Retour sur un article de L’Est éclair et de Libération-Champagne
Le 1er décembre 2018, L’Est éclair et Libération-Champagne publiaient un article intitulé Linky : démêler le vrai du faux. Cet article faisait suite à une conférence de presse que nous avions organisée le 13 novembre dernier dans le but de faire connaître, d’une part les méthodes de communication d’ENEDIS, d’autre part la complaisance de certains maires du département de l’Aube à relayer une propagande destinée à imposer le compteur Linky.
Ce fut l’occasion pour Madame Goullin, directrice territoriale d’ENEDIS-Aube, d’énumérer les critiques dont fait l’objet le compteur Linky en opposant à chacune d’elles des arguments que nous jugeons plus que contestables.
Aussi nous a-t-il semblé nécessaire de les reprendre un à un en mettant en évidence les simplifications, omissions ou contrevérités que le citoyen-usager devrait prendre pour argent comptant.
« L’usager n’est pas obligé de l’accepter »
VRAI – Malgré plusieurs demandes auprès d’ENEDIS, nous n’avons jamais obtenu la communication du texte qui oblige expressément l’usager à accepter la pose d’un compteur Linky. C’est donc avec satisfaction que nous avons pris connaissance de cette déclaration de Mme Goullin : « La loi nous oblige à installer les compteurs communicants. Évidemment, ENEDIS respecte le droit à la propriété privée et l’État n’envoie pas de moyens coercitifs à ceux qui refusent le compteur ».
Cependant, une question demeure : cela concerne-t-il tous les usagers sans exception, que leur compteur soit à l’extérieur ou à l’intérieur de leur habitation ? Et la suivante : si « l’État n’envoie pas de moyens coercitifs à ceux qui refusent le compteur », comment se fait-il que les partenaires d’ENEDIS continuent à poser de force des Linky en dépit du refus des usagers et des arrêtés pris par les maires pour stopper leur déploiement ?
« Linky est dangereux »
VRAI – Mme Goullin prétend que le courant porteur en ligne (CPL) « est utilisé depuis les années 1960 à travers le compteur bleu pour signaler les heures creuses et heures pleines ». Comment peut-on soutenir un tel argument quand on sait que la fréquence du CPL des « années 1960 » était de 175 hertz (Hz) et que les fréquences utilisées par le compteur Linky s’échelonnent de 35 900 Hz à 90 600 Hz, alors que les fils de nos installations sont conçus pour un maximum de 1 000 Hz ?
Dans ces gammes de fréquences, les câbles électriques deviennent perméables, ce qui signifie qu’une partie de la puissance des signaux émane sous forme de rayonnements électromagnétiques. Or, ces ondes « polarisées » et « pulsées » en « quasi-permanence » ne sont pas supportées par notre organisme, contrairement aux ondes naturelles qui sont diffuses et continues.
D’une part le syndrome d’intolérance aux champs magnétiques (EHS) est largement reconnu dans la pratique médicale et se traduit par de nombreuses affections : maux de tête, acouphènes, vertiges, insomnie, tendance dépressive, anomalies respiratoires, anxiété, etc.
D’autre part, les ondes électromagnétiques ont été classées potentiellement cancérigènes par le Centre international de Recherche du Cancer (OMS) dès 2011. Et les dernières études internationales mettent en évidence des pathologies encore plus graves chez les personnes soumises à une exposition chronique, même faible : cancers du cerveau, pathologies cardiaques inhabituelles, destruction de l’ADN, etc.
En ce qui concerne les tests invoqués par Mme Goullin concluant à « un faible impact sur l’environnement électromagnétique », il a été établi que ces tests sont fondés sur une mesure erronée de l’exposition, aussi bien en termes de temporalité que de niveau maximal.
En outre, ENEDIS s’abrite derrière la norme française selon laquelle le seuil maximum préconisé en matière d’exposition est de 1000 mG (milli gauss) –pourtant de 1,5 mG en Allemagne, 2 mG en Suède, 18 mG en Russie, etc. C’est comme si la limitation de vitesse était fixée à 800 km/h : même poussée au maximum, la vitesse de notre véhicule serait toujours dans la norme.
En tout cas, et à l’évidence, le déploiement du compteur Linky s’effectue en violation du principe de précaution selon lequel « l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque dans les domaines de l’environnement, de la santé ou de l’alimentation ».
« Linky provoque des incendies »
VRAI – Mme Goullin affirme que « les nouveaux compteurs ne prennent pas feu. Il n’y a eu aucun constat de départ de feu lié à un problème intrinsèque. Chaque année, il existe 50 000 incendies d’origine électrique […]. La sécurité des personnes est notre objectif numéro 1 ».
Reprenons un à un ces arguments.
Partout en France, la presse et les réseaux sociaux rendent compte de nombreux incendies consécutifs à la pose d’un compteur Linky. C’est ainsi que le collectif Pas de compteurs communicants dits intelligents en a dressé une liste non exhaustive, soit 201 entre le 1er janvier et le 16 octobre 2018,
50 000 incendies d’origine électrique chaque année ! Un constructeur automobile peut donc invoquer les 60 000 accidents de la route annuels pour s’exonérer des 250 accidents dus au vice de fabrication de son système de freinage. Notons au passage que Mme Goullin convient implicitement l’existence d’incendies consécutifs à la pose d’un compteur Linky, puisqu’elle sous-entend que leur nombre est infime par rapport au nombre d’incendies d’origine électrique.
Quant à la sécurité des personnes, numéro 1 des objectifs d’ENEDIS, il faut bien dire qu’il s’agit là d’un pur élément de langage publicitaire. Car avec le système Linky on a en germe plusieurs risques de départs d’incendie ; de par :
- la conception même du compteur : alors même que la norme NF C 14-100 impose un disjoncteur bipolaire, le disjoncteur interne du Linky est unipolaire ; il est donc susceptible de créer un arc électrique en cas de coupure et de provoquer un démarrage d’incendie;
- la non-conformité du support de ce compteur : le Linky est fréquemment posé sur les panneaux existants en bois, ce qui est une infraction à la norme de sécurité sanitaire NF C 14-100 (voir plus bas « Cela ne respecte pas les normes ») ;
- la fréquence du CPL générée par le système Linky : le passage d’une fréquence de 50 Hz à des fréquences allant de 35 900 Hz à 90 600 Hz risque de produire un échauffement que des installations et des matériels relativement anciens ne supporteront pas, soit dans l’immédiat, soit à terme.
Mais de cela ENEDIS ne veut rien entendre. Quant au principe de précaution (voir plus haut « Linky est dangereux »), il est bafoué une fois de plus.
⇒ À Saint-Germain (Aube), son compteur Linky explose le jour de Noël
« La facture explose »
VRAI – Avec le Linky, la facture peut augmenter fortement à cause du changement de puissance et d’unité de mesure : du kilovoltampère (kVA) au kilowatt (kW). En effet, le compteur Linky prend en compte l’énergie apparente (c’est-à-dire la puissance active augmentée de la puissance réactive), contrairement aux compteurs électromécaniques qui ne comptent que l’énergie active. C’est pourquoi le système Linky ne tolère pas le moindre dépassement ponctuel de la puissance souscrite sans disjoncter, et l’usager est alors contraint de souscrire un abonnement supérieur.
En outre, la surconsommation que l’on peut constater pourrait être due également au signal haché du CPL, lequel met à mal la compatibilité électromagnétique des appareils domestiques les moins récents, entrainant leur dysfonctionnement, leur consommation excessive, voire leur destruction –cela indépendamment de nombreux dysfonctionnements du système Linky à l’origine de soudaines et inexplicables augmentations de la facture.
Enfin, d’un point de vue plus global, rappelons que dans son rapport du 7 février 2018 la Cour des comptes affirme que le système Linky est « un dispositif coûteux pour le consommateur mais avantageux pour ENEDIS ».
« ENEDIS va revendre nos données personnelles »
VRAI – Madame Goullin conclut ainsi sur ce point : « Le compteur ne transmet que des données de consommation. Cela ne change rien à la situation actuelle ».
Alors que le compteur aurait pu obtenir ces données de consommation en enregistrant tout simplement le flux entrant, on peut se demander pourquoi le système Linky fait courir le CPL dans toute l’installation électrique de l’habitation à des fréquences en moyenne mille fois supérieures à la fréquence contractuelle de 50 Hz, ce CPL repérant tous les appareils électriques, ou les reconnaissant lorsqu’ils sont connectés.
Le Linky de génération G1 étant largement suffisant pour la transmission de la courbe de charge, pourquoi est-on passé à la G3 qui vise à « permettre au récepteur G3 CPL d’obtenir le plus grand débit possible que les conditions existantes du canal puissent offrir » ?
Peut-être voudrait-on nous faire oublier cette déclaration de Philippe Monloubou, président d’ENEDIS, le 11 juillet 2016 : « Notre métier évolue et nous sommes désormais un opérateur de big data qui va bientôt gérer 35 millions de capteurs connectés ».
Or, le big data, ce pétrole du 21ème siècle, est un marché trop juteux pour qu’ENEDIS s’incline devant les règles du Règlement général sur la protection des données (RGPD), encore moins devant les timides recommandations de la CNIL [20].
Qui plus est, le Conseil d’État vient de confirmer le décret signé le 10 mai 2017 par Ségolène Royal, lequel remplace « l’accord exprès du consommateur » – prévu dans la loi de 2015 concernant la transmission des données de comptage collectées par le Linky – par les termes « sauf si le consommateur s’y oppose » ; il s’agit ni plus ni moins d’autoriser ENEDIS à stocker par défaut les données collectées. En outre, l’usager qui veut s’opposer à la transmission de ses données ne peut le faire que depuis l’espace client qu’il a créé au préalable sur le site d’ENEDIS ; par conséquent, les personnes n’ayant pas accès à Internet sont privées de toute possibilité d’exercer leur droit d’opposition.
Mais « cela ne change rien à la situation actuelle », nous a-t-on dit.
« Cela ne respecte pas les normes »
VRAI – Nous avons traité de cette question le 4 décembre dernier dans notre Lettre ouverte au responsable Linky de Champagne-Ardenne. Nous en attendons encore la réponse.
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Par ailleurs, il nous semble opportun d’évoquer deux versets du même calibre énoncés par ENEDIS dans une de ses plaquettes publicitaires, sous une rubrique intitulée – le comble – « Dénonçons les rumeurs et les fausses informations » :
« Les entreprises de pose (EDP) sont inexpérimentées »
VRAI – ENEDIS prétend que « les poseurs recrutés par les EDP sont obligatoirement formés, habilités, encadrés et contrôlés par des techniciens ENEDIS ». Or, les personnes chargées de la pose des compteurs Linky ont suivi une formation de deux semaines tout au plus, alors que le travail sous tension nécessite au minimum une formation en électrotechnique de niveau V (CAP) ou de niveau IV (Brevet Professionnel, Bac Pro ou Bac STI).
Ce manque de formation a été la cause de nombreuses fautes : défaut de serrage des vis, inversion de la phase et du neutre notamment. Et cette absence d’expérience rend impossible la vérification de la conformité de l’installation électrique avec le système Linky, comme le recommande l’association Promotelec dont ENEDIS est membre, c’est-à-dire en faisant « intervenir un installateur électricien qualifié » pour s’assurer que les sections de câble entre le disjoncteur et le tableau électrique sont conformes au niveau de puissance établi.
Quant à l’encadrement et au contrôle des poseurs par les techniciens d’ENEDIS, la presse et les témoignages qui convergent vers les collectifs anti Linky n’évoquent que des poseurs agissant seuls et appliquant fréquemment des méthodes de voyous (harcèlement téléphonique, menaces et violences verbales, fausses informations, violation de domicile, destruction des protections des compteurs).
« ENEDIS va pouvoir couper l’électricité à distance sans prévenir le client »
VRAI – Bien sûr que oui, ENEDIS peut couper à distance sans prévenir ! On lit pourtant qu’« aujourd’hui, comme hier, ENEDIS réalise l’acte de coupure d’électricité uniquement sur demande des fournisseurs d’électricité et après avoir rencontré le client concerné ».
En septembre dernier, UFC-Que choisir a tiré la sonnette d’alarme sur la situation des ménages précaires disposant d’un compteur Linky et s’est inquiété d’une procédure qui, avec le Linky, « se fait à distance sans information supplémentaire du gestionnaire ou du fournisseur ».
Car le compteur Linky est ni plus ni moins qu’un ordinateur connecté. Et son logiciel est en permanence mis à jour à distance sans que l’usager s’en rende compte. Ainsi, via les data center d’ENEDIS, le Linky assure le transfert des données des usagers vers les fournisseurs d’électricité (EDF, Direct Énergie, etc.). Il permet d’augmenter la puissance souscrite sans intervention humaine chez l’usager. Le Linky contribue aussi aux « effacements techniques » lors des pics de consommation … Et effectivement, ce compteur dit intelligent est bien conçu pour couper à distance l’alimentation sans avoir à prévenir le client.
http://www.aavec-aube.org/enedis-et-son-linky