Le totalitarisme informatique

Un livre de Christopher Pollmann ; éd. Le bord de l’eau ; 12 €

L’informatique, en externalisant de nombreuses facultés et activités humaines, ne rend-elle pas l’être humain « superflu » ?

Chacun s’est déjà énervé contre les défauts informatiques, à l’instar du site Internet des Pages blanches qui, en confondant nom et prénom, ne permet pas de trouver une personne au patronyme répandu. Mais la fascination des écrans, au « design persuasif » conçu par Brian Fogg, rend la critique inaudible. Pour y remédier, Christopher Pollmann confronte son expérience de décennies passées devant l’ordinateur aux regards croisés des sciences humaines et de la philosophie.

Il s’appuie sur Hannah Arendt montrant que dans le totalitarisme, l’être humain est rendu « superflu ». Or, c’est précisément ce que font le GPS, la traduction automatique, la gestion d’un réseau d’amis sur Facebook, la confection de la série House of cards par calculs statistiques et d’innombrables autres exploits : ils nous dépouillent de notre subjectivité humaine. En mécanisant le langage, l’informatique transforme la société en une fourmilière commandée par des phéromones numériques.

Sollicitant notre attention partout et à tout moment, elle exerce par ailleurs une emprise totale et ravageuse : la soumission croissante à la vitesse électrique est toujours plus incompatible avec nos besoins biologiques et psychologiques et crée une fragile monoculture humaine à l’échelle planétaire. Et les ambitions d’automatiser la vie sociale débouchent sur sa complexification algorithmique et sa paralysie bureaucratique, au sens étymologique d’un pouvoir du bureau et de l’écrit.

Professeur agrégé de droit public, Christopher Pollmann est enseignant-chercheur à l’Université de Lorraine à Metz et directeur du séminaire « Accumulations et accélérations » à la Fondation Maison des sciences de l’homme de Paris.

Table des matières

Introduction

Chapitre I : L’humain superflu
A. La logique binaire de l’électricité diminue l’ambiguïté sociale
1. La vie réduite à un flux d’informations
2. Du signe au signal
B. L’Homme et la société rationalisés et robotisés
1. La vie humaine réduite à des processus instinctifs ou machinaux
2. La politique, le droit et la justice transformés en régulation technique
3. La quête de puissance et la perte de sens : une spirale vicieuse

Chapitre II : L’oppression facilitée
A. Une rigidification des rapports de pouvoirs
1. Un outillage mal maîtrisable par l’usager
2. Une centralisation tous azimuts
B. Pouvoir panoptique ou « surveillance diffuse » dans une société-troupeau
C. La mise en valeur des inégalités sociales
1. La décomposition informatique des collectifs
2. Les discriminations dues à l’appauvrissement informatique du langage et à l’illectronisme

Chapitre III : La destruction de la vie individuelle et collective
A. Un blocage du vivant et de l’imaginaire humain
1. Un pouvoir hypnotique générant l’addiction et l’énigme des aplatissements de la réalité
2. Une entrave au développement des jeunes
3. Un facteur de désocialisation et de désinhibition des adultes
B. L’attention et l’adaptation humaines sur-sollicitées
1. Le besoin méconnu d’harmonisation dans l’espace
2. Le besoin méconnu de continuité dans le temps
3. L’unification planétaire de la vie humaine, la fragilisant face à l’imprévu
C. L’incapacité de réparer les dysfonctionnements, née de la concurrence généralisée
D. L’emballement du monde, l’intensification de la vie et la perte du sens critique

Conclusion
Index des noms
Remerciements