieur Machaind, c’est que nombre d’études montrent l’absence d’effets pour des utilisations courantes de ces technologies, en somme qu’un texto de-ci de-là ne créera guère de soucis chez personne.

– En êtes-vous certain ? Demanda Odile. J’ai préparé, cela tombe bien que l’on se croise avant, plusieurs points que je souhaitais vous soumettre lors du Conseil tout à l’heure.

Sur ces études dont vous parlez, une analyse globale de 59 d’entre elles montre que les études financées par l’industrie concluent 9 fois plus à l’absence d’effets que celles à financement public. Et le Pr Lai montre que 27% de celles financées par l’industrie trouvent des effets, contre 68 % lorsqu’elles disposent de fonds indépendants. Curieux non ?

– Vous parlez de texto de-ci de-là, enchaîna Bertrand. Mais savez-vous quelle est la puissance d’un texto ?  Cela dépasse les 2 Volts par mètres à 40 cm tout autour de la personne qui envoie ! C’est bien au-dessus des 0,6 V/m conseillé par le rapport Bioinitiative regroupant 2000 études en 2012, et beaucoup plus que les 0,02 V/m préconisé par la résolution de Salzburg en Autriche de 200210. En plus il y’a quelque chose que l’on oublie à chaque fois que l’on parle portable, mais que l’on voit bien ici en face de nous : c’est l’antenne. Alors chacun veut bien du portable, mais pas de l’antenne dans son jardin, toujours chez l’autre ! Mais une antenne cela émet partout à la fois, tout le temps et dans toutes les directions, et pour tout le monde pareil !

– La puissance de l’antenne permet à tous d’être couvert par un réseau et d’avoir une réelle liberté de communication ! Lança Monsieur Machaind.

– Faux, un portable fonctionne avec 10 millivolts de réseau, soit en dessous des 0,02V/m conseillés par Salzburg. Donc pas besoin de la puissance envoyée par l’antenne actuellement. Si l’antenne envoie plus, c’est pour des téléchargements sur internet, etc… Du superflus quoi ! Et puis surtout, à chaque fois que quelqu’un use de « sa liberté individuelle », en se faisant croire que c’est son choix ; il impacte d’abord ceux autour de lui avec son portable qui émet dans toutes les directions… car n’allez pas croire qu’il émette que vers l’antenne! Mais en plus il légitime la présence de l’antenne. Car savez-vous comment cela fonctionne? A chaque fois qu’une antenne reçoit un message d’un portable, l’opérateur enregistre plus de trafic et comme l’opérateur loue ses fréquences à l’État, plus il y’ a de trafic ; plus l’État touche de l’argent sur ces locations. On voit donc pourquoi le gouvernement ne prône pas la prudence. Et c’est sans parler du fait qu’à chaque fois que votre portable émet pour se localiser, en émettant dans toutes les directions, toutes les 20 secondes environ, mais que par exemple disons, votre portable capte mal, l’antenne l’enregistre comme une demande de service qui n’a pas aboutie : et c’est cela qui pousse les opérateurs à mettre plus d’ antennes à cet endroit, à cause de quelques portables allumés qui ne captent pas, à cause du choix de quelques-uns, tout le monde subira l’antenne qui arrivera.

Il s’arrêta, et quelque peu dépité il ajouta :

– Quand votre portable émet vers l’antenne – en fait dans toutes les directions, et ce toutes les 20 secondes, là aussi ce sont des émissions qui vont de 1 à 20 V/m selon l’éloignement de l’antenne. Au fond les gens croient à la magie : comme ils ne voient pas les ondes, ils pensent que cela fonctionne comme de la télépathie qu’aurait apprivoisée l’Homme. Mais si les ondes étaient visibles, comme de la fumée, à chaque texto émis, pas grand monde exposerait ses voisins continuellement. C’est catastrophique ce blocage de la vision, et il y’a des artistes qui ont rendu les ondes visibles…

Monsieur Machaind leva les yeux au ciel. Odile avait fait un geste à travers la baie vitrée. Le soir arrivait. Très haut au-dessus du village passait le même groupe de corneilles qui chaque jour logeait dans la forêt au flanc de la vallée. A cette heure, le café était vide, aucune télé n’y était visible, et devant l’entrée, dans un coin se tenait la propriétaire concentrée sur la page locale du journal. Elle accueilli Etienne qui s’assit à côté de Monsieur Machaind. Ce dernier se sentit dans l’obligation de répondre à Bertrand qui semblait détester tout ce dont il devait convaincre le conseil.

Mais au fond cette discussion au café n’avait aucun enjeu, le maire en étant absent. Il décida de se reposer et essaya de comprendre ses voisins de tables. Ce fut Odile qui reprit :

– Et puis je reviens sur les normes. Le Décret de 2002 fut pris entre les deux tours de la présidentielle, en pleine vacances du pouvoir, pendant que des centaines de milliers de gens manifestaient contre Le Pen, et sans même que le Ministre de l’Écologie ne fut prévenu ! En réalité, ce sont les industriels qui ont dicté leurs mesures. C’est tellement évident puisque…

Monsieur Machaind coupa sèchement Odile :

– Attendez, c’est l’ICNIRP, une institution internationale qui en 1998 a défini ces normes au-delà desquelles il devenait dangereux de s’exposer, alors épargnez-moi vos arguments complotistes….

– S’il vous plaît, je précise. L’ICNIRP est une association de droit allemand, rien de plus, et aucunement une institution internationale. Ce qu’elle raconte ne vaut guère plus qu’une asso d’industriels quelconque d’autant qu’elle ne parle ouvertement que des effets à court terme -en dessous de 6 minutes et seulement d’échauffement, c’est à dire d’effets thermiques. Tout le reste, c’est à dire un usage normal et quotidien de toute ces technologies au-dessus de 6 minutes n’est pas pris en compte. Attendez, vous aller voir, la suite n’est pas mieux. Ce Décret en France se base sur l’ICNIRP et a été favorisé par le conseiller NTIC de Jospin. Ce conseiller s’en est allé être le directeur stratégique d’Orange juste après : ce Jean-Noël Tronc est assurément un fin stratège. Le pire c’est… vous savez d’où vient l’ICNIRP ? Directement de l’armée américaine !

– Bin voyons ! Lâcha Monsieur Machaind dépité.

– Si si, je ne suis pas complotiste pour un sous, j’essaye de comprendre. A la base c’est l’armée américaine qui crée le paradigme thermique dans les années 50, c’est à dire ne prendre en compte que les effets d’échauffements. Et ce afin de se démarquer des Russes qui abaissent les normes pour prendre en compte les effets à long terme. Les États-Unis soupçonnent les russes de faire cela pour empêcher le déploiement des radars militaires étrangers qui dépassent par défaut ces normes pour leur fonctionnement. Pourtant les américains connaissent le syndrome des micro-ondes puisque en 1971, la NASA recense déjà 2000 études faisant état d’effets non-thermiques. Bref les Russes comprennent mieux les effets à long terme puisqu’ils attaquent l’Ambassade américaine à Moscou en 1970-80 en l’exposant à des champs de faibles puissances et continus, en dessous des normes actuelles ! Résultats bien connus : deux ambassadeurs morts et de nombreux cancers ! Aujourd’hui c’est un peu pareil, les gouvernements créent des armes avec des ondes pour les manifestations, les vêtements antimondes pour se protéger ont un grand avenir …

Pour connaitre la suite de cette histoire fictive :

Monde-connecté-corps-malade-Dialogue-en-conseil-3