La fabrique du crétin digital

Un livre de Michel Desmurget

Son livre est divisé en 2 parties. La première s’attache à démontrer que la promotion du numérique et des écrans en général est un mythe, soigneusement construit par des lobbies qui se sont introduit même au sein de l’éducation nationale pour promouvoir leurs produits en démontrant que nous avions une chance inouïe pour nos enfants. Cette promotion a nié toutes les études scientifiques qui démontrent le contraire.

La seconde partie dénonce les ravages sur les plus jeunes d’entre nous et ce dès le plus jeune âge. Je cite Desmurget: «Tous les piliers du développement sont affectés, depuis le somatique, à savoir le corps (avec des effets, par exemple, sur l’obésité et la maturation cardio-vasculaire), jusqu’à l’émotionnel (par exemple, l’agressivité ou la dépression) en passant par le cognitif, autrement dit l’intellectuel (par exemple, le langage et la concentration), autant d’impacts qui ne laissent pas indemnes la réussite scolaire.»

1. Construction d’un mythe

Commençons par un oxymore de Carlos Ruiz Safon, romancier catalan : «L’incompétent se présente toujours comme expert.»

M.D. établit premièrement les différents manques de rigueur, compétence, équilibre, neutralité et honnêteté des intervenants médiatiques supposés connaître ce sujet (universitaires –journalistes –politiques –lobbyistes ou psychologues)

Ensuite, il dénonce les habillages malins pour faire croire que tout va bien dans ce nouveau monde des écrans.

Enfin, il donne des outils concrets d’évaluation pour nous permettre d’avoir une vigilance critique et se protéger des pièges les plus grossiers.

A. Contes et légendes

Quand les médias répètent que les nouvelles générations, grâce aux merveilles numériques, ont des cerveaux et des modes d’apprentissage différents, les gens finissent par le croire. On appelle ainsi cette génération y (1980-2000) ou z (après 2000) des «digital natives» (en clair «né avec le numérique»). Ils auraient 3 traits saillants : zapping, impatience et sens du collectif, maîtriseraient ces outils et il serait temps de passer à un autre type de pédagogie pour tenir compte de l’évolution de notre société. On pourrait écrire des dizaines de pages sur ce thème. Tous ces individus n’existent pas : l’enfant mutant du numérique, génial et curieux grâce à Google Search, le spécialiste de jeu vidéo plus habile que quiconque, tous ces enfants ne sont que des légendes. Ce mythe est pourtant bien confortable : tout d’abord, pour rassurer les parents en leur faisant croire que leurs enfants sont de vrais génies du numérique alors qu’ils ne savent utiliser que quelques coûteuses applications triviales. Sur le plan scolaire, il permet, pour le plus grand bonheur d’une industrie florissante, de soutenir la numérisation forcée du système malgré les performances inquiétantes. Tout le monde y gagne… sauf nos enfants ; mais, apparemment, tout le monde s’en moque.

B. Paroles d’experts

On le sait : en quelques mots bien viciés, on peut abattre toute une réflexion soigneusement construite. Ainsi, agissent les soit-disant experts au service des lobbys. D’un point de vue financier, il est toujours rentable de préférer l’intérêt industriel à la santé publique. Alors, qu’est-ce qu’un expert crédible :

1. Connaît son domaine, maîtrise littérature scientifique disponible sur le sujet

2. Ne modifie pas son discours en fonction des auditoires et des financeurs de sa prestation.

3. Quelqu’un qui n’a pas de conflits d’intérêts ou, au pire, qui l’annonce pour que le public forme son jugement en toute connaissance de cause.

Tout journaliste devrait donc s’assurer de ces 3 pré-requis.

Dans le champ du numérique, l’info offerte au grand public manque cruellement de fiabilité. Nombre d’experts médiatiques, parmi les plus importants, présentent une stupéfiante capacité à collectionner les âneries, sornettes, revirements, approximations et contrevérités. Qu’ils agissent sous mandat officiel, académique ou personnel ne change rien à l’affaire. Les choses iraient sans doute un peu mieux si les potentiels conflits d’intérêts étaient systématiquement traqués et dévoilés. Mais ce n’est pas le cas. On continue à voir des psychiatres, psychologues, médecins, universitaires et autres supposés spécialistes courir les plateaux sans jamais devoir expliciter leurs sujétions industrielles.

Tous ces éléments ne sont pas anodins. Des politiques efficaces de prévention auraient depuis longtemps pu être engagées et la réflexion sur la numérisation du système scolaire ne serait pas aussi déconnectée des réalités scientifiques.

Tous les journaux scientifiques ne se valent pas. Un J.S. se définit par sa procédure de sélection éditoriale. Quand l’éditeur reçoit un texte, il commence par estimer l’origine et la crédibilité de ce dernier. Après, s’il le juge utile, il sélectionne 2, 3 ou 4 spécialistes du domaine traité pour une évaluation approfondie. Ceux-ci lisent le texte en détail et se prononcent sur son intérêt (apporte-t-il qqc de nouveau ?), sa rigueur (protocole d’étude et outils d’analyse valides) et ses conclusions (conformes aux données ?) Plus le journal est réputé, plus les critères de sélection sont durs. Par conséquent il existe une hiérarchie dans les journaux scientifiques, évaluée suivant le n. de fois qu’ils sont cités (20 et += excellent; 10 à 20 = très bon; 5 à 10 = bon; 2 à 5 = moyen; moins de 2 = faible) A côté il y a plein de magazines bidons, sous des appellations crédibles, publient n’importe quoi moyennant rétribution, par ex Journal of pharmacology et pharmacologyvigilance)

2 La réalité d’une intelligence entravée et d’une santé menacée

En préambule

Évidemment, il est absolument stupide de penser qu’on peut rejeter le numérique dans son ensemble pour toute notre civilisation. Son apport est incontestable (détecteurs de mines, tâches répétitives et destructrices pour la santé des humains, partage des données pour la recherche scientifique ou industrielle, logiciels de traitement de texte, de gestion, de conception mécanique). Inutile aussi de penser qu’une demi-heure de réseaux sociaux ou de jeux vidéo puissent affecter le développement cognitif et les résultats scolaires de l’enfant.

Les outils numériques affectent les 4 piliers constitutionnels de notre identité : le cognitif, l’émotionnel, le social et le sanitaire. Toute cette influence se réalise dans une complexité d’action qui ne sont pas simples et directs, mais agissent par des voies dérobées, en cascade, avec délais et de manière synergique.

Ainsi, pour ce qui concerne l’impact sur le sommeil, on sait que son altération entraîne des difficultés de mémorisation, des manques dans les facultés d’apprentissage et une perturbation du fonctionnement intellectuel diurne. Le système immunitaire s’affaiblit avec risques accrus de maladie, donc d’absence à l’école et augmentation des difficultés scolaires.

Le manque de sommeil est un facteur d’obésité. Or, l’obésité est associée à une diminution des performances scolaires, notamment en raison d’un absentéisme accru et du caractère destructeur des stéréotypes (souvent implicites) associées à cet état sanitaire ( veulerie, aboulie, malpropreté, déloyauté, maladresse, paresse, grossièreté..) Ces stéréotypes sont en partie liés à la représentation du «gros»dans la sphère médiatique (films, séries, clips, articles de la presse féminine).

La cascade continue: on peut ajouter que le manque de sommeil crée une baisse de temps consacré aux devoirs, un effondrement des capacités langagières et attentionnelles. L’humeur et les émotions sont perturbées, le cerveau vieillit précocement.

Bien sûr, la plupart de ces influences dépassent largement le cadre des écrans avec des facteurs non numériques d’ordre démographiques, sociaux ou familiaux.

3 Études Boiteuses

Plusieurs études américaines ont montré que les émissions de téléréalité en prime time utilisaient moins de 600 mots de vocabulaire, un livre en possède au minimum 1000, un magazine scientifique 4000 et un livre de classe de 3ème 24000 !

Une chose principale est à retenir : en matière d’écrans, lorsque les médias décrivent une étude particulière, soyez toujours extrêmement circonspect vis-à-vis des conclusions avancées, surtout si la mariée semble trop belle. Non que toutes les productions médiatiques soient déficientes ou boiteuses, mais qu’il existe suffisamment de mauvais comptes rendus et choix éditoriaux pour commander, à priori, la plus grande prudence. Se méfier des rapports iconoclastes qui contredisent des études établis par des dizaines de travaux antérieurs.

4 Des usages abusifs trop répandus

3 questions :

Quoi ? Quels écrans sont utilisés ?

Combien ? Le temps passé.

Qui? Quels sont les usagers : connaître l’âge, le sexe, le milieu social .

Tout d’abord, difficile d’avoir des études vraiment fiables, il faudrait avoir une observation 24h sur 24 des sujets pour être vrai, toutes les études seront donc relatives avec, bien souvent, une sous-estimation de la consommation déclarée par les personnes interrogées.

Enfance ; l’imprégnation

Nous sommes des êtres d’habitude avec des routines alimentaires, scolaires, sociales ou de lecture. Ainsi, plus l’enfant est confronté tôt aux écrans, plus il deviendra assidu.

Deuxièmement, les premières années sont fondamentales en matière d’apprentissage et de maturation cérébrale. Autant, on sait qu’on peut à n’importe quel âge découvrir et apprendre l’informatique, autant il est compliqué de récupérer les manques de développement du langage, de coordination motrice, de prérequis mathématiques, d’habitus sociaux ou de gestion émotionnelle.

Moins de 2 ans: en moyenne 50′ = 10% durée de veille ou 15% temps libre.

Cumulée sur 24 mois = 600 heures soit3/4 année de maternelle, ou 200 000 énoncés perdus ou encore 850 000 mots non entendus.

Seule une moitié des parents sont présents, pas forcément avec interaction. Ainsi, d’après une étude sur des bambins de 6 mois 85% du temps d’écran était silencieux, c-a-d sans intervention langagière d’un adulte.

Une autre statistique intéressante: 95% du temps des bébés (0-1an) est consacré des consommations audiovisuelles avec une grande disparité: 29% jamais exposé, 34 chaque jour et 37 entre ces 2 extrêmes. En fait, + d’un tiers des enfants de –de 1 an consomment 90′ de télé chaque jour, en majorité dans les milieux défavorisés. Qqs études montrent d’ailleurs que, dans ces milieux, l’usage journalier serait de 1h30 à 3h30! Pour expliquer cette orgie d’écrans:

faire tenir les gamins tranquilles dans les lieux publics (65%)

pendant les courses (70%)

et ou lors des tâches ménagères (65%)

Chaque jour, près de 90% des enfants défavorisés regardent la télé; 65% utilisent des outils mobiles (tablettes ou smartphones) et 15% sont exposés à des consoles de jeux.

En 4 ans, la proportion de moins de 12 mois utilisant des écrans mobiles est passée de 40 à 92% !

Premier palie r: de 2 à 8 ans

Entre 2 et 4 ans, on passe aux choses sérieuses avec une consommation numérique qui augmente brutalement à 2h45/jour. Sur la dernière décennie = +30% = ¼ temps de veille et

sur une année = + de 1000h = 7 années complètes d’enseignement ou 460 jours de vie éveillée (une année et quart) ou encore l’exacte quantité du temps de travail personnel requis pour devenir un solide violoniste.

Préadolescence: de 8 à 12 ans

Besoin en sommeil moins important. Naturellement entre 1h30 et 1h45 d’éveil en plus.

Gains qui se retrouvent dans les écrans avec 4h40 contre 3h auparavant. 4H40 = 1/3 temps d’éveil

Cumulé sur 1 an, cela représente 1700h, équivalent de 2 années scolaires.

Effarant mais pour la saturation digitale, cela fait que 53% des ados ont une tablette, 47% une télé, 22% une console de jeux et 24% un smartphone

Autre statistique : 85% du temps d’écrans aux matériaux audiovisuels (2h30) et jeux vidéos (1h20)

8% (20′) pour les réseaux sociaux et 4% (10′) pour surfer sur la toile.

Ces comportements moyens masquent de grandes disparités. Certains se goinfrent de télé tandis que d’autres adorent les jeux vidéos et que des derniers mixent ces comportements. Ceci dit, 35% des préados ont –de 2 heures/jour, 19% à -1h et 6% à zéro! Chiffre de 6% que l’on retrouve à l’adolescence, ce qui suggère qu’un groupe d’enfants, sans doute de milieu favorisé, ont des parents qui les maintiennent à l’écart de toute exposition numérique. Est-ce qu’ils se portent plus mal? Apparemment non, toutes les études montrent que cette abstinence ne perturbe ni leur équilibre émotionnel, ni leur intégration sociale. Bien au contraire !

Adolescence : entre 13 et 18 ans: la submersion

Consommation quotidienne: 6h40! = ¼ de journée; 40% du temps de veille, 2400 heures, 100 jours et 2 années et demi de temps scolaire ou, encore, la totalité du temps consacré de la sixième à la terminale pour un élève de filière scientifique, à l’enseignement du français, des mathématique et de SVT. En clair, en une simple année, les écrans absorbent autant de temps que les heures cumulées de français, de maths et de SVT dans tout le secondaire !

Une fois de plus, il faut regarder en détail: réseaux sociaux: 1h30/filles, 50’/garçons; jeux vidéos: filles 10′ et garçons 1h

Les habitudes familiales concourent à peser sur le poids des écrans :

Jeux vidéos et télé en commun s’ajoutent aux pratiques solitaires

les enfants imitent le comportement immodéré des parents

les gros consommateurs ont une vision + positive de l’impact des écrans sur le développement, ce qui les conduit à imposer des règles d’usage –restrictives à leur progéniture

La bonne idée, suivant une méta analyse (sorte de synthèse statistique) avec une douzaine d’études proprement réalisées dans ce simple objectif, donne ce résultat :

Lorsque les parents (et les enfants) sont informés des influences néfastes du numérique récréatif et lorsqu’ils se voient, sur cette base, proposer la mise en place de règles restrictives précises (durée maximale hebdomadaire ou quotidienne, pas d’écran dans la chambre, pas d’écrans le matin avant l’école, pas de télé allumée quand personne ne regarde, ..) le niveau de consommation chute substantiellement, en moyenne de moitié. Pour les 12 études considérées, pour des sujets de 13 ans en moyenne, le temps d’usage était passé de 2h30 à 1h15 ! Et ce déclin, loin d’être éphémère, se révéla stable allant jusqu’aux 2 années suivantes (avec une moyenne de plus de 6 mois).

Au fond, l’idée directrice est assez simple: il est plus facile de résister à une envie quand les moyens de sa satisfaction sont absents, verrouillés et/ou coûteux à mettre en œuvre:

Pas de télé en mangeant quand il n’y en a pas dans la cuisine

Pas de possession de smartphone à 10, 12 voire 15 ans quand le besoin n’est pas vraiment urgent ?

Pas d’écrans après 20h ou smartphone déposé sur la commode pendant les devoirs

Utiliser des assistants logiciels qui circonscrivent l’usage des ordinateurs

Cette puissance prescriptive du vide, la journaliste américaine Susan Maushart l’a observée de 1ère main, le jour où elle a décidé de déconnecter ses 3 zombies adolescents. Privés de leurs gadgets électroniques, nos heureux élus commencèrent par se cabrer avant, progressivement, de s’adapter et de se remettre à lire, à jouer du saxo, à sortir le chien sur la plage, à faire de la cuisine, à manger en famille, à dormir davantage, etc.. bref, avant de se remettre à vivre.

Cela ne veut pas dire que, comme l’affirme un best-seller américain: «tout se passe avant 6 ans», mais quand même que les acquis précoces sont de la plus grande nécessité. On appelle ce phénomène «l’effet Mathieu» en référence à une célèbre sentence biblique: «Car celui qui a, on lui donnera et il aura du surplus, mais celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui saura enlevé.»L’idée est simple : la nature cumulative du savoir conduit mécaniquement à un accroissement progressif des retards initiaux.

5 Réussite scolaire : attention danger !

Plus les enfants et ados passent de temps avec leurs doudous numériques, plus les notes chutent.

Par exemple, en Angleterre, pour des ados de 14 ans et demi qui passent un Certificat d’Études Scolaires (l’équivalent de notre Brevet), on a remarqué qu’une heure d’écrans faisait chuté d’un niveau de notation l’individu concerné. Pour 2 heures= 2 niveaux etc.. après prise en compte bien sûr des covariables d’usage: âge, sexe, état pondéral, dépression, type d’école, statut socio-économique… Des analyses sur 2 décennies sont encore plus probantes: alors que les participants avaient 26 ans, on a établi que chaque heure de télévision consommée quotidiennement entre 5 et 15 ans diminuait de 15% la probabilité de voir l’individu décrocher un diplôme universitaire et augmentait de plus d’un tiers de le voir sortir du système scolaire sans qualification. Une autre recherche a montré que la consommation quotidienne d’une heure de télé à 2 ans et demi entraînait une diminution de plus de 40% des performances en mathématique quelques années plus tard (à 10 ans) Une autre étude a montré que des enfants qui n’avaient pas de télé dans leurs chambres avaient 19% de meilleures notes en maths, 17% en expression écrite et 15% en compréhension écrite que leurs congénères. On peut ajouter pour cette étude que chaque heure quotidienne passée entre 5 et15 ans à regarder les écrans à multiplier par 2 les risques de connaître un chômage supérieure à 24 mois entre 18 et 32 ans . Chez les filles, les risques furent de 1,6 seulement.

Les consoles de jeux vidéos sont bien sûr également responsables de l’écroulement des notes scolaires vu le temps passé, mais le plus révélateur actuellement, ce sont les smartphones qui se substituent à notre réflexion. Ainsi, plus la conso augmente, plus les résultats chutent. Plus les applications deviennent «intelligentes», plus elles se substituent à notre réflexion et plus elles nous permettent de devenir idiots. Pour être clair, on peut avouer que plus nous abandonnons à la machine une part importante de nos activités cognitives et moins nos neurones trouvent matière à se structurer, s’organiser et se câbler. Par exemple, ce n’est pas parce qu’une machine à calculer fait gagner du temps à l’élève de terminale qui sait déjà compter qu’elle aide le gamin de cours préparatoire à maîtriser la numération et les autres calculs de base des 4 opérations. De même, ce n’est pas parce que Word simplifie grandement la vie des adultes dont le métier passe par l’écrit que l’utilisation d’un logiciel de traitement de texte favorise l’apprentissage de la lecture. Au contraire, les enfants qui apprennent à écrire sur ordinateur, avec un clavier, ont beaucoup plus de mal à retenir et reconnaître un texte que ceux qui apprennent avec un crayon et un papier. Ce qu’on peut donc dénoncer, c’est la «technofrénésie» ambiante avec la distribution obstinée de tablettes, ordinateurs, tableaux blancs interactifs et autres connexions internet sans oublier bien sûr la nuisance de la wifi dont on connaît par ailleurs les méfaits.

Ainsi, si vous mettez un gamin de niveau moyen devant un logiciel éducatif, au mieux il restera moyen, au pire il deviendra fragile. Si, par-contre, vous le mettez devant des enseignants formés et compétents, il progressera significativement et finira dans le premier tiers de la classe.

Faut-il rappeler aussi que l’introduction du numérique à l’école incline les élèves et étudiants à la distraction plus que de coutume? Des analyses ont montré que, sur une durée de cours d’une heure et demie, les activités distractives atteignaient 42% du temps par rapport à la prise de note, et sur un autre cours plus long de 2h45, les 2/3 du temps devenaient distractifs !

L’avenir, pourtant, laisse présager un développement encore plus accru du numérique à l’école. On voit, dès à présent, des élèves qui apprennent seuls devant des ordinateurs avec des «facilitateurs» dont le rôle se limite à régler les petits problèmes techniques et à s’assurer que les élèves travaillent effectivement. Cette numérisation des classes permet une double économie qualitative et quantitative.

En résumé, la littérature scientifique est claire, cohérente et indiscutable: plus les élèves pratiquent les écrans (télé, smartphone, jeux vidéos, tablettes, réseaux sociaux) et plus leurs notes s’effondrent.

6 Développement : l’intelligence, première victime

On peut dire que les écrans sapent 3 piliers essentiels du développement de l’enfant.

D’abord, les interactions humaines: le temps passé sur les écrans vient en dividende des échanges intrafamiliaux.

Le second affecte le langage. L’enfant a besoin qu’on lui parle, qu’on sollicite ses mots, qu’on l’encourage à nommer les objets, qu’on l’incite à organiser ses réponses , qu’on lui raconte des histoires et qu’on l’invite à lire

Enfin, le 3ème point porte sur la concentration. Sans elle, pas moyen de mobiliser l’attention sur un but. Or, les jeunes générations sont immergées dans un environnement numérique dangereusement distractif. Notre cerveau n’est pas conçu pour une telle densité de sollicitations exogènes, il souffre et se construit mal. Et c’est à un véritable saccage intellectuel que l’on assiste.

7 Santé : une agression silencieuse

Je ne vais pas revenir sur ce que Dominique Humbert a déjà décrit. Je vais juste ajouter quelques constats intéressants par rapport à des études récentes. Les auteurs ont suivi quelques 1200 enfants de maternelle jusqu’à la fin du primaire (entre 2 ans et demi et 10 ans). La durée de sommeil resta relativement stable. A l’âge de 10 ans, le petits dormeurs (8h30 à 9h de sommeil) par rapport au groupe de référence (11h) avait 2,7 fois plus de risques de présenter des retards de langage alors que les dormeurs moyens (10h) n’avaient «que» 1,7 fois de risques. On pourrait multiplier à l’infini des exemples de ce type qui, tous, montrent un sommeil troublé, fractionné, peu réparateur qui entraîne une vie diurne perturbée. Ainsi, 50% des jeunes adultes se déclarent réveillés au moins une fois par nuit par leur smartphone. N’oublions pas que, pour un souci d’impacts des ondes, celui-ci doit se trouver cantonner dans la pièce voisine ou, au moins, être mis en mode avion!

En second lieu, il faut rappeler les méfaits de la sédentarité. Chaque heure quotidienne passée devant le petit écran augmenterait le risque de décès (toutes causes confondues) de 10%. Un grand nombre d’études ont d’ailleurs montré la relation négative entre temps d’écran et activité physique. Un récent communiqué de la Fédération française de cardiologie résume bien le constat: «En 1971 (soit au début du processus d’universalisation de la télévision), un enfant courait le 800 mètres en 3 minutes et en 2013, pour cette même distance, il lui en faut 4»

Je ne reviendrai pas non plus sur le contenu des jeux vidéos, du déversement d’internet à diffuser des images de violence, de pornographie et d’autres incitations à des conduites à risque avec la banalisation de la tabagie et de certaines drogues. Ces effets délétères ont déjà été suffisamment commentées. On sait qu’il est trop tentant de franchir des limites et de se servir de ces accessoires (smartphones, tablettes, etc..) pour n’en faire qu’un usage modéré. Je prendrais juste une dernière étude, réalisée sur un suivi de 1000 enfants pendant 20 ans. Les résultats montrèrent que la conversion au tabac de 17% des fumeurs adultes (26 ans) pouvait être attribué à une consommation télévisuelle supérieure à 2 heures entre 5 et 15 ans.

En conclusion

Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais, sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à une aussi grande échelle.

Quatre conclusions s’imposent alors :

Premièrement, l’information offerte au grand public manque cruellement de rigueur et de fiabilité. Nombre de journalistes ne prennent pas le temps d’approfondir le sujet et s’entoure de pseudo-experts.

Deuxièmement, la consommation numérique des jeunes générations est extravagante et hors de contrôle. Parmi cette orgie temporelle, sommeil, lecture, échanges intrafamiliaux, devoirs, pratiques sportives ou artistiques sont impactés ou, tout au moins, fortement mis à mal.

Troisièmement, cette addiction nuit gravement à l’épanouissement intellectuel, émotionnel et sanitaire de nos enfants.

Quatrièmement, si ces écrans récréatifs ont un impact aussi délétère c’est en grande partie parce que notre cerveau n’est pas adapté à la furie numérique qui le frappe. Celui-ci n’a pas changé depuis des siècles et malmener la plasticité cérébrale dès le plus jeune âge crée des dommages irréversibles. Ce qui a été gâché est à jamais perdu.

Espérons qu’enfin, dans notre société si malmené par les CEM (Champs Électro Magnétiques) et dans cette fuite en avant tous azimut vers une société numérique, un sursaut de réflexion et d’intelligence jaillisse du plus grand nombre d’individus pour endiguer ce processus profondément destructeur d’une grande partie de la population mondiale.

Dominique Planterose –9 septembre 2022