Cela se passe à Avion, dans le Pas-de-Calais
Début octobre, le maire communiste d’Avion a pris un arrêté municipal interdisant aux fournisseurs de gaz et d’électricité de procéder à des coupures
- Le 8 octobre dernier, le maire communiste d’Avion, dans le Pas-de-Calais, a pris un arrêté municipal qui a interdit tout simplement aux fournisseurs d’énergie de procéder à des coupures de gaz ou d’électricité chez les habitants de la commune.
- Dans cette ville du Bassin minier, la population est loin de rouler sur l’or et les fins de mois sont souvent difficiles.
- Par le passé, d’autres maires, souvent communistes, avaient eu plus ou moins de chance en prenant des initiatives comparables.
Nul n’est censé ignorer la loi. Le 8 octobre dernier, le maire communiste d’Avion, dans le Pas-de-Calais, a pris un arrêté municipal qui a interdit tout simplement aux fournisseurs d’énergie de procéder à des coupures de gaz ou d’électricité chez les habitants de la commune. Pour autant, l’arrêté, qui n’a pas été contesté en justice ni annulé par le préfet, a déjà été bafoué une dizaine de fois.
« Je me doutais bien que les fournisseurs d’énergie allaient se presser d’effectuer des coupures avant l’entrée en vigueur de la trêve hivernale », déplore Jean-Marc Tellier, le maire (PCF) d’Avion, pour expliquer l’origine de son arrêté municipal. Dans cette ville du Bassin minier, la population est loin de rouler sur l’or et les fins de mois sont souvent difficiles. « Plus de 70 % des habitants ne payent pas d’impôt », assure-t-on à 20 Minutes. Alors parfois, les factures d’énergie ne sont pas honorées en temps et en heure : « La flambée des prix de l’énergie aggrave encore des situations déjà très difficiles », poursuit l’élu.
L’arrêté « est en cours d’étude à la sous-préfecture »
Pour éviter que ses administrés les plus précaires ne se retrouvent dans le noir, le maire a donc décidé d’interdire cette possibilité. Par le passé, d’autres maires, souvent communistes, avaient eu plus ou moins de chance en prenant des initiatives comparables. En 2007, le maire de Champigny-sur-Marne avait vu son arrêté anti coupures d’électricité, d’eau et de gaz validé par le tribunal de Meulin. Pour Avion, faute de décision contraire, le texte est toujours en vigueur. La préfecture du Pas-de-Calais a assuré à 20 Minutes que l’arrêté « est en cours d’étude à la sous-préfecture de Lens ». Nous avons aussi eu confirmation qu’Enedis « n’entend pas déposer de recours contre la décision. »
« Cela n’empêche pas les coupures de se multiplier depuis. On en a encore eu une ce mardi. C’est tellement facile avec le compteur Linky, ils n’ont même plus besoin de se déplacer », fulmine Jean-Marc Tellier. Il en dénombre une dizaine après l’entrée en vigueur de l’arrêté. Enedis reconnaît être intervenu « à la demande de deux de ses clients fournisseurs d’électricité », sans les nommer. Il y en a trois en réalité : Engie, Eni et Iberdrola France. Pour le premier, l’affaire s’est réglée en quelques heures grâce à l’intervention du maire. « Avec les fournisseurs historiques, c’est plus facile de discuter parce que l’on a des interlocuteurs. Avec les plateformes, c’est impossible », affirme l’élu communiste.
« On nous balade de service en service »
Ces « plateformes », ce sont les fournisseurs d’énergie exclusivement en ligne. Et parmi eux, le maire en a un particulièrement dans le collimateur. « Eni a fait couper le courant à au moins cinq foyers, sans compter ceux qui ne se déclarent pas », assure Jean-Marc Tellier. La dernière en date concerne une personne âgée et handicapée pour une facture de 50 euros pourtant acquittée par chèque. « On nous balade de service en service, personne n’est au courant et personne ne peut rien faire », poursuit-il. Ce fournisseur d’énergie est loin de faire l’unanimité. Le médiateur national de l’énergie a confirmé à 20 Minutes qu’Eni cumulait le plus grand nombre de litiges en France en 2020 : 4.156, sur les 27.203 recensés, tous opérateurs confondus. Contacté par 20 Minutes, Eni n’a pas encore donné suite.
Sur la dizaine de coupures survenues depuis le 8 octobre, seuls quatre foyers ont pu être rétablis. Pour appuyer son arrêté et éviter qu’il ne soit jugé illégal par le préfet, Jean-Marc Tellier a lancé une pétition de soutien sur Internet. Il a aussi la solution pour qu’un tel texte ne soit plus nécessaire : « réduire de 30 % les taxes sur les énergies et renationaliser le gaz et l’électricité ».
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