Ces ondes qui nous entourent

Un livre de Martin Blank

Livre publié en 2016 chez Écosociété pour l’édition française

En écrivant ce livre en 2014, Martin Blank a réussi à rendre accessible une impressionnante compilation d’études scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires des ondes électromagnétiques artificielles. Sa lecture devrait, sans nul doute, changer l’utilisation et le regard que vous portez sur les équipements sans fil, la radio, la télévision et la « fée Électricité ». De même, vous serez amené à vous interroger sur les institutions nationales et internationales censées protéger notre santé, ce livre étant aussi une enquête sur l’influence de la finance sur le débat scientifique.

Martin Blank est un spécialiste des effets des champs électromagnétiques sur la santé, un sujet qu’il a étudié pendant plus de trente ans. Il a obtenu un premier doctorat en chimie physique à l’Université Columbia et un deuxième en science des colloïdes à l’Université de Cambridge. Il a été le porte-parole de l’appel EMF scientist signé par plus de 250 spécialistes de la question :

www.emfscientist.org

Vous trouverez ci-dessous la préface du livre écrite par Paul Héroux, directeur du Programme de santé au travail de la faculté de médecine de l’université McGill à Montréal, annotée par le collectif stop5G.be.

Francis Leboutte pour le collectif stop5G.be, le 3 novembre 2019

** **

Préface du livre

J’étudie les effets sanitaires des champs électromagnétiques (CEM) depuis environ 40 ans et, durant cette période, j’ai assisté à de nombreuses présentations scientifiques du Docteur Martin Blank. Chacune d’entre elles témoignait d’un homme dévoué à élucider ce problème extrêmement difficile, mais d’une grande importance pour l’environnement, la santé et la science. Dans ce livre, le Docteur Blank couvre beaucoup de terrain, et d’une manière très engageante. Malgré mon implication de longue date sur le sujet, le document m’a appris certaines choses, particulièrement sur la politique entourant les travaux du Dr Jerry Phillips (voir au chapitre 8). Je tiens ici à ajouter quelques éléments qui épousent les arguments du Docteur Blank.

Le chapitre 8 décrit l’influence des ressources financières sur le débat scientifique. Ces ressources permettent à certaines organisations de lever des armées de salariés dévoués à leur cause.

Ces individus occupent des places souvent dominantes dans les sociétés scientifiques, et à l’intérieur des comités de normalisation.

Malgré l’influence des ressources financières sur le débat, la grande majorité des individus convaincus de l’innocuité des CEM n’agissent pas consciemment sous cette influence. Typiquement, ces individus ont été formés en ingénierie seulement.

Malgré tout, le débat sur les effets sanitaires des CEM leur a permis de développer instantanément des opinions très fermement arrêtées sur la biologie et l’épidémiologie qui entourent les CEM. Les universités sont en grande partie responsables de cette situation. Malgré leur couverture complète des connaissances humaines, elles segmentent ce savoir entre facultés et départements au point où un individu qui obtient un diplôme en génie électrique est très souvent ignorant des autres domaines de la science, et particulièrement de la biologie et de la médecine.

Cette spécialisation peut fortifier un département universitaire, mais affaiblit la capacité de la société à gérer des problèmes interdisciplinaires. Elle facilite ensuite l’émergence dans les entreprises d’une culture interne qui protège en fait des intérêts commerciaux, et d’une vision tunnel qui permet de ne voir que ce que l’on veut.

Le déploiement des microprocesseurs (ordinateurs) et des télécommunications (téléphones cellulaires) a permis aux ingénieurs de mettre la main sur une partie intéressante de votre paie. Poursuivant sur cette lancée, le marketing de l’Internet of (Every) Things espère inclure des microprocesseurs dans tous

les objets. Pour réaliser cette vision, on devra vous convaincre qu’il est utile que vos cravates communiquent avec votre automobile. Mais ce qui est vendable est différent de ce qui est utile ou désirable. L’expansion illimitée des communications est assimilable à la prolifération des canaux de télévision, dont le contenu devient de plus en plus mince à mesure que leur nombre augmente. La conséquence pratique de cette philosophie de l’Internet of (Every) Things est un déversement illimité des CEM dans un environnement plus propice à la prolifération des équipements électroniques qu’à la vie humaine.

Sans nul doute, ma section favorite est le chapitre 9, intitulé « Le doute : du tabac à Interphone ». Le progrès scientifique est un processus lent, complexe et délicat, qui peut facilement être dévié et distrait des problèmes essentiels. Dans le cas des CEM, on a utilisé une stratégie mettant l’accent sur l’effet thermique  plutôt que sur le problème plus essentiel de l’action biologique. Cette insistance a favorisé l’adoption de normes qui ne pouvaient en rien interférer avec les plans imaginés par les ingénieurs.

À la fin du chapitre 9, le Dr Blank présente un tableau important qui témoigne des délais inexplicablement longs avant que les gouvernements ne prennent des mesures pour assurer la protection du public vis-à-vis d’une variété de problèmes de santé émergents. Une partie seulement de ces délais est imputable à la lenteur de la recherche, au temps nécessaire à digérer l’information et à établir des normes. Des délais considérables sont plutôt attribuables à la lutte politique inévitable opposant le progrès des idées aux intérêts commerciaux à court terme qui veulent à tout prix protéger le statu quo, pour stabiliser leurs opérations.

Mais comme expliqué dans le texte, au-delà de l’effet thermique, les CEM produisent des changements métaboliques, des effets sur l’efflux de calcium, sur les radicaux libres, sur l’ADN et sur la génétique des cellules cancéreuses. Beaucoup de ces effets s’expliquent par l’altération des ponts hydrogène, qui dépendent de la mobilité d’électrons et de protons libres, présents dans le matériel biologique. Les conséquences sont des risques de cancer et de maladies chroniques, spécifiquement pour les tissus qui dépendent de grandes quantités d’énergie comme le cerveau, le coeur, le système immunitaire, de même que des effets à long terme sur la physiologie humaine par le biais de l’épigénétique d’adaptation. Mais ces signaux d’alarme pour les biologistes ne sont que des curiosités dérangeantes pour les ingénieurs.

Nous nous trouvons dans la situation actuelle parce que les systèmes électriques et électroniques sont conçus par des ingénieurs acquis à la cause. La grande majorité d’entre eux sont payés par des corporations, publiques ou privées, auxquelles ils doivent allégeance. Nous voulons tous que ces organisations soient les plus efficaces possible dans leurs rôles respectifs. Il est facile de voir que pour hausser leurs profits, ces sociétés ont des motifs puissants de se défiler vis-à-vis des conséquences sur l’environnement et la santé de leurs activités. Les gouvernements, pour leur part, bénéficient de l’activité économique qui entoure l’énergie et les télécommunications, comme ils ont bénéficié des taxes sur le tabac ; et le Québec ou la France ne font pas exception à cette règle. Quand un gouvernement s’allie aux corporations pour des raisons fiscales, il reste peu d’éléments puissants dans la société dévoués à la protection du public.

Au chapitre 10, le Dr Blank parle des normes de sécurité des CEM et mentionne à ce propos un document de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (CIPRNI) datant de 1993. Cette Commission a été lourdement influencée par la première norme de l’American National Standards Institute (ANSI) couvrant les radiofréquences, émise en 1966, et qui recommandait une exposition inférieure à 10 mW/cm2, valeur qui n’a que très peu bougé depuis. Cette limite était basée sur des valeurs des champs électriques et magnétiques qui limitaient l’échauffement du corps et l’électrostimulation (chocs et brûlures). Ces normes étaient déjà sous le contrôle des ingénieurs (plutôt que des biologistes et des scientifiques). Après 1987, l’administration de la norme a été officiellement transférée de l’ANSI vers l’Institut des Ingénieurs en Électricité et en Électronique (IEEE, Institute of Electrical and Electronics Engineers), qui a émis un nouveau standard, IEEE C95.1-1991.

Il n’est pas inutile de répéter qu’un débat scientifique semblable sur les effets sanitaires des CEM, qui a eu lieu à l’extérieur d’un système capitaliste, en Union soviétique, en est venu à des conclusions totalement différentes, limitant les expositions à des niveaux jusqu’à 1000 fois plus bas.

Chez nous, par contraste, afin qu’il n’y ait rien qui puisse entraver le déploiement illimité des réseaux électriques, des microprocesseurs et des télécommunications, la seule religion qui était acceptable pour les ingénieurs était que les CEM aient un impact nul sur la santé. Cette vision comportait un risque intellectuel considérable parce que les CEM que l’industrie se préparait à déverser dans l’environnement n’avaient pas d’équivalent naturel. Le corps humain n’était donc pas préparé à y faire face.

Si la science toxicologique nous a appris quelque chose, c’est qu’il n’existe pas d’agents qui n’ont aucun impact.

Le chapitre 12 énumère plusieurs mesures qui permettraient à un individu de se protéger des CEM. Mais ces tactiques demandent une activité technique à laquelle tous ne sont pas préparés. Il faut se rappeler que les machines et la technologie ne devraient constituer une menace pour l’humain que lorsqu’elles sont mal mises en oeuvre (exception faite des techniques de guerre). Les solutions expéditives (et rapidement profitables) actuellement mises en avant ne sont pas les meilleures, ni pour l’ingénierie ni pour l’environnement. Et, idéalement, on constatera dans l’avenir que la capacité d’adaptation de l’ingénierie est de loin supérieure à celle de la biologie humaine.

La plaie du tabagisme doit être éliminée en éliminant le tabac.

Mais dans le cas des CEM, on peut très bien envisager de distribuer l’énergie et l’information de manière bien plus sécuritaire que ce qui est fait actuellement. Par contre, les ingénieurs acquis à cette industrie, désirant garder le contrôle complet sur leurs activités, nieront l’existence de solutions techniques financièrement avantageuses qui permettraient un développement plus durable que le scénario en cours de déploiement.

La distribution de l’électricité sous forme de courant continu permettrait la mise en place d’un réseau électrique capable d’utiliser des signaux de communication de bas niveau, et de basses fréquences stratégiquement choisies, portées par le réseau lui-même, pour réaliser les fonctions de gestion de l’énergie. Pour la distribution massive de l’information, on devrait privilégier la fibre optique et le câble, et n’utiliser le sans-fil que lorsque c’est vraiment nécessaire, et en minimisant les expositions qu’il entraîne.

Au chapitre 12, le Dr Blank nous dit que les CEM disparaissent lorsqu’on désactive les sources, contrairement à certains produits chimiques qui peuvent persister dans l’environnement pendant des décennies. Malheureusement, les connaissances nouvelles en épigénétique indiquent que lorsqu’on expose l’entièreté de l’espèce humaine à un signal qui perturbe le métabolisme, cette exposition peut entraîner des modifications qui persisteront chez nos enfants pendant des générations.

Les ingénieurs ont choisi de nous surexposer aux CEM, tout simplement parce que c’était expéditif. Ce sont eux qui devront, dans un avenir que j’espère proche, développer les solutions durables qui respectent la santé humaine.

Pour finir, je rappelle qu’en 1961, la pharmacologue et médecin canadienne Frances Kelsey a interdit l’entrée de la thalidomide sur le marché américain. La base scientifique dont elle disposait était une publication scientifique décrivant une simple perte de sensibilité sur le bout des doigts chez certains patients. Elle a ainsi évité aux Américains une épidémie de malformations dont le Canada et d’autres pays ont été victimes dans les années qui ont suivi. Voilà de quoi nous faire méditer. Devrait-on user du principe de précaution vis-à-vis des CEM, qui agissent sur les mécanismes les plus fondamentaux de la biologie ?

** **

Pour lire le document complet (avec ses notes) :

https://stop5g.be/fr/doc/Blank-Martin_Ces-ondes-qui-nous-en