Ligne THT 2 fois 400 000 V et éoliennes à Mazinghien ! Le calvaire
Ne vous trompez pas : dans le secteur de Quiéry-Izel, près de Vitry-en-Artois (62490), ils veulent faire pareil !
Il faudra les en empêcher !
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Ondes électriques, le chemin de croix de Philippe Marchandier
Éleveur à Mazinghien (59), Philippe Marchandier fait face à des comportements anormaux chez ses animaux, dus, selon lui, à l’installation en 1994 d’une ligne à haute tension qui enjambe ses pâtures, et en 2019 de cinq éoliennes à proximité.
Perpendiculaires à l’horizon les pieds de fer géants des pylônes enjambent la pâture. Derrière eux, dans le lointain, s’élève une silhouette blanche et effilée. L’une des cinq éoliennes installées en 2019. C’est là que les choses ont commencé à dérailler chez Philippe Marchandier. « D’avril à septembre, j’ai perdu 50 000 litres (l) sur ma production de lait. Je n’ai pas compris. Mes vaches mangeaient normalement, mais n’en profitaient pas », confie l’éleveur installé depuis 1990 dans la ferme familiale à Mazinghien (59).
Dans un premier temps, pour compenser la perte de production, il augmente son cheptel à 300 bêtes, dont 80 laitières. En vain. De 330 000 l par an pour la coopérative Laitnaa en 2018, il passe en 2020 à 130 000 l. Sans compter les vaches mortes : plus de 70 en 2020, sans que les autopsies n’expliquent quoi que ce soit. « J’ai toujours peur de trouver une vache couchée par terre en arrivant. »
Une veine d’eau sous le bâtiment ?
Il pense d’abord à changer sa mélangeuse. « La ration est bonne, les vaches mangent même trop », lui répond le vendeur après vérification. Puis il fait venir un spécialiste de l’alimentation animale. « Il était 15 h, les vaches étaient toutes debout en tas au milieu du hangar, à piétiner », se souvient-il. « Tu n’as pas une ligne à haute tension ou une éolienne près d’ici ? », lui demande le professionnel. Les deux mon capitaine : en plus des éoliennes, une ligne à haute tension de deux fois 400 000 V installée en 1994 surplombe les pâtures situées dans cette cuvette humide. « Ne cherche pas, on a le même problème en Bretagne. J’espère pour toi qu’il n’y a pas de veine d’eau qui court sous le bâtiment… »
Philippe Marchandier fait alors venir un géobiologue, puis le maire de la commune, sourcier, passe avec ses baguettes. « Les deux ont trouvé des veines d’eau aux mêmes endroits », conclut-il en esquissant de la main la façon dont le cours d’eau serpenterait sous son étable en transportant le courant, ce qui pourrait expliquer l’attitude des animaux qui renoncent trop souvent à aller boire.
La piste sanitaire écartée
Des analyses vétérinaires lui confirment l’absence de toute maladie dans le troupeau. « Alors j’ai fait du bruit dans les journaux », se rembrunit-il. L’association nationale Animaux sous tension (Anast) fait même une descente à Mazinghien mi-septembre l’an dernier. Il veut attirer l’attention des exploitants des installations électriques, Boralex, pour les éoliennes, et RTE et Enedis, pour la ligne haute tension. « Au début, ils m’ont pris pour un guignol, se sont renvoyé la balle… Pourtant, le géobiologue mesurait 12 volts sur un mètre de cornadis ! »
Une rénovation électrique en cours
Le Groupe permanent de sécurité électrique en milieu agricole (GPSE) est alerté en avril 2020. L’exploitation est mise sous perfusion financière le temps d’étudier la situation. « Ils ont contrôlé mon électricité, mais pas le sol », raconte l’éleveur, sceptique. Après étude de la situation et la vente d’une soixantaine d’animaux pour donner de l’air au cheptel, un compromis est proposé en février dernier : la réfection, gratuite, de l’électricité et la mise à la terre des bâtiments de l’exploitation. Les travaux viennent de débuter. Avec, on l’espère, des améliorations en perspective sur le comportement du troupeau de Philippe Marchandier.
https://terres-et-territoires.com/terre-a-terre/ele
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De l’électricité dans l’herbe : enquête sur des élevages en souffrance
https://www.mediapart.fr/studio/panoramique/de-l
Extraits
Dans la Somme, à la ferme Au gré des roses, Yann Joly s’est séparé de ses 120 vaches laitières il y a cinq ans. Avec elles se sont évanouis les rêves d’une vie. Yann a fait une croix sur son métier d’éleveur et ne transmettra jamais son troupeau à sa fille.
« À 19 ans, elle avait fait un BTS produits laitiers. Elle voulait s’installer ici, prendre la suite de son père et de son grand-père. À la place, elle a commencé à travailler à la ferme des 1 000 vaches. C’est aussi pour elle que je me bats aujourd’hui. »
L’éleveur s’est reconverti dans la production céréalière, moins rentable à l’hectare. Il ne se verse aucun salaire et doit travailler chez d’autres exploitants en tant que prestataire agricole pour tenir jusqu’au remboursement des derniers prêts.
À ses débuts, il avait pourtant réussi à transformer sa petite ferme familiale en élevage prospère. « On a toujours investi pour avoir une entreprise performante. On était très pointilleux sur l’alimentation, par exemple. Cela nous a permis de produire jusqu’à 1 million de litres de lait par an avec 120 vaches. »
Solide, son exploitation traverse sans encombre la crise du lait en 2009. Puis les rendements s’effondrent : de 9 000 litres par an et par vache en 2010, ils chutent à 7 000 litres en 2011, puis à 5 000 en 2013. Veaux et génisses grossissent beaucoup moins vite.
Catherine Nansot, ingénieure et experte près de la cour d’appel d’Amiens, le constate dans un rapport en 2015 : « Pour qu’une génisse actuellement dans cet élevage atteigne sa taille normale, il lui faudra 50 % de temps en plus qu’un animal ayant une croissance normale. »
2011 et 2013, ce sont deux années au cours desquelles Yann a vu se dresser de nouvelles voisines à l’horizon : 24 éoliennes installées à 1,8 kilomètre de là : « Je n’avais aucun a priori. J’avais même accepté un bail pour l’installation de l’une d’entre elles dans un de mes champs. Elle me rapporte 1 600 euros par an. »
Une broutille, au regard des pertes estimées par l’experte : plus de 350 000 euros entre 2011 et 2015. Dans son rapport, Catherine Nansot conforte la thèse de Yann Joly : « Depuis l’installation des éoliennes, la production laitière par vache est en baisse sensible et concomitamment la qualité bactérienne du lait se dégrade. Monsieur Joly et ses conseils, le technicien du contrôle laitier, le vétérinaire, le marchand d’aliments, n’ont pas trouvé de raison rationnelle. »
Il y a bien une concomitance entre l’apparition des symptômes et l’implantation des éoliennes, mais impossible de l’expliquer scientifiquement. Alors, la discussion avec le directeur de la société de gestion Caen Renewables Energy, qui exploite les éoliennes, reste au point mort.
En 2015, Yann Joly trait ses dernières vaches, licencie son salarié et assigne l’opérateur éolien en justice. Après un recours de la partie adverse, son dossier sera finalement plaidé devant le tribunal judiciaire de Paris, le 1er mars prochain.
Il y a une organisation de l’opacité depuis de nombreuses années
Cet agriculteur picard n’est pas un cas isolé. En 2020, dix éleveurs ont assigné en justice RTE, Enedis, des opérateurs de téléphonie ou des exploitants de parcs éoliens pour trouble anormal de voisinage. La plupart sont membres de l’association Animaux sous tension et sont représentés par Me Lafforgue et ses associés, un cabinet qui a déjà défendu les victimes de l’amiante, des pesticides ou de la pollution de l’air. Des affaires avec lesquelles l’avocat dresse un parallèle : « Il y a une organisation de l’opacité depuis de nombreuses années, on a rendu invisible ce qui aurait dû être porté à la connaissance de tous. Face aux éleveurs s’est constitué ce qui s’apparente à un lobby électrique qui va se battre pour ne pas avoir à verser d’indemnisations, craignant que ce type de contentieux ne se développe. »
Les plaintes pourraient, en effet, se multiplier. Dans toutes les régions françaises, des éleveurs témoignent de similaires et incompréhensibles descentes aux enfers.
Dans la Manche, depuis la fin des années 1980, une dizaine d’éleveurs ont vu leur production laitière dégringoler, leurs vaches tomber malades après la construction de lignes à haute tension à proximité.
Dans la Sarthe, le couple Brault accuse depuis 12 ans une antenne-relais d’être à l’origine de son hypersensibilité, de la mort d’une vingtaine de veaux et de gros problèmes de croissance de ses poulets. En 2013, dans l’Orne, à proximité d’une autre antenne, les 1 600 poules des Goupil ont cessé de pondre.
En Bretagne, à Allineuc, l’exploitation de Stéphane Le Bechec est cernée par plusieurs lignes moyenne tension et deux antennes-relais. Il les soupçonne d’être responsables de la mort de 200 vaches et veaux depuis son installation en 2016. À une centaine de kilomètres de là, à Crédin, les frères Le Strat obtiennent le même bilan macabre depuis la construction d’un nouveau bâtiment d’élevage entouré par des éoliennes, une ligne haute tension et un transformateur.
En 2017, en Isère, Pierre Halimi a déménagé son refuge pour chiens afin de l’éloigner d’une ligne à haute tension après qu’une quarantaine de pensionnaires ont développé des cancers.
Dans la Sarthe, Patrick Pilon a géré l’un des plus importants élevages de lapins français jusqu’en 2019. Il soupçonne l’arrivée d’un troisième opérateur sur l’antenne-relais voisine d’avoir conduit son élevage à la faillite : en quatre ans, il a perdu 200 000 animaux.
Depuis qu’en mars 2019 des éoliennes ont été raccordées au poste de transformation, les chevaux de Pierre-Yves Lemoine, dans l’Orne, ne gagnent plus de courses. De 200 000 euros de gains annuels, l’éleveur atteint à peine les 22 000 euros.
Des éleveurs ont vu leur production grimper après la coupure d’une ligne à proximité
D’autres, à l’inverse, ont retrouvé des conditions d’élevage normales après la suppression ou le déplacement d’un équipement. En Charente-Maritime, les chèvres des Monsarat ont retrouvé la santé et produit du lait en quantité après le remplacement d’un vieux transformateur. Dans plusieurs régions, des éleveurs de porcs, de poules ou de vaches ont vu leur production grimper après la coupure d’une ligne à proximité.
Cette liste est loin d’être exhaustive. Grâce à la presse régionale et spécialisée, à l’association Animaux sous tension, aux recensements effectués par plusieurs éleveurs ou encore aux données du GPSE, un groupe d’experts spécialistes des problèmes électriques dans les élevages, nous avons recensé plus d’une centaine d’éleveurs suspectant des équipements électriques et téléphoniques. Au moins la moitié d’entre eux auraient vu apparaître ces nuisances au cours des dix dernières années.
Quinze soupçonnent une antenne-relais, vingt autres des câbles basse ou moyenne tension ou des transformateurs appartenant à Enedis, au moins quinze éleveurs pointent, quant à eux, un parc éolien. Ce sont les lignes à haute ou très haute tension qui concentrent le plus de griefs : depuis les années 1980, au moins 46 éleveurs les accusent de nuire ou d’avoir nuit à leurs élevages.* 26 éleveurs contactés par Mediapart ont chiffré les pertes qu’ils imputent à ces infrastructures électriques : cumulées, elles représentent près de 7 millions d’euros, soit plus de 260 000 euros par éleveur..
Une centaine d’éleveurs, c’est peu au regard des 172 000 élevages français, moins de 0,1 %. Mais, dans ces fermes, la situation est souvent dramatique.
Tous racontent la même histoire : les bêtes qui semblent devenir folles, s’affaiblissent, tombent malades ou meurent sans raison, la production en chute libre, les vétérinaires démunis, les semaines de travail de 100 heures et les milliers d’euros engloutis pour soigner leurs animaux, tenir la tête hors de l’eau. Des années de doutes et de remises en question qui rongent le moral, les finances, la vie de famille et mènent parfois au pire.
Après avoir écarté une à une les hypothèses les plus plausibles comme des problèmes sanitaires, alimentaires ou génétiques, leurs soupçons se portent sur les ouvrages électriques voisins de leurs fermes. Mais aux observations des paysans s’opposent les certitudes des experts et l’arsenal juridique des géants de l’électricité et des télécommunications.
Face à la détresse des 15 éleveurs qui accusent des antennes-relais, la Fédération française des télécoms se contente ainsi de souligner dans un mail la faible proportion d’exploitations concernées. Elle rappelle que « toutes les autorités sanitaires ont conclu à l’absence de risques à proximité des antennes-relais » et que « les niveaux d’exposition sont bien inférieurs aux seuils réglementaires ».
Éoliennes, lignes THT, transformateurs… Depuis trente ans, la science peine à comprendre leurs effets sur le vivant. C’est ce que souligne l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans plusieurs rapports. En 2015, dans une publication concernant les effets des lignes à haute tension sur les élevages, elle indique : « Bien que de rares effets aient été observés chez les animaux […], il reste difficile de se prononcer quant aux effets sanitaires directs des champs électromagnétiques d’extrêmement basses fréquences sur les animaux d’élevage. »
Concernant les effets des éoliennes sur la santé humaine, l’agence souligne en 2017 que « les effets potentiels sur la santé des infrasons et basses fréquences produits par les éoliennes n’ont fait l’objet que de peu d’études scientifiques » et conclut néanmoins par l’absence « d’effets sanitaires […] autres que la gêne liée au bruit audible ».
Elle précise aussi que « des effets biologiques induits par l’exposition à des niveaux élevés d’infrasons » existent chez l’animal. Mais des effets biologiques ne déclenchent pas forcément de pathologies.
L’incertitude scientifique ne saurait interdire l’indemnisation des éleveurs
Peu d’études, peu de certitudes. Pour Me Lafforgue, la bataille des experts ne doit pas s’imposer dans la balance judiciaire : « On veut s’extraire de l’expertise dite scientifique dans ces dossiers. Elle vise souvent à écarter la cause qui paraît la plus évidente. Les éleveurs n’ont pas inventé leurs problèmes. Pour la plupart, ces nuisances sont survenues à un moment où il y a eu une implantation électrique. L’incertitude scientifique ne saurait interdire l’indemnisation des éleveurs. On fait aussi état de certaines publications qui vont dans le sens de l’existence d’un lien. »
Méconnus du grand public, les courants parasites sont les principaux suspects dans cette affaire. Ils sont induits dans certains sols ou dans des éléments métalliques par des installations électriques à proximité.
Serge Provost, pionnier du combat
Dans la Manche, il y a 30 ans, Serge Provost a été le premier à alerter de leur dangerosité. En deux décennies, l’éleveur a vu deux lignes à très haute tension fendre le département du nord au sud et une dizaine de fermes dépérir à proximité, la sienne la première* Selon notre recensement, six élevages à proximité de la ligne Menuel-Domloup, dont celui de Serge Provost, auraient été gravement perturbés après sa mise en service en 1985 et huit autres après celle de la ligne Cotentin-Maine en 2013. Dans cette dernière, le transit est pourtant loin d’être à son maximum : en attendant la mise en service de l’EPR de Flamanville, elle ne sert qu’à délester sa voisine..
Depuis qu’il est à la retraite, avec sa compagne, le Manchois parcourt la France au volant de son camping-car pour rencontrer les éleveurs en détresse. Au téléphone, au début de l’automne, le proche d’un éleveur du Nord-Pas-de-Calais s’inquiète. L’agriculteur est au bord de la faillite et très affecté psychologiquement. Son exploitation est cernée par une ligne électrique et un parc éolien. « Il faut qu’il arrête, il n’y a pas d’autres solutions. Le terrain est trop pollué », tranche Serge Provost.
Après trente ans d’observations et d’investigations, l’ancien éleveur a acquis une certitude : à proximité de certains ouvrages électriques, des élevages sont condamnés.
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