Il nous a quittés le 18 août 2022 à 91 ans.
Tous les EHS qui ont côtoyé Alain savent qu’il était accueillant, chaleureux, généreux et engagé depuis toujours dans un combat quotidien de la reconnaissance de l’Electro Hyper Sensibilité.
Alain était à l’écoute de tous les EHS qui le rencontraient, il faisait tout pour les aider, c’était sa vie.
Rarement les militants d’EHS France ont connu un tel homme, Alain restera gravé à jamais dans leur mémoire.
Alain, merci pour tout du fond du cœur, sache que nous sommes tous très tristes, tu vas nous manquer.
Comment ce Varois a blindé sa maison pour se protéger des ondes ?
DOSSIER « COMMENT VIVRE ENTOURÉ D’ONDES ? »
Alain Vérignon se méfie des ondes comme de la peste. Depuis près de dix ans, l’homme dépense sans compter pour « blinder » sa maison contre les champs électromagnétiques qui nous envahissent.
Depuis le jour où il a vu une antenne de téléphonie mobile se dresser juste en face de chez lui, Alain Vérignon fait la chasse aux champs électromagnétiques.
Depuis le jour où il a vu une antenne de téléphonie mobile se dresser juste en face de chez lui, Alain Vérignon fait la chasse aux champs électromagnétiques.
Si l’habit fait souvent le moine, la boîte aux lettres peut elle aussi en dire long sur son propriétaire. Celle d’Alain Vérignon ressemble à peu près à toutes les autres, à un détail près: elle est décorée d’un autocollant « stop linky » qui nous indique déjà qu’on ne s’est pas trompé d’adresse. Le facteur est prévenu, et nous aussi : dans cette propriété située sur les hauteurs de Toulon, on ne goûte guère aux compteurs Linky.
Le vieil homme est de nature méfiante. A peine a-t-on franchi le seuil de sa porte qu’Alain Vérignon prend aussitôt le soin de refermer le portail à double-tour. C’est qu’il se « méfie des gars d’Enedis », l’entreprise chargée d’installer les fameux compteurs Linky qu’il fuit justement comme la peste. Contrairement à des milliers de Français, le Toulonnais ne souffre pas d’électrosensibilité, mais il est « prévoyant ». Or, comme il le dit d’entrée : « Les études prouvent que plus on est sensible aux ondes, plus il faut se protéger. » Et c’est précisément ce qui occupe une bonne partie de ces journées depuis bientôt dix ans.
Un combat quotidien
S’il préfère éviter les (mauvaises) ondes qui nous entourent, Alain Vérignon sait au contraire mettre ses hôtes à l’aise : « Asseyez-vous ici, je prépare le café, et après, on blaguera cinq minutes« . Il a le sens de l’humour. Car on n’est pas venu pour rigoler. Le combat qu’il mène au quotidien n’a franchement pas grand-chose de comique. « C’est une vraie galère d’être électrosensible« , dit-il en préparant le café, à l’ancienne. Il habite ici depuis 1948. C’est dire s’il a vu la vie changer et les antennes fleurir un peu partout dans le quartier. Le retraité varois sort donc beaucoup moins qu’avant. Il aimerait pourtant « profiter de (sa) terrasse en (se) posant sur un banc et prendre le soleil comme font les vieux ». Mais les ondes sont « partout ». « Ils croient qu’on s’imagine que ce sont des nouvelles cheminées, mais maintenant, ça ne trompe plus personne », glisse-t-il en pointant du doigt l’antenne de téléphonie mobile qui a été érigée il y a dix ans à 150 mètres de chez lui. Lui sait de quoi il parle. Les ondes et les fréquences, ça a toujours été plus ou moins son truc. Alain a été « opérateur radio pendant la guerre d’Algérie ». À 86 ans, il n’a certes plus toutes ses dents mais le cerveau fonctionne encore très bien. Le Toulonnais a fait des « ondes » sa spécialité. Aujourd’hui, il est incollable. «J’avais lu un article sur le sujet il y a des années, se remémore-t-il. J’ai commencé à m’intéresser aux courants de la maison et j’ai refait toute l’installation électrique. D’ailleurs, si j’avais su, analyse-t-il aujourd’hui, j’aurais mis des câbles blindés ».
Trois alertes sérieuses
Mais ne le prenez surtout pas pour un vieux parano à tendance
« Si j’avais su avant, j’aurais mis des câbles blindés ”
Près de 6 000 euros d’équipements
En huit ans, Alain Vérignon a dépensé pas moins de 6 000 euros d’équipements pour blinder sa mai¬son. En débutant par l’achat d’un acoustimètre de compet’ qui permet de mesurer les rayonnements des hautes fréquences. Le retraité ne lâche jamais son outil de mesure, capable de vous donner en temps réel l’intensité et la puissance du champ électrique qui vous entoure. « Ici sur le chemin, on est à 6 volts/mètre, montre-t-il. C’est dix fois moins sur la terrasse grâce à la végétation qui protège beau¬coup. Alors qu’il n’y a quasiment plus rien dans la maison. »
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Lundi 22 août 20022
Alain, cher Alain,
La nuit vient de tomber sur les jours qui étaient ta vie. Comment réaliser que nous n’entendrons plus ta voix, que nous ne lirons plus tes mots, que nous ne te verrons plus, tout simplement ? Et toi, est-ce que tu nous vois ? Est-ce que tu nous entends là où tu es ? As-tu percé le grand mystère ? Cette frontière que l’on passe au crépuscule de ses jours, vers quelle région de l’âme humaine nous conduit-elle ? Une vie après la mort s’ouvre-t-elle, et sur quel horizon ? Même si j’en doute, même si je laisse entrouverte la porte, je suis au moins certain d’une chose : tu as vécu une vie avant la mort. Une vie authentiquement humaine, éprise de sens, de liberté et de beauté, de merveilleux et de rencontres. Tout le contraire des ersatz de la vie moderne, des injonctions de ces experts de tous bords qui veulent notre bien et qui savent mieux que nous ce qui est bon pour nous.
Le grand voyage de la vie, tu l’as accompli, et pas seulement en voilier dont tu me décrivais les périples avec des mots émus dans ta dernière lettre. Ce grand voyage, tu l’as parcouru de bien des façons, et sans doute est-ce cela qui compte avant tout : avoir vécu, avoir aimé pleinement.
Il faudrait des livres et des livres pour décrire ce que fut ta vie, pour brosser ton portrait à travers les âges. S’il fallait le résumer en deux mots, je retiendrai ceux-là qui, à mes yeux, te contiennent tout entier : humanité sensible. Voilà dix ans déjà que, pour la première fois, j’entendais ta voix au téléphone. A la première seconde, elle m’avait saisi par son timbre chaleureux, son chant presque, son humanité justement, au service des électro-sensibles que tu auras sans relâche aidés, accompagnés, soutenus. Dans le petit cercle des EHS, il suffit de prononcer ton prénom pour qu’aussitôt, s’éclairent les visages, apaise la douceur. Quelques années plus tard, nous nous étions retrouvés dans la campagne de Provence, puis tu étais venu me voir avec Annie, dans ma Bretagne d’arbres et de rivières. Ah, les sardines grillées au feu de bois, les haricots verts du jardin, nos conversations ardentes sur la poésie, la curiosité de tout qui était la tienne, les cosses de radis noir que tu décortiquais avec un soin plein d’attention pour en extraire les graines dont j’ai semées les dernières cette année.
Une part de toi demeure ici, dans cette véranda où tu as passé de longues heures à lire, à bavarder, à sommeiller, à vivre heureux je crois. Dans cette pièce où je t’écris ce soir d’été, à mon secours les mots, pour ne pas oublier, pour que tu sois encore un peu dans la vie, la nôtre, et celle de ceux qui ont eu la chance de t’avoir un jour rencontré. Ce soir, je te revois assis dans le canapé, un livre à la main à quelques centimètres des pages que tu tournais fébrilement, avide de découvrir la suite. J’entends ta voix me raconter une histoire, un souvenir. Ta voix fiévreuse qui avait foi en la parole, la vraie qui fait de nous des êtres singuliers, reliés au monde, aux autres et à nous-mêmes. Et je t’écris, en songeant que, peut-être, tu me lis par-dessus mon épaule, l’œil rieur, étonné, qui sait ?
Lundi, avec Annie, nous lirons cette lettre sous le grand châtaignier, celui qui relie le ciel aux profondeurs ; tu seras là tout près, sur la plus haute branche, sur toutes les branches, sur l’herbe aussi, sur toutes les herbes. Il n’y aura plus que toi dans nos pensées, à l’heure du grand passage. Et quand viendront nos derniers pas sur le chemin, je sais déjà que tu seras là, avec quelques rares qui, jusqu’à la fin, seront présents.
Je te serre dans mes bras, je t’embrasse, mon ami.
Frédéric
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Mardi 23 août2022
Mon cher Alain,
C’est un lendemain de jour gris, de recueillement. Hier, avec Annie, nous sommes restés assis un bon moment sur la terrasse de la véranda alors que tu passais sur l’autre rive. Nous sommes restés dans la contemplation, dans l’espérance d’un signe qui viendrait jusqu’à nous. Au bout de l’horizon, on devinait la mer à travers les arbres tamisant l’appel des lointains. Plus près, juste devant nous, l’appel du jardin si fort qu’il serait vain d’y résister. Nos yeux se sont perdus dans ces foisonnements d’herbes, d’arbres et de nuages. Nous avons lu la lettre écrite quelques jours plus tôt en nous tenant la main. Après les larmes, nous avons fait silence. Et de ce souffle suspendu, a surgi l’inattendu, le sacré dans les plus simples choses : un envol de mésanges se précipitant sur un bouquet de centaurées en graines, illuminant le gris de leur poitrail jaune. C’était si beau, si soudain, que nous avons pensé à toi. Puis il y a eu un autre signe sur la rivière : toutes voiles dehors, une goélette qui semblait glisser sur l’eau, pareille à une apparition légère, majestueuse, et c’était toi, encore une fois, qui nous apparaissait, nous adressant un petit signe de la main avant de poursuivre ton chemin, là où tout se confond, la mer, le ciel, le chant des âmes et celui de la terre, les larmes et le rire, la lumière au plus noir des ténèbres.
Nous avons pris le temps de semer une poignée de graines, reproduisant le geste antique du semeur qui fut le tien aussi, saison après saison.
Ainsi la vie s’accomplit-elle dans la simplicité, dans l’essentiel, et tu serais tellement heureux de voir Annie retrouver l’ardeur de vivre. Mais tu la vois, n’est-ce pas, dans le battement des jours, impatiente de la journée qui vient et qui s’annonce riche en milliers de choses à faire, à empoigner, sous l’arche des troènes, au plus près de la terre, dans la douceur de l’eau salée, dans l’amitié des arbres. Je t’imagine, et je vois ton sourire si beau qu’il en ferait pâlir le ciel s’il n’y avait ces nuages qui vont et viennent au gré de leurs voyages. C’est sur cette image de celle qui a tant compté pour toi comme tu as compté pour elle que j’ai à cœur de finir cette lettre, mon ami des arbres et des nuées. Nous pensons fort à toi, à jamais dans nos cœurs.
Frédéric