Démantèlement d’EDF

La mobilisation contre la réorganisation d’EDF prend de l’ampleur

https://www.lemonde.fr/economie/article/20

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Teaser « Barrages », documentaire de Nicolas Ubelman.

Contrairement à ce qui avait été prévu, dans Hercule le gouvernement Macron va privatiser la branche hydroélectrique de la France qui va devenir un concurrent d’EDF au détriment des consommateurs et citoyens Français.
Hercule = vente du réseau électrique et des barrages.
Mercredi 25 novembre 2020 au soir il a été décidé le démantèlement d’EDF et la privatisation des beaux morceaux : les réseaux électriques, les barrages hydrauliques et la nationalisation du coûteux nucléaire.
Une étape dans ce long processus, dont le nom est hercule va conduire à une privatisation des profits avec des juteuses rentes à vie (des pactoles) et à une nationalisation des pertes.

Nicolas Ubelmann, réalisateur a contacté ce printemps les syndicats d’EDF HYDRO pour se lancer dans un documentaire sur l’absurdité de la mise en concurrence annoncée des barrages hydroélectriques concédés. L’écho en retour était à la hauteur de la proposition : les comités d’établissement de la R&D d’EDF, de l’unité de production hydroélectrique Alpes et des 2 unités d’ingénierie hydro (CIH & DTG) participent activement au co-financement du film, ainsi qu’à l’unanimité les 5 syndicats présents sur ces sites.

Next-up.org

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Le saccage d’un bien commun essentiel

Bien qu’il y travaille depuis plus de dix-huit mois, le gouvernement fait tout pour conserver le secret sur le projet Hercule chez EDF. Son objectif: démanteler le groupe public, détruire un bien commun essentiel  par surprise. Avec comme seule vision, le nucléaire comme premier vecteur de la transition écologique, pour le seul bénéfice du privé.

https://www.mediapart.fr/journal/economie

Extraits

 Pour la deuxième fois en moins de trois semaines, les salariés d’EDF sont appelés à faire grève le 10 décembre par l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, Sud) du groupe public. L’inquiétude, la colère, la peur grondent dans l’entreprise. Depuis dix-huit mois désormais, tous vivent dans la rumeur, sous la menace du projet Hercule dont personne ne connaît les contours exacts. Toute la présentation se résume pour le moment en un slogan publicitaire : un EDF bleu pour les activités nucléaires, un EDF azur pour l’hydraulique, un EDF vert pour la distribution (Enedis), les services (Dalkia), et les énergies renouvelables (voir nos articles ici ou là). « C’est un projet de démantèlement qui va conduire à détruire l’outil industriel, à la casse du service public et à la privatisation d’une partie du groupe », dénoncent toutes les organisations syndicales.

Ces derniers jours, la tension est encore montée d’un cran. Selon certaines rumeurs insistantes, le projet Hercule pourrait être intégré dans le texte de la convention climat qui doit être discuté au début de l’année prochaine à l’Assemblée nationale. Le site Contexte, très en pointe sur ces sujets, annonçait le 7 décembre que la restructuration d’EDF risquait même de se faire par ordonnance, « afin de gagner du temps ».

L’information n’a reçu ni confirmation ni démenti. Personne n’y voit quoi que ce soit dans ce dossier. Tout se négocie dans l’opacité, le secret, la dissimulation.

Pourtant, l’électricité est un bien essentiel, déterminant dans nos économies modernes. Ce secteur est un des vecteurs décisifs de toute la transition énergétique, et EDF un outil déterminant pour piloter une politique. Les décisions prises engagent pour des années le pays, tant en termes de sécurité que de compétitivité et d’aménagement du territoire. Sans parler du fait qu’EDF est un service public, un bien commun de la nation, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, et non un actif à la disposition du gouvernement.

Toutes ces questions déterminantes pour le pays vont-elles échapper à tout débat public, à toute délibération, être tranchées sous le boisseau ? « Alors que les bruits courent d’une réforme profonde et imminente, brutale et rapide, personne, ni les élus de la nation, ni les syndicats, ni les citoyens ne savent rien […] Sommes-nous encore en démocratie ? », tonne Sud Énergie.

 Le gouvernement, à ce stade, semble n’avoir aucune envie de dévoiler ses intentions. En dépit des demandes répétées des syndicats d’EDF, le premier ministre Jean Castex se refuse à les recevoir pour leur exposer les projets du gouvernement. Ils n’ont été reçus qu’un par un par Antoine Pellion, ancien conseiller énergie à l’Élysée passé à Matignon, qui ne leur a rien dit, si ce n’est que tout était lié aux négociations avec Bruxelles et à la régulation imposée en contrepartie d’une hausse des tarifs d’accès à la production d’électricité nucléaire (Arenh) vendue aux autres fournisseurs.

Après six mois de silence, le président d’EDF, Jean-Bernard Lévy, a finalement tenu une réunion d’une demi-heure avec les instances du personnel en visioconférence le 3 décembre… pour ne rien leur dire lui aussi. « Il nous a expliqué que le dossier d’EDF n’était plus entre ses mains, que tout dépend des discussions entre l’État et la Commission européenne », raconte Laurent Heredia, délégué CGT.

La même chape de plomb pèse sur tous les interlocuteurs. Interrogé, le ministère de la transition écologique fait le mort. La Commission européenne se drape dans son statut d’institution. À la suite de nos questions, la Direction européenne de la concurrence, chargée de la régulation du marché de l’électricité, nous a simplement répondu qu’elle « n’avait aucun commentaire à faire », se contentant de confirmer des discussions en cours avec les pouvoirs publics français. Selon Libération, les négociations seraient en fait achevées mais seraient gardées secrètes pour des raisons de calendrier parlementaire, afin de conserver le plus longtemps possible le silence sur le projet.

Lors des questions d’actualité le 8 décembre, trois députés, Marie-Nöelle Battistel (PS), Adrien Quatennens (LFI), Fabien Roussel (PC), se sont succédé pour interroger le gouvernement sur le sort qu’il entend réserver à EDF. Ils ont insisté pour avoir des textes, un calendrier, un débat. Le premier ministre, pourtant directement interpellé, n’a pas voulu leur répondre.

C’est la secrétaire d’État à la biodiversité, Bérangère Abba, qui s’y est collée. Balbutiant en lisant ses notes, elle a invoqué « l’attachement du gouvernement à EDF et sa volonté de ne pas déstabiliser l’entreprise ». Des mots permettant au gouvernement de continuer à avancer masqué et surtout de fuir les légitimes questions.

Le nucléaire comme seule option

La seule réponse que les députés ont obtenue finalement est venue d’Emmanuel Macron. En déplacement le même jour à l’usine d’Areva au Creusot (Saône-et-Loire), celui-ci a réaffirmé sa « vision », ancrée dès son passage au ministère de l’économie. La politique énergétique de la France, la lutte contre le réchauffement climatique, les ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre inscrites dans le cadre des accords de Paris ne peuvent se décliner que d’une seule façon : par le nucléaire. Comme il l’avait déjà annoncé, il a confirmé la construction de six EPR à l’avenir.

Loin de rassurer, cette annonce a surtout effrayé, même chez EDF. Beaucoup y voient le renforcement d’une équation infernale EDF égale nucléaire, qui se révèle de plus en plus mortifère pour l’entreprise, le service public, la politique énergétique du pays. Déjà asphyxié financièrement, le groupe public risque la ruine s’il doit assumer de tels projets. Tous les ingénieurs du groupe, y compris les plus fervents adeptes du nucléaire, disent qu’il faut d’abord assurer le maintien de l’existant et diversifier les sources de production pour assurer la sécurité énergétique du pays. Les mêmes affirment l’impérieuse nécessité d’abandonner le modèle EPR, fiasco technologique,industriel et financier.

Un projet de longue date

Surtout, cette fuite en avant dans le nucléaire signifie la mort du groupe public, sa désintégration industrielle et avec elle la fin de toute l’organisation du système électrique français, de tout le service public de l’énergie. C’est peut-être aussi pour cette raison même qu’Emmanuel Macron affirme tant sa volonté de poursuivre dans le nucléaire.

Car la volonté élyséenne de poursuivre coûte que coûte l’aventurisme nucléaire a un prix. Emmanuel Macron le sait. Et il est prêt à le payer : en contrepartie du maintien et du renforcement du nucléaire en France, le gouvernement est d’accord pour accepter le démantèlement d’EDF, exigée par la Commission européenne.

« Depuis le début, la Commission européenne n’a qu’une idée en tête, mettre à bas EDF parce qu’elle ne correspond pas à sa vision du marché idéal, à son modèle de concurrence. Son but n’est pas de faire mieux fonctionner le système électrique mais de pouvoir dire qu’EDF a perdu tant de clients. C’est à cette aune qu’elle mesure la réussite de sa politique », dit ce spécialiste du droit de la concurrence.

Emmanuel Macron a manifestement la même « vision » que la Commission. Dés 2016, alors qu’il n’était que ministre de l’économie, il assurait devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale : « La solution d’une sortie d’EDF de la Bourse n’est pas privilégiée aujourd’hui. Je suis prêt à en examiner le principe, mais j’appelle votre attention sur le fait qu’elle n’aurait de sens que pour la partie “nucléaire France”, et pas pour le reste d’EDF : elle impliquerait donc un démantèlement du groupe. » C’est exactement le projet qu’il entend conduire maintenant.

 Le pitoyable bilan de l’ouverture à la concurrence

« Avant d’aller plus avant, il serait bien de faire un bilan de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, de la politique imposée par la Commission européenne que l’on considère gravée dans le marbre », relève Anne Debrégeas, déléguée de Sud Énergie.

Dix ans après le début de sa mise en œuvre, le bilan de l’ouverture à la concurrence est pitoyable.

Le système électrique français a été totalement déséquilibré. EDF est fragilisé, déstabilisé, vivant dans une tension financière dangereuse. Le service se réduit comme peau de chagrin. La politique énergétique n’a pas permis de développer les énergies renouvelables telles qu’elles l’ont été dans d’autres pays. Les consommateurs n’en ont tiré aucun bénéfice. Seuls, quelques chanceux se sont constitué des rentes juteuses. Soit l’inverse de ce qu’était supposé apporter l’ouverture à la concurrence.

 « Ce sont les Anglais qui ont imposé cette approche du tout marché. Ils en sont revenus mais pas la Commission. Maintenant tout le marché électrique britannique est sous prix garantis, parce que c’est le seul moyen d’assurer les investissements nécessaires », relève un ancien cadre d’EDF.

Parce qu’EDF était en situation de monopole, parce qu’elle avait les prix d’électricité parmi les plus bas en Europe, quasiment impossibles à concurrencer, la Commission européenne a imposé de créer une concurrence artificielle sur le marché français : il revenait à EDF de subventionner ses concurrents. Tous les gouvernements successifs en France ont accepté ce principe contre nature.

Ce mécanisme de concurrence créé de toutes pièces passe par l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) qui permet à tous les concurrents du groupe public en France d’avoir accès à la production nucléaire d’EDF à un prix fixe. « Le tarif a été fixé à 42 euros le MWh en 2012. Il n’a jamais été réévalué depuis. Il n’est même pas indexé sur l’inflation, dans le but avoué d’affaiblir EDF », relève un ancien cadre. Ce tarif est un prix plafond pour EDF. Sur les volumes promis à ses concurrents, il ne peut en aucun cas demander des prix plus haut quand le marché de l’électricité s’emballe. Mais quand les prix du marché, où EDF écoule 70 % de sa production, baisse, le groupe n’a aucune protection, il suit les évolutions du marché.

Le groupe public se retrouve ainsi le seul à être exposé totalement aux risques de marché. Il n’est plus en mesure de couvrir l’addition de ses coûts fixes, de ses financements de maintien en l’état de son parc, et de ses coûts de démantèlement volontairement sous-estimés depuis des années. On ne parle même pas de la rénovation du parc nucléaire existant estimé à 50 milliards d’euros. Pendant qu’EDF croule sous les charges, tous ses concurrents – soit par les mécanismes de l’Arenh, soit par les garanties de prix accordées pour les énergies renouvelables – sont totalement protégés. Cela s’appelle la concurrence juste et non faussée.

Pour les fournisseurs alternatifs, le dispositif est des plus confortables et des plus rémunérateurs. Pile, ils gagnent, face, ils ne perdent pas. Si les prix de marché sont plus bas que le tarif de l’Arenh, ils en profitent ; s’ils sont plus hauts, ils se précipitent pour acheter à EDF au prix fixe et garanti.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) leur a encore accordé un avantage supplémentaire en 2019, en augmentant les volumes d’électricité qu’ils pouvaient acheter auprès d’EDF. C’est l’inverse de ce qui avait été prévu à l’origine : le dispositif de l’Arenh ne devait qu’être transitoire et disparaître en 2025.

Toute une série de fournisseurs virtuels sont apparus ainsi sur le marché français. Ils ne produisent pas un watt d’électricité, n’ont aucune base et se contentent d’arbitrer heure par heure entre les prix garantis et les prix de marché et d’empocher les marges. « EDF, ce sont 60 000 salariés qui assurent la production, qui développent, entretiennent, réparent les réseaux, assurent la distribution et viennent dépanner les gens chez eux, garantissent le système électrique et le service public. Et en face, on nous met des sociétés qui comptent douze traders, vivant sur notre dos », peste Laurent Heredia.

Mais les producteurs d’énergie renouvelable ne sont pas en reste. Grâce à ce système de prix garantis pouvant aller jusqu’à 200 euros le MWh pour l’éolien en mer pendant quinze ans et plus (voir notre enquête sur le parc d’éoliennes dans la baie de Saint-Brieuc) les énergies renouvelables sont devenues les niches convoitées par les fonds d’investissement, les family offices et autres investisseurs à la recherche de rémunération élevée. Une rente indéfendable dénoncée à plusieurs reprises par la Cour des comptes.

« Ces garanties étaient totalement justifiées au démarrage des énergies renouvelables. Elles ne le sont plus du tout, maintenant que le marché des renouvelables a pris son essor. Elles sont même un grave facteur de dysfonctionnement de marché. Alors que le prix du MWh sur les renouvelables a plusieurs fois frôlé le zéro cette année, le signal prix, le risque ne les incite à aucune discipline : ils ne sont pas concernés. Comme ils sont prioritaires pour l’accès au réseau, comme ils ont l’assurance que, quel que soit le prix, ils empocheront 100 euros le MWh ou plus, ils continuent à faire tourner leurs installations. Ils s’en foutent de l’équilibre du marché. Et à la fin ce sont les consommateurs qui paient », décrypte cet expert du marché de l’électricité.

70 % d’augmentation des tarifs réglementés depuis 2007

C’était l’argument massue des défenseurs de la concurrence : celle-ci allait faire baisser les prix. Plus aucun n’ose le rappeler. « Entre 2007 et 2020, les tarifs réglementés de l’électricité ont augmenté de 70 % en France. Certes, il y a eu l’addition de beaucoup de taxes [elles représentent désormais 30 % du total de la facture d’électricité – ndlr], notamment pour financer les énergies renouvelables. Mais où est le bénéfice pour les consommateurs ? », interroge Philippe André, responsable de Sud Énergie dans la branche hydro.

Le médiateur de l’énergie ne cesse depuis plusieurs années de tirer la sonnette d’alarme sur le sujet : pour de nombreux foyers, « la part de budget consacrée aux dépenses d’énergie devient une charge importante, parfois insurmontable ». La précarité énergétique est devenue une réalité désormais en France. Elle s’est encore aggravée avec la crise sanitaire. Les impayés s’accumulent. Quelque 30 % des ménages auraient des difficultés, voire ne seraient plus en mesure de payer leurs factures, dans la plus totale indifférence des pouvoirs publics et de la commission de régulation de l’énergie. En dépit des engagements pris, et même des réalités économiques où l’inflation – on ne parle même pas des salaires – est de 0,5 %, 0, 8 %, l’autorité de régulation n’hésite pas à imposer des hausses de 5,4 %, voire plus chaque année. Même en pleine crise des « gilets jaunes ».

Enfin, l’ouverture à la concurrence était censée permettre une optimisation des ressources financières. Fini ces visions d’ingénieurs, de ces professeurs Nimbus qui ne savaient pas compter, qui dilapidaient l’argent du contribuable, comme l’expliquaient les adeptes de la concurrence à tout-va. Le privé, avec son sens « inné » des responsabilités et des risques, allait remettre de l’ordre dans tout cela : trouver les bonnes solutions, développer les technologies d’avenir, les énergies renouvelables indispensables.

120 milliards d’euros ont été récoltés en à peine dix ans par le biais des taxes perçues sur les factures pour assurer le développement des énergies renouvelables, selon les calculs des syndicats. D’autres chiffrent le montant à la moitié. C’est en tout cas beaucoup plus que 40 milliards d’euros que le gouvernement espère recueillir par le biais du plan de relance européen pour financer sa transition écologique.

Les sommes obtenues par le biais de nos factures constituent en tout cas des montants si importants qu’ils auraient pu constituer un effet de levier significatif. Résultat ? Lamentable. Si l’on exclut l’énergie hydraulique – les barrages ont été construits dans les années 1950 –, les énergies renouvelables représentent à peine 12 % de l’énergie produite en France. EDF, peut-être pour laisser le champ au privé ou par conviction de ses présidents successifs ralliés au tout nucléaire, a à peine pris part à ces développements. Sa production dans l’éolien représente à peine 8 % du total de sa production, le solaire 2 %. Il fut un temps où dans les années 1960, EDF avait été le premier électricien au monde à développer un four solaire expérimental à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales).

 « Tous les efforts payés par les consommateurs se sont traduits par des mauvaises allocations de capital, des surcoûts », déplore Philippe André.

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EDF,ENGIE : le libéralisme destructeur, lui, n’est pas confiné…

EDF/ENGIE ou comment basculer totalement les fonds publics au privé. Nous payerons le nucléaire qui nécessite des investissements gigantesques de long terme et les actionnaires privés se gaveront de la vente d’une électricité où ils n’ont jamais fait aucun investissement sans que l’État (nous encore) les rémunère grassement. Le libéralisme destructeur, lui, n’est pas confiné !

https://blogs.mediapart.fr/sergedodoussi

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