J’ai un compteur Linky

Je suis un veinard !

Les discussions sur les risques des compteurs Linky pour la santé et la vie privée ont quelque peu occulté les aspects économiques et sociaux de cette décision.

M’étant vu installer d’autorité ce fameux compteur, en étant soumis à la propagande de rigueur et à un ou deux dysfonctionnements administratifs, je me suis interrogé sur les avantages (éventuels) et les inconvénients, pour les usagers, de ce déploiement.

Sans surprise, les compteurs Linky s’inscrivent dans la logique habituelle de l’union européenne et de nos gouvernements successifs :

  • mépris des peuples, en l’occurrence les usagers de l’électricité, à qui des coûts seront d’une façon ou d’une autre répercutés,
  • remplacement d’emplois par l’automatisation,
  • remise aux intérêts privés internationaux des activités qui étaient antérieurement assurées par le secteur public, sur un plateau et avec un ruban rose.

Les avantages, réels ou supposés, du compteur Linky ont été largement exposés.

– La propagande d’Enedis sur Internet et les plaquettes remises lors de l’installation les promettent… dans un grand flou. Ce sont plutôt les aspects qu’ils évitent d’aborder, par exemple les effets électromagnétiques des transmissions en courant porteur libre (CPL) ou les conséquences à moyen terme sur l’évolution des tarifs, qui sont significatifs.

– On peut se référer au rapport de la Cour des Comptes de février 2018 et aux différentes réponses qui lui sont annexées. C’est intéressant mais bon courage : il y a 287 pages. J’ignore qui l’a lu en entier. Moi pas. Des journalistes ? Peut-être. Des députés ? C’était un gag.

– Dans un document officiel concernant les avantages supposés de l’équivalent de Linky pour le gaz intitulé « Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 21 juillet 2011 portant proposition d’approbation du lancement de la phase de construction du système de comptage évolué de GrDF », les arguments sont à peu près les mêmes que pour Linky, mais il a l’avantage d’être assez clair.

Car un compteur Linky peut en cacher un autre : Gazpar.

Il y aurait beaucoup à dire, comme la Cour des Comptes s’y est efforcée. Je me limiterai ici à résumer quelques points.

« La présence du consommateur ne sera plus requise dans le cas de compteurs inaccessibles au distributeur »

C’est le principal avantage pour une partie des usagers, notamment des salariés qui vivent en habitat collectif ou ceux qui ont un appartement comme résidence secondaire ; il leur est parfois impossible d’être présents lors des relevés de compteurs.

Relativisons : 56% des logements seraient de l’habitat individuel et, dans ce cas, les compteurs sont en général accessibles sans pénétrer dans le logement lui-même ; ils sont aussi accessibles, sur les paliers, dans une partie des immeubles collectifs. En outre, il y a plus de 11 millions d’abonnés au gaz naturel, et ils le sont aussi à l’électricité ; tant que les compteurs Gazpar ne seront pas déployés (c’est prévu jusqu’en 2022), il continuera à y avoir deux relevés manuels par an.

Si c’était le but recherché, pourquoi n’a-t-on pas autorisé ceux des usagers qui le demandaient expressément à refuser l’installation du compteur Linky, comme cela avait été fait pour la mise à la disposition des concurrents d’EDF des informations personnelles contenues dans la base de données clients d’EDF ? Cela aurait satisfait ceux à qui les relevés manuels posent problème. Cela aurait aussi permis de vérifier réellement les avantages annoncés, mais était-ce souhaité ?

Une meilleure information des usagers sur leur consommation d’électricité devrait entraîner des économies d’énergie

Les gains de consommation liés à la possibilité de connaître plus souvent et plus précisément les consommations sont la tarte à la crème des promoteurs des compteurs communicants : « Une meilleure maîtrise de votre consommation d’électricité grâce au suivi quotidien sur Internet depuis votre ordinateur, tablette, smartphone… » (une des deux plaquettes Enedis). Les économies d’énergie que c’est censé entraîner justifieraient, paraît-il, le coût de ce changement.

Première constatation : avec le compteur électromécanique, je pouvais voir instantanément l’index du compteur dans l’allée de ma maison ; maintenant, il me faut ouvrir la porte du cabinet avec un tournevis (non fourni) puis appuyer sur des touches. Quant aux données supplémentaires qui me sont accessibles, certaines ne sont pas renseignées dans mon cas et je ne vois pas l’utilité des autres.

L’amélioration annoncée viendrait donc de l’utilisation d’Internet.

Plus d’un mois après l’installation du compteur et avoir, assez laborieusement, « ouvert un compte », je continue à apprendre sur le site Internet Enedis que j’en suis à la première phase de l’installation du compteur, sa préparation.

D’accord, c’est anecdotique et je pourrai un jour profiter des merveilles promises, à savoir connaître à tout moment le niveau de notre consommation (mais le compteur bleu le donnait déjà sans utiliser Internet) et la fameuse courbe de consommation dans la journée, demie heure par demie heure.

Qu’en est-il de ceux qui ne se sont pas donnés le mal d’ouvrir un compte, ou y ont renoncé (la très grande majorité probablement) ?

Mais surtout pourquoi ces détails supplémentaires entraîneraient-ils des économies de consommation électriques ? Les économies de consommation nécessitent de modifier des comportements et/ou de faire des dépenses à caractère d’investissement. Il y faut un minimum de diagnostics que ces données supplémentaires ne fourniront pas. Et croit-on que faire des analyses fines à partir de données Internet préoccupera beaucoup d’usagers ?

Pas d’augmentation des prix ? Bien sûr que si !

Pour Enedis, les contrats ne changent pas et donc les prix non plus.

« M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, avait annoncé le 28 septembre 2011 que le déploiement des compteurs communicants serait gratuit pour le consommateur » (note 235 du rapport de la Cour des Comptes)

Mais c’est différent. Les économies sur les relevés manuels, fraudes, incidents, etc. ne suffiront pas. A partir de 2021, Enedis commencera à amortir le déploiement ainsi qu’un mécanisme dit « différé d’amortissement » qui avantage largement le groupe EDF. Les usagers payeront via les tarifs et/ou les taxes. Les calculs de la Cour des Comptes montrent que cela nous coûtera de 2021 à 2029 (courbe de la page 256).

Les fumeux gains de consommation pour les utilisateurs sont censés compenser cette augmentation des prix.

Ben voyons !

D’abord des économies de main d’œuvre

Sur un site Internet, GrDF avait eu le culot de mettre un paragraphe « Un projet créateur d’emplois ». Ce n’était d’ailleurs pas faux dans l’immédiat, en phase de déploiement, bien que ces emplois nouveaux et temporaires ne correspondent qu’à une part des coûts ; le matériel électronique, notamment les cartes-mère, est importé en forte proportion.

Après, il y aura, comme toujours, des emplois en moins.

Depuis les canuts lyonnais, on sait qu’il est illusoire de s’opposer à l’automatisation destructrice d’emplois. Encore faudrait-il des moyens d’existence et un rôle social pour ceux qui n’en ont pas ou n’en ont plus. En dépit des discours, ce n’est pas ce que recherchent les princes qui nous gouvernent et encore moins les empereurs qui gouvernent les princes qui nous gouvernent.

Aider les concurrents de l’ex service public en application zélée des politiques de l’U.E.

Globalement, les compteurs Linky et Gazpar vont apporter plus de souplesse aux fournisseurs d’électricité et de gaz.

Cela aidera surtout les concurrents d’EDF à s’implanter commercialement.

« Le projet améliorera le fonctionnement du marché : le développement de la concurrence sur la fourniture du gaz sera favorisé par la simplicité et la rapidité des opérations de changement de fournisseur, mais aussi par l’apparition d’offres commerciales plus adaptées aux profils de consommation des consommateurs ou de nouveaux services. » (délibération de la CRE).

Ils permettent des tarifs réduits à des périodes creuses, voire à des heures improbables. Des spots télévisés que l’on voit actuellement sont une conséquence directe des compteurs Linky.

Cela facilitera surtout les opérations de changement de fournisseur.

Et le mot de la fin : « Ce projet permettra à la France de répondre aux orientations de la Commission européenne et aux préconisations de l’ERGEG2. » (ibid).

Ce qui n’est pas entièrement vrai : la France est allée beaucoup plus loin que ce qu’exigeait la directive européenne. Pour comprendre le film, il faut savoir que l’Allemagne a fortement limité le déploiement obligatoire des compteurs dits communicants. Les gouvernement Français, sous MM Sarkozy puis Hollande ont donc joué une fois de plus les bons élèves zélés d’une Commission de l’U.E. qui détruit de toutes les façons possibles les secteurs publics et qui n’aime guère les Français.

Une mise en place pas toujours parfaite

Enedis affirme que ses sous-traitants sont totalement fiables.

Ce n’est pas la position de Marc Fiterman sur Agoravox.

La totalité de l’article :

https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/j-ai-un-compteur

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