C’est un grand week-end de mobilisation qui est organisé le 5, 6 et 7 avril 2024 à Grenoble et dans le Grésivaudan.
STMicro : La spirale du désastre à la grenobloise
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A Grenoble on fabrique des puces
Quand, en juillet 2022, Emmanuel Macron est venu à Crolles inaugurer l’agrandissement de l’usine STMicroelectronics, il faisait chaud. Il annonçait au passage que l’agrandissement serait financé à hauteur de 2,9 milliards d’euros d’argent public, « le plus grand investissement industriel des dernières décennies hors nucléaire » comme le rapporte fièrement Bruno Le Maire
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. Une « réjouissance » pour le maire EELV de Grenoble. STMicroelectronics est le premier employeur de la région avec plus de 6000 salarié·es, et sa voisine Soitec en emploie aujourd’hui 2000. Toutes les deux produisent des semis-conducteurs, des « puces électroniques ». Un marché « stratégique » en pleine expansion : 15 % d’augmentation de la production par an, l’objectif de quadrupler la production sur le sol européen d’ici 2030. Alors la tête haute et le torse bombé, politicien.ne.s et industriels nous montrent le chemin du monde de demain et nous délivrent leur joyeuse définition du progrès, forte de propagande mensongère.
Nous les saluons pour avoir, en même temps que cette inauguration, donné naissance à notre collectif et à la vague d’indignation et d’opposition qui grossit depuis sans faiblir.
Anatomie du modèle grenoblois : recherche, enseignement, industrie, armée
Comprenons là où nous mettons les pieds. A Grenoble, nous avons au moins trois pôles de recherche et développement dont le plus gros se situe sur la presqu’île entre le Drac et l’Isère, appelée d’après son origine militaire le « Polygone scientifique ». Ce désert de béton et de verre est peuplé de plus de 10000 ingénieurs le jour, s’activant à penser l’innovation, la dystopie de demain, dans des laboratoires à accès badgé et des « salles blanches » prototypes. La production, elle, se fait dans les usines de STMicroelectronics et Soitec dans les communes voisines de Crolles et Bernin.
Si les mains du monstre industriel se situent dans les méga-usines, nombre de ses organes vitaux se situent sur le Polygone. En voici une brève anatomie :
— Le CEA (Commissariat a l’Énergie Atomique) implanté depuis 1956 à Grenoble, constitue, via le CEA-LETI, « l’un des principaux centres de recherche appliquée en microélectronique et nanotechnologies dans le monde ».
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. Il remplit la fonction d’estomac, ingurgitant les ingénieurs, et les subventions publiques. Puis, lorsque les recherches trouvent un domaine d’application industrielle, elles sont tout droit régurgitées en direction d’investisseurs privés, sous forme de spinn-off : c’est le cas de ST et Soitec, des start-ups avant l’heure. Le CEA continue de collaborer, fièrement, avec celles qui se font appeler les « locomotives » de l’industrie locale.
— Le centre de recherche et développement de STMicroelectronics est l’une des nombreuses têtes de l’hydre techno-industrielle grenobloise. Quoi de plus logique que son implantation sur le Polygone, à côté de papa-CEA. Employant 2000 ingénieur·es, le site grenoblois est un des plus gros sites de recherche et d’innovation de la multinationale. C’est ici que sont conçues les nouvelles puces, leur « design » et leur processus de fabrication optimal. On y trouve les cadres en col blanc et les ingénieurs fan de trek, tandis que les ouvrier·es en combinaison intégrale, elles et eux, s’activent aux 3×8 dans les salles blanches de l’usine de Crolles.
— Accroché au CEA comme une vésicule biliaire à l’estomac, le Synchrotron, ce donut géant, perfuse la Presqu’île d’un flux continu de mesures et de datas à n’en plus finir et consomme au passage une quantité faramineuse d’électricité (500 Gigawatt/h par an).
— On pourrait aussi parler : de cette vieille bombe à retardement qu’est le réacteur nucléaire d’essai de l’Institut Laue-Langevin, tumeur en sommeil abreuvée d’uranium enrichi de qualité militaire ; de Minatec ; de Clinatec ; de l’Idea’s Lab ; du Laboratoire des champs magnétiques intenses… Mais arrêtons ici cette liste à la Prévert d’une machine mortifère en expansion continue où l’humain n’a plus sa place (à ce sujet lire le livre du Groupe Grothendieck L’Université désintégrée).
Un empilement de nuisances
A quoi s’affaire le pôle de l’innovation local ? A penser l’avenir. Penser le monde de demain c’est une chose, mais le faire advenir matériellement avec toutes ces conséquences, c’en est une autre. Comme toute industrie du numérique, la production nécessite l’extraction de métaux sur toute la surface du globe. Invisibles depuis l’Isère, nombre de nuisances sont pour les pays du Sud, où l’extractivisme néocolonial bat son plein au détriment des populations locales et de leur environnement. Voir le livre de Célia Izoard, La ruée minière au XXIe…
. La « dématérialisation » du monde connecté, on le sait depuis longtemps maintenant, est éminemment matérielle.
Au niveau local, ces usines consomment aujourd’hui plus de 16 500 mètres cubes d’eau potable par jour (12 piscines olympiques par jour, 700 000 douches), en consommeront 29 000 à horizon 2028. Une eau qui ressort largement polluée dans l’Isère, en raison des produits chimiques divers et variés dont elle se charge au contact des plaques de silicium. Une quantité de substances qui vaut à STMicroelectronics l’élégant label de « site Seveso seuil haut ». Bénéficiant de dérogations pour avoir le droit de polluer plus que ce que les normes européennes ne l’autorisent.
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, industriels et politiques ne reculent devant rien pour que, sous l’alibi du progrès nécessaire, les intérêts économicistes de STMicroelectronics soient comblés.
Et le progrès a sa définition ! STMicroelectronics fabrique des puces qui équipent les voitures connectées les plus récentes (essentielles pour régler automatiquement les rétroviseurs !), les stations terrestres du projet StarLink, les caméras pour la reconnaissance faciale des smartphones, une myriade d’objets connectés au mieux inutiles (avez-vous penser à vous procurer votre bouteille d’eau connectée qui vous rappellera de boire ?
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) et au pire terrifiants : applications pour le smartfarming, l’autre nom de l’agriculture sans paysan·ne·s
Autre réjouissance : des puces pour le commerce de la guerre, comme le rapportait l’ONG L’Obsarm, relayé par le média Blast
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. Avec une mention spéciale pour les drones kamikazes destinés à l’armée russe, contournement explicite de l’embargo.
L’agrandissement de ces usines est une aberration socio-écologique. Il n’y avait jusqu’alors jamais eu une opposition d’une telle ampleur à l’industrie de la microélectronique dans la région. Il semble que quelque chose se passe. La question de l’usage de l’eau nous traverse, et se répand sécheresse après sécheresse.
Mais ce n’est pas tout.
La fuite en avant technologique questionne. Le mythe du Progrès a du plomb dans l’aile. Le vernis de la transition écologique porté par les industriels et les pouvoirs publics se craquelle.
Le temps presse, il nous faut accélérer le craquèlement.
Que faire ?
Face à ces gigantesques entreprises dont chaque agrandissement renforce l’emprise et la dépendance économiques sur le territoire grenoblois, comment agir ?
Nous invitons à une marche familiale et massive, pour rassembler, grandir encore.
Une marche jusqu’au Polygone scientifique grenoblois samedi 6 avril 2024, le temps fort du week-end.
Nous proposons aussi un grand nombre de conférences et de discussions, pour affiner ensemble notre analyse de la situation et élaborer des perspectives. Elles se tiendront le vendredi 5 à Grenoble, et le dimanche 7 à Crolles.
Derrière l’activisme nous savons qu’en creux, c’est une désinvisibilisation de l’absurde qui se répand dans les têtes et donc une union des colères face au non-sens.
Rendez-vous le 5, 6 & 7 avril 2024 à Grenoble et dans le Grésivaudan
Manifestation, conférences & actions
Lundi.am
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L’appel à la mobilisation
Contre l’accaparement des ressources par les industries de l’électronique et la « vie connectée »
Le 1er avril 2023, nous étions mille à manifester à Crolles contre l’accaparement des ressources par les industriels de l’électronique et l’agrandissement du géant STMicroelectronics, qui produit des puces électroniques. Aujourd’hui c’est sa voisine Soitec qui veut s’agrandir, pour fabriquer des semi-conducteurs pour batteries de voitures électriques.
Accaparement de l’eau à l’heure des sécheresses à répétition, rejet de produits chimiques, consommation électrique délirante, le tout pour la production d’objets connectés et pour l’armement : ces projets d’agrandissements d’usines promettent un désastre environnemental.
Une consommation d’eau potable délirante
Le secteur de la microélectronique est très gourmand en eau : il faut 1700 litres pour rincer une seule plaquette de silicium. L’été, quand les particuliers n’ont plus le droit d’arroser leur potager, ST et Soitec continuent d’engloutir l’eau potable du réseau. Leur consommation, en constante augmentation, va encore monter avec les extensions : après son agrandissement, ST prévoit de consommer 21 500 m³ d’eau potable par jour, soit 249 litres par seconde, une augmentation de 190 % par rapport à 2021 (chiffres MRAE).
Le numérique pollue nos rivières
Les « 60% de recyclage » annoncés par l’industriel ne diminuent pas sa consommation d’eau, car il n’y a pas de recyclage chez STMicroelectronics, juste une « réutilisation » de l’eau qui sert à la climatisation des salles (25% de sa consommation). Pour les 75% restants, l’eau potable en entrée ressort chargée des produits hautement toxiques que l’usine utilise à hauteur de 20 000 tonnes par an : ammoniac, chlore, hexafluorure, phosphore, azote, cuivre… L’eau qu’elle souille est retraitée par sa station de traitement puis rejetée dans l’Isère. Par exemple, pour l’azote, ST est autorisé à déverser l’équivalent d’une ville de 53 000 habitants qui ne traiterait pas ses rejets. ST et Soitec doivent cesser de polluer l’Isère !
Démocratie : le compte n’y est pas
Ces agrandissements d’usines se font dans un véritable déni de démocratie. L’enquête publique pour l’exploitation du site de Crolles a eu lieu alors que les travaux de la première tranche étaient presque achevés. Les gendarmes ont relevé les plaques des voitures de tous les participant-es à la deuxième réunion de l’enquête publique. Cette situation témoigne de la façon dont fonctionnent nos sociétés industrielles : plus la technologie est complexe, moins les populations ont de pouvoir sur leurs vies.
L’électronique au service de l’armée
Les semi-conducteurs de ST équipent les drones kamikazes KUB-BLA de l’armée russe, et ST est un acteur majeur en semi-conducteurs de la défense. C’est vrai aussi de Soitec, qui participe de longue date à l’industrie de l’armement. La technologie SOI a été créée par le CEA pour disposer de composants adaptés au nucléaire militaire. Championnes de la « death.augmented », ST et Soitec sont complices des guerres et de la menace nucléaire. Leurs activités reposent sur la mort et la destruction : elles sont immorales.
Une fabrique de gadgets
Les puces fabriquées dans le Grésivaudan sont utilisées dans des machines à gazon automatiques, dans des bouteilles d’eau connectées, par le réseau de satellites Starlink d’Elon Musk ou dans les smartphones (Google Pixel 7 par exemple). Les batteries des voitures électriques sont également très demandeuses en semi-conducteurs. Mais avons-nous vraiment besoin de tout cela ? Pour notre part, nous refusons le monde connecté, l’« internet des objets » et la « life.augmented » Nous voulons une société avec plus d’humain et moins de numérique, une société où l’on ne soit obligé d’utiliser des outils extrêmement perfectionnés pour chaque acte du quotidien.
Des subventions publiques pour des profits privés
Entreprise « franco-italienne », STMicroelectronics a son siège en Suisse et paye ses impôts aux Pays-Bas, le 4ème paradis fiscal au monde. C’est néanmoins l’État français qui finance l’agrandissement à hauteur de 2,9 milliards d’euros (soit 2,9 millions d’euros par emploi créé). Ce budget est provisionné dans le volet semi-conducteurs de France 2030 (5,5 milliards d’euros), lui-même inclus dans le European Chips Act, un plan européen qui veut augmenter drastiquement la production de puces en Europe.
La « souveraineté industrielle » est un mensonge
Les nouvelles usines de ST et Soitec auraient soi-disant pour but de rendre l’Europe « souveraine » en puces électroniques. En réalité, comme on consomme de plus en plus de puces (+15 % par an), les usines du Grésivaudan ne vont pas remplacer des usines en Asie mais s’y ajouter. Et de quelle souveraineté parle-t-on quand on sait que 95% de la production mondiale des métaux rares utilisés pour la fabrication des puces vient de Chine ? La meilleure façon de ne pas dépendre des usines asiatiques est d’utiliser moins d’électronique. Cela passe par reconquérir notre autonomie face au mode de vie industriel et connecté qu’on nous impose, face au pouvoir des multinationales.
Le numérique est anti-écologique
On entend souvent que le numérique participerait à se passer de pétrole et à « construire un monde bas-carbone ». En réalité, on n’a jamais autant consommé de pétrole qu’aujourd’hui : le numérique accélère la consommation d’énergies fossiles. On nous fait croire que le numérique « dématérialise » les activités, mais chaque objet connecté dépend en fait d’une immense infrastructure technologique. La numérisation a un impact concret sur les milieux (mines, consommation électrique, décharges, pollution des rivières…). L’augmentation de la production de puces constitue un renforcement des logiques de destruction planétaire.
Nous n’avons pas besoin du monde connecté
Les puces électroniques sont-elles indispensables à la vie en société ? À la différence de l’eau qui, elle, est un besoin, les semi-conducteurs ne relèvent ni de la nécessité ni de la fatalité, mais d’un choix politique : celui du mode de vie connecté. En quelques dizaines d’années, nous semblons avoir oublié que d’autres manières de se rapporter au monde sont possibles, et sans doute plus désirables que le mode de vie du tout-écran, de la connexion permanente et de la surconsommation de ressources (eau, électricité, métaux rares).
La course à l’innovation : une aberration historique
Le projet de faire du Grésivaudan un pôle de la microélectronique ne répond pas à des enjeux locaux, mais à des choix géopolitiques, économiques et militaires : Taïwan est le leader mondial des puces, l’Europe doit lui courir derrière, financer le CEA et ses start-up, exploiter plus encore les pays du Sud. L’impératif de la compétitivité nous jette dans une course mondiale à l’innovation mortifère pour l’environnement, les animaux et la planète. À l’heure du dérèglement climatique et d’une extinction de masse des espèces, nous prônons la désertion de cette course qui nous fait perpétuer le désastre écologique et humain. Sortons de la course mondiale à l’innovation et finissons-en avec la recherche du profit à tout prix !
Empêchons les agrandissements de ST et Soitec
5, 6 & 7 avril 2024 à Grenoble et dans le Grésivaudan
Manifestation conférences & actions
No puçaran!
Collectif STopMicro
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