Code Humain du numérique en Belgique

Pour que le numérique s’adapte à l’humain et non l’inverse

Tout le monde a un rôle, mais tout le monde est libre d’entrer et sortir.

Nous écrivons un Code du Numérique. Nous écrivons des lois à partir de nos vies, de nos souffrances. Nous pensons qu’il faut mettre des limites au numérique, au niveau de l’État, des institutions, mais aussi collectifs et associations. Aujourd’hui, de nombreux collectifs, travailleur·euses, citoyen·es et politiques sonnent l’alarme face à la numérisation de nos vies. C’est le moment de s’unir pour imaginer ensemble une nouvelle réglementation du numérique, afin de protéger les personnes vulnérables face au numérique (près d’un belge sur deux : 46 % de la population selon le baromètre de l’inclusion numérique de la Fondation Roi Baudouin, 2022).

Nous ne défendons pas le retour au tout-papier. Nous défendons que c’est au numérique de s’adapter à l’humain et non l’inverse.

Nous sommes déjà près de 300 personnes à avoir joué un rôle dans l’écriture de ces lois.

Nous sommes des personnes âgées, isolées, des personnes ayant des difficultés avec la lecture ou l’écriture, des personnes porteuses de handicaps, des jeunes, des enfants, des personnes précarisées, des travailleuses sociales, des juristes, des banquier·es, des informaticiens publics, des éducateurs de rue, des sociologues, des artistes, des jeunes à la rue, des infirmières, des travailleurs dans des usines … Y a-t-il des personnes présentes ici qui veulent ajouter quelque chose ?

Nous tous, nous sommes des Maitres, des Présidents, des Ministres, des Professeurs, des Rois de la vie et de la survie. Nous prenons nos responsabilités pour réagir à l’urgence : il est temps de réglementer le numérique. Pour protéger nos droits, pour protéger notre santé mentale et physique, pour protéger notre vie privée, pour protéger nos travails, pour protéger nos enfants, pour protéger la Terre…


Il est temps de réglementer le numérique et pour cela il faut que tout le monde en parle. Il faut que tout le monde prenne conscience de la place que prend le numérique dans nos vies sans notre accord. Il faut un grand débat ! Ce ne sont pas les spécialistes du numérique qui vont nous imposer ce qui est le mieux pour nous ou non. Bien au contraire.

Maintenant c’est aux experts et aux politiques de nous écouter. C’est nous qui allons leur expliquer ce qui devient une réelle menace pour nous et pour la démocratie.

Petit historique

Le Comité Humain du Numérique est né en 2021, au sein du Front Rendre Visible l’Invisible, collectif de lutte contre la pauvreté et pour la justice climatique.

Les Habitant·e·s des images asbl font partie du Front depuis 3 ans et ont cette année travaillé sur la thématique du numérique. Elle a été débattue en groupe et a abouti à la création d’un Comité Humain, présenté lors de la journée du 17 octobre 2021, Journée de Lutte contre la Pauvreté. Au total, une trentaine de personnes ont échangé sur le numérique, notamment en criant des témoignages sur scène le 17 octobre 2021.

Une première revendication a été formulée par le Comité et est défendue en 2022 par le Front Rendre Visible l’Invisible :

« Conserver une accessibilité non digitale dans les services publics et privés pour éviter l’exclusion sociale et les coûts environnementaux. Chaque service doit conserver le recours à l’humain, par exemple avec les guichets, le papier… ! Et si de nouveaux outils numériques sont adoptés, ils doivent d’abord être approuvés par un Comité Humain, composé de précarisé·es du numérique. C’est-à-dire les personnes pour qui le numérique ne facilite pas la vie, mais la complique, notamment dans l’accès à leurs droits fondamentaux. »

En 2022, nous avons décidé de cibler le quartier des Marolles à Bruxelles comme territoire-échantillon pour agrandir notre Comité et pour créer avec les habitant·es le Code du Numérique, un code qui encadre l’utilisation du numérique.

Pour la suite… regardez l’historique de l’agenda.

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Mesdames et messieurs les parlementaires,

Avec ce projet d’ordonnance, vous êtes déconnectés de ce que vivent et souhaitent les Bruxellois·es. Avez-vous pris la peine de les rencontrer ? Nous vous proposons ici une sélection de témoignages en lien direct avec l’ordonnance Bruxelles numérique. Nous ne sommes pas contre le numérique. Mais défendons que sa réglementation doit être questionnée et évaluée avec les citoyen·nes.

Voter pour le numérique par défaut est un choix politique fort. Les conséquences seront lourdes et encore sous-évaluées.

Aujourd’hui pourquoi voulez-vous nous imposer le numérique ? Voulez-vous créer une société à deux vitesses ? Savez-vous que pour beaucoup, le numérique par défaut supprimera leur autonomie ? Dans une société de plus en plus violente, n’est-il pas le moment de valoriser l’échange et la transmission d’humain·e à humain·e ? Quand la confiance envers les politiques diminue, est-ce une bonne idée d’imposer le numérique par défaut au cœur du contact entre citoyen·ne et administration ? Est-il réaliste de miser sur une société où tout le monde utilise le numérique alors que les gens ont un besoin vital de contacts humains ? Où investir l’argent public ? Ne devrait-on pas l’investir dans des emplois qui produisent une valeur ajoutée au territoire : en termes d’accueil humain, d’écoute, de qualité, de cohésion et de confiance ? Est-ce un choix d’avenir d’investir prioritairement dans des technologies polluantes et rapidement obsolètes ?

Depuis le Covid, l’accélération de la numérisation pose déjà de graves problèmes en terme démocratique. Aujourd’hui, les citoyen·nes vous demandent de les protéger.

Les administrations ne peuvent faire l’économie des contacts humains et de guichets accessibles sans rendez-vous. Vous avez aujourd’hui la possibilité de faire la différence en proposant une vision forte pour Bruxelles : un numérique humain et innovant. Un numérique qui n’est pas là «par défaut» mais pensé intelligemment. Un numérique qui ne prétend pas remplacer l’humain, mais au contraire s’adapte à lui.

Modifiez l’ordonnance !

Art. 4 – Bruxelles Numérique

Pourquoi remplacer systématiquement les humains par les machines ? À qui va profiter cet investissement massif ? Est-ce que ça facilite vraiment les démarches ? Comment on fait entrer nos vies dans un clic ? Que faire de cette majorité de citoyen·nes qui seront toujours plus à l’aise à l’oral qu’à l’écrit ? Est-ce une ordonnance élitiste pour exclure les non-universitaires de la citoyenneté ? Qu’est-ce qu’on fait quand les machines bugs ? Quand des algorithmes défectueux sont appliqués à grande échelle ?

 » Toute procédure administrative est intégralement disponible en ligne « 

>> C’est un investissement disproportionne et risque, car l’accès humain est beaucoup plus démocratique, stable et durable.

Jacques

À l’hôpital Saint-Luc maintenant ils refusent les rendez-vous par téléphone, ou les demandes sur place. Tu dois passer par une plateforme en ligne. Mes amis ne vont plus à Saint-Luc, ils vont à Charleroi se faire soigner. Il y a 6 mois que ça a changé.

Leïla

Le contact humain qu’on avait avant me manque. En parlant à quelqu’un on sait si on est entendu. On a une garantie. Ça rassure. À distance, on ne peut pas sentir si la personne est bon ou pas bon. Mais au téléphone on se demande : est-ce que sa tête est avec moi ? Est-ce qu’elle a entendu ? Est-ce qu’elle m’a pris au sérieux ? Est-ce qu’elle va se rappeler ? Comment on connait la suite ? Est-ce que je pourrais retrouver la personne.

Jamila

J’ai un problème quand je vais à la Commune. J’ai essayé de prendre rendez-vous je pouvais pas. Ma fille a dû prendre le rendez-vous. J’ai été à la commune je devais prendre une composition de ménage. On m’a dit c’est la machine. J’étais bloquée. J’étais bloquée. Ça fait mal. Moi j’ai pas été à l’école. Est-ce que c’est de ma faute ?

Didier

Il y a une insistance au ministère pour tout numériser alors que peu d’argent est mis à disposition pour s’équiper et former le personnel. Il faut faire remonter les réalités de terrain, car il y a une fracture.

Asmaa

J’ai un e-mail, mais je ne comprends pas du tout. Quelqu’un en face tu comprends tout. Si tu comprends pas, elle va répéter. Avec internet non.

Karine

Le numérique fait peur aux gens. Il n’y a pas de réponses, les gens avancent dans l’inconnu. C’est dur. Par exemple une bénéficiaire a fait une demande d’allocation depuis début janvier. Un mois et demi plus tard, rien ! Plein de courriers ou recommandés déjà envoyés. Cette frustration elle retombe sur nous, le ton monte… En tant que pro on ramasse tout ça. Un autre bénéficiaire, sous administrateur de bien, a perdu sa femme. Déjà il était très touché et stressé par ça évidemment et en plus sa carte est bloquée. Il n’était vraiment pas bien.

Meimouna

Un jour on va plus voir personne ? Ne plus parler à personne c’est pas une vie ! Ça va arriver ! Communiquer c’est ça qui est bien. C’est ça la vie c’est partager, rencontrer la souffrance de l’autre. Sinon pourquoi vivre ? Parler tout seul. La solitude, ça va être une maladie. Quand ma fille rentre de l’école, elle ne me dit pas ce qu’il faut pour l’école, elle me dit : « Regarde sur l’application ! ». On n’a plus rien à se dire ? On vit pas comme avant, on vit avec le stress. On a besoin de la chaleur des gens.

Adèle

Il y a aussi l’obligation de payer par carte à la commune alors que certaines personnes se font exclure de leur banque. Et certaines personnes n’ont pas le droit d’ouvrir un compte en banque.

Suzanne

Moi mon problème : le travail ! Si on dit met des machines partout, où est-ce qu’on va travailler ? On est déjà tous au chômage. Il y a déjà pas assez de boulot. Si on met des machines maintenant, qu’est-ce qu’on va faire ? Moi j’ai pas internet. Je vais à la commune pour prendre rendez-vous, on me dit : « Non, rentrez chez vous ». C’est violent. Ça va devenir plus violent si on continue à dire non partout. Pourquoi ils font ça ? C’est pour nous mettre tous dans le même sac ! Pour nous contrôler non ? L’argent liquide aussi ça va disparaitre ? Il faut qu’on se mette ensemble ! Tous les pays !

Jean-Nicolas

On nous dit que tout le monde a un smartphone, mais beaucoup de sites ne sont pas bien faits pour les smartphones : ItsMe, Irisbox, my Fin, etc. Et c’est vrai que plein de gens n’ont pas d’ordinateurs, c’est un investissement.

Sarra

Avec le Covid il y a aussi la tour des finances qui a fermé. C’est à nous, assistants sociaux, d’aider à remplir les documents des impôts. On s’y prépare déjà alors qu’avant on ne faisait pas ça.

Stéphane

On veut des permanences sans rendez-vous, sinon c’est de la sous-traitance du SPF au travail social, car prendre un rendez-vous n’est pas possible pour tout le monde.

Mimoun

La difficulté avec le numérique c’est qu’on n’a plus aucune garantie de traitement. Tout est automatisé. On ne reçoit que des accusés de réception.

Pour en savoir beaucoup plus :

https://codedunumerique.be