5G mon amour

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Après Sexy, Linky ?, le journal L’âge de faire co-édite un nouvel ouvrage avec Le Passager clandestin : 5G mon amour, enquête sur la face cachée des réseaux mobiles.

Alors que le gouvernement promet de développer la 5G dans les prochains mois, il est urgent de se renseigner sur les dangers de cette nouvelle technologie et les motivations réelles de ce gigantesque projet industriel.

La France compte plus de cartes SIM en fonctionnement que d’habitant.es, et demain, avec l’arrivée de la 5G, ce seront tous les objets du quotidien qui seront connectés. Les voitures seront autonomes. Les foyers communicants. Les villes « intelligentes ». Mais est-on vraiment sûrs que l’utilisation tous azimuts d’ondes électromagnétiques ne présente aucun risque ? Absolument pas, répond Nicolas Bérard au terme d’une enquête sur l’envers de ce « miracle technologique ». Comment et par qui les normes, censées nous protéger, ont-elles été mises en place ? Quels liens entre opérateurs téléphoniques, médias et gouvernements ? Quels sont les effets de cette technologie sur la santé humaine et le vivant ? À l’aube du développement d’une nouvelle pollution de masse, ces questions ne sont jamais posées dans le débat public. Le lobby de la téléphonie est désormais au cœur du pouvoir.

Nicolas Bérard est journaliste et enquête depuis plusieurs années sur la question des ondes. En 2017, il a publié Sexy Linky ? qui dénonce les effets néfastes du compteur Linky.

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5G, DES ANTENNES PAR MILLIONS

L’arrivée d’un réseau sans-fil de 5e génération est imminente, promet le gouvernement français. Mais comment fonctionnera ce nouvel équipement, censé marquer une «révolution» dans le domaine des communications mobiles ? Extrait de l’ouvrage à paraître 5G Mon Amour, enquête sur la face cachée des réseaux mobiles, co-édité par Le Passager clandestin et L’âge de faire.

Après le tout premier réseau sans-fil mis en place en 1981, puis celui de deuxième génération (2G) en 1992, la 3G en 2001 et la 4G en 2012, l’heure de la 5G a sonné. Il s’agit, jurent ses promoteurs, d’une «innovation de rupture», qui va permettre de multiplier les débits par dix, de diviser le temps de latence (durée entre le moment où tu cliques sur un bouton et où ton appareil reçoit l’information demandée) par autant et d’assurer les conversations des milliards d’objets connectés dont nous sommes censés nous équiper dans les années à venir.

En outre, cette nouvelle technologie va permettre de désengorger le réseau 4G, qui a parfois du mal à supporter tout le trafic actuel : dans un stade de football, au moment où ton équipe préférée marque un but et que tous les spectateurs veulent appeler leurs copains pour les prévenir de la bonne nouvelle, il arrive qu’ils n’aient pas accès au réseau. Un désagrément insupportable, assurément. Il était donc urgent de mettre en place un réseau supplémentaire. Car il faut préciser que la 5G ne va pas remplacer ses aînées, mais s’y ajouter. En termes d’ondes, cela se traduira donc par une couche supplémentaire de champs électromagnétiques dans l’environnement.

Techniquement, de quelle manière les opérateurs comptent-ils réaliser cette «prouesse»? Eux-mêmes ne sont pas totalement au point. Ils vont le faire, ils en sont certains, mais ne savent pas encore exactement comment. Nous connaissons tout de même les grandes lignes de ce qui devrait constituer ce réseau de nouvelle génération.

Une révolution en plusieurs étapes

Dans un premier temps, la «révolution» portera assez mal son nom. Il s’agira plutôt d’une évolution, du même type que celles qui nous ont fait passer de la 2G à la 3G puis à la 4G. Pour mailler le territoire, les opérateurs ont virtuellement découpé le pays en milliers de petites «cellules» – d’où le nom de réseau «cellulaire» –, à l’image des alvéoles d’une ruche. À chaque cellule, ses antennes. Le débit offert dépend ensuite du nombre d’utilisateurs présents dans une même cellule. Ce qui explique qu’il y ait beaucoup plus d’antennes dans les zones très peuplées – typiquement, les zones urbaines – que dans les régions à faible densité de population.

La technique de base pour augmenter les débits proposés est donc assez simple: multiplier le nombre d’antennes-relais, du même type que celles qui existent aujourd’hui, c’est-à-dire accrochées à des pylônes, installées sur des toits d’immeubles, camouflées dans de fausses cheminées, grossièrement déguisées en arbres, postées dans des clochers d ’églises, etc. C’est, dans un premier temps, ce à quoi vont s’atteler les opérateurs. De 200.000 «antennes hauteur» implantées en France pour faire fonctionner les trois réseaux existants (2G, 3G et 4G), on devrait passer à plus du double, ainsi augmenter les débits disponibles… et par la même occasion l’exposition du public aux champs électromagnétiques. Ces antennes 5G utiliseront des fréquences de 700 MHz à 6 GHz, sans toutefois dépasser cette limite.

La fameuse «rupture technologique» se situe dans un second temps, avec l’utilisation parallèle d’ondes millimétriques, autrement dit de micro-ondes, via des fréquences beaucoup plus élevées, comprises entre 26 et 35 GHz. Le réseau 5G est prévu pour être hiérarchique : les antennes en hauteur dont nous venons de parler arroseront les zones alentour pour assurer une couverture globale, mais communiqueront aussi avec de plus petites antennes, qui propageront pour leur part des ondes de très hautes fréquences. Pourquoi utiliser des fréquences si élevées?

Notamment parce que le spectre est déjà quasiment saturé dans la gamme de fréquences inférieures à 6 GHz, alors que la 5G a besoin d’une large bande passante – un «tuyau» d’un diamètre important – pour tenir toutes ses promesses : au minimum 400 MHz, et plutôt 1 GHz si possible. Pour trouver autant d’espace disponible ou pouvant être libéré par ses utilisateurs actuels, les autorités compétentes se sont donc orientées vers les ondes à très hautes fréquences.

Le problème, c’est que plus on monte en fréquence, plus la capacité de propagation d’une onde est faible. Au fond d’une grotte, tu captes plus facilement la radio FM que le réseau mobile, la première utilisant des ondes plus longues que le second. Pourtant, les portables actuels utilisent encore des fréquences beaucoup plus basses que celles de ces petites antennes, également appelées «petites cellules» 5G – ou encore «small cells» dans le jargon technique toujours friand d’anglicismes. Les champs électromagnétiques émis pour la 5G passeront donc difficilement à travers les murs. Ils ne traverseront pas les êtres humains (ce qui ne signifie pas que ce soit mieux pour leur santé, nous y viendrons). Pour les plus courtes, une simple feuille traversant le faisceau en tombant d’un arbre pourrait suffire à interrompre la connexion.

Le casse-tête des ondes courtes

Cela pose une évidente difficulté, puisque le réseau est notamment pensé pour faire rouler les voitures autonomes, qui ne doivent jamais perdre leur connexion, sous peine d’inévitables accidents. Alors, comment faire pour que l’automne – période à laquelle les arbres s’entêtent à se débarrasser de leurs feuilles – ne devienne pas la saison des collisions? Plus globalement, comment assurer la continuité des connexions avec des ondes stoppées par le moindre obstacle?

L’idée est de démultiplier le nombre d’antennes, et donc les possibilités de se relier au réseau. Si une voiture autonome est reliée simultanément à dix antennes, elle peut se permettre de perdre l’un des signaux. Lorsqu’il y avait 8 antennes pour la 2G, la 3G et la 4G réunies (le système de première génération n’existe plus), on en promet 64 pour la seule 5G. Et cela dans un premier temps, car les opérateurs prévoient ensuite, du moins en milieu urbain, d’en installer 256 !

Ces « small cells » doivent donc fleurir à tous les coins de rue. Les promoteurs parlent d ’une antenne tous les 100 mètres. Dans cette optique, l’État a déjà prévu de faciliter l’accès des opérateurs au mobilier urbain. Demain, lampadaires et panneaux de signalisation pourraient devenir autant de petites antennes. À Annecy , Montreuil, et au Kremlin-Bicêtre, où ont eu lieu des expérimentations en 2018, un accord avait ainsi été passé avec l’entreprise JCDecaux pour utiliser son mobilier : des antennes ont été installées dans ses panneaux publicitaires (petits et grands), ses abribus, ses colonnes Morris (1).

En outre, toute sorte d’objets connectés pourraient également servir d’antennes. C’est ce qui est notamment prévu pour les voitures autonomes. En roulant, un véhicule de ce type communiquera directement avec ceux qui l’entoureront afin d’éviter les carambolages: la voiture de devant freine, elle prévient celle du milieu, qui ralentit aussi, et envoie le signal à la bagnole de derrière pour qu’elle fasse de même. Quels seront les effets de ces milliers d’antennes sur l’exposition du public aux champs électromagnétiques ? C’est toute la question.

Nicolas Bérard

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Interview

Nicolas Bérard, auteur de 5G mon amour : « les ondes sont un danger très facile à oublier : elles ne se voient pas, elles ne s’entendent pas, elles ne se sentent pas et elles ne se touchent pas »

Électrosensibilité, effets sur la santé à long terme des ondes, prolifération des objets connectés, impact sur la consommation d’électricité et même utilité réelle, la 5G questionne, mais ne semble pas vraiment faire l’objet de débats. Avec 5G mon amour, Enquête sur la face cachée des réseaux mobiles (éditions Le passager clandestin), le journaliste Nicolas Bérard interroge la pertinence sanitaire, écologique, sociale, économique et politique du développement tout azimut des réseaux mobiles. Résultat de 3 années de travail, son enquête montre le pouvoir des géants des communications, notamment en ce qui concerne les normes et les projets de société qui se cachent derrière le tout-technologique. Au-delà des enjeux de santé publique posée par l’exposition aux ondes électromagnétiques, les technologies 5G d’Internet mobile à haut-débit soulèvent d’autres questions de société que nous abordons avec Nicolas Bérard dans cet entretien.

Au début de votre livre, vous écrivez que vous étiez sceptique sur l’électro-sensibilité et les risques sanitaires des ondes électromagnétiques, qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

En travaillant d’abord sur le compteur Linky, j’ai rencontré des lanceurs d’alerte et des associations qui dénonçaient les mensonges de l’industrie sur les normes censées nous protéger. Il existe un certain nombre d’études qui montrent très clairement un effet des ondes électromagnétiques sur la santé. Les ondes sont un danger très facile à oublier : elles ne se voient pas, elles ne s’entendent pas, elles ne se sentent pas et elles ne se touchent pas. Du coup, comme beaucoup de monde, j’ignorais les risques.

En quoi la généralisation de la 5G présente-t-elle des risques sanitaires et environnementaux nouveaux ?

Le déploiement de la 5G est prévu sur le moindre centimètre carré de notre planète, ce qui expose les êtres humains mais aussi tous les êtres vivants aux ondes électromagnétiques. Or, cette exposition affecte la santé. De plus en plus de personnes déclarent en souffrir et se disent malades des ondes alors que les installations émettrices se multiplient. L’utilité de la 5G n’apparait pourtant pas forcément nécessaire sachant qu’elle rajoute un nouveau réseau aux 3 qui existent déjà et, qu’en l’état actuel, nous n’avons aucune connaissance sur ses effets sanitaires.

Avez-vous un exemple des effets possibles des ondes électromagnétiques sur la santé ?

En France, une ligne à haute-tension a été installée près de l’exploitation d’un couple d’éleveurs. Le lait des vaches de leur troupeau n’était plus vendable parce que ces dernières développaient énormément de globules blancs. Le lait se montrait alors impropre à la consommation. Lorsque cette ligne a cessé de fonctionner, le lait est redevenu comestible. Les éleveurs ont attaqué RTE (Réseau de transport d’électricité) et gagné car le lien entre l’exposition aux ondes et la santé des vaches était indéniable. Il faut savoir que les lignes haute-tension émettent le même type d’ondes que celles employées dans la téléphonie mobile.

Qu’est-ce que qui vous a le plus surpris, voire choqué, en réalisant cette enquête ?

La complicité très forte entre le pouvoir politique et le pouvoir industriel m’a frappé. Les liens sont étroits entre Emmanuel Macron, la « start-up nation » et les géants de la téléphonie mobile. Il en découle que, certainement, on a un rapport de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui dit qu’elle n’a aucun élément pour juger de la dangerosité de ce nouveau réseau et de ses ondes sur le vivant. Malgré ça, comme si la 5G était indispensable, on s’apprête à lancer ce réseau en France, en Europe et dans le monde.

Alors que la pandémie de Covid-19 oblige à prendre des mesures drastiques face à un virus invisible et omniprésent, pourquoi le principe de précaution ne s’applique-t-il pas aux ondes ou à d’autres menaces connues comme les produits phytosanitaires ?

Il s’agit toujours d’une question de lobbying. Quand Nicolas Hulot a démissionné de son poste de ministre, il se demandait qui avait le pouvoir entre les politiques et les lobbys. Dans le livre, je m’attache à montrer la consanguinité entre le pouvoir actuel et les géants de la téléphonie. L’information est passée inaperçue, mais ils ont profité de l’état d’urgence sanitaire pour enlever les dernières règlementations concernant l’installation des antennes.

À la lecture de votre ouvrage, on a une impression de déjà-vu sur le poids des lobbys. Par soucis d’économies tant budgétaires qu’intellectuelles, l’État ne se repose-t-il pas trop sur une expertise privée au détriment d’une recherche publique guidée par l’intérêt général ?

Je vois l’État plus machiavélique car je pense qu’il le fait sciemment. Les enjeux économiques autour de la 5G, de la téléphonie et des objets connectés sont tels que je crois que l’État préfère ne pas savoir. Emmanuel Macron a fait passer une loi qui fait disparaitre la seule taxe destinée à financer la recherche scientifique publique sur les ondes. Désormais tout est confié aux opérateurs téléphoniques.

Quel regard portez-vous sur le recours massif aux télécommunications afin de faire face à la pandémie de Covid-19 et leur place dans le monde d’après ?

Il y avait une certaine nécessité de recourir à ces technologies. Je n’y suis pas opposé, je me demande juste pourquoi nous ne développons pas la fibre partout au lieu de la 5G.

J’ai l’impression que cette crise a servi de prétexte à la numérisation du monde dans l’éducation ou dans la surveillance. Il faudra voir comment cela se passera une fois la crise derrière nous. Par exemple, le maire de Nice Christian Estrosi a réclamé un accès aux données des compteurs Linky pour savoir si les gens respectaient le confinement et étaient bien chez eux, à combien etc… Tout est déjà dans les cartons, cette crise du Covid-19 a permis d’accélérer le mouvement, et on verra jusqu’où. On a vu des drones voler pour surveiller la population. En tout cas, la crise actuelle est révélatrice du monde qui se prépare.

Enfin, à l’heure où la question du travail prend un sens nouveau, vous mettez en garde contre la prolifération des objets connectés et des smart techs. En quoi ces derniers présentent-ils des risques pour le travail ?

De manière globale, plus de numérique signifie moins de postes dans l’éducation et dans la santé. Par exemple, la 5G s’est vantée sur le fait qu’un chirurgien puisse opérer un patient à plusieurs milliers de kilomètres de distance. C’est une façon de détruire de l’emploi et la proximité des services publics dont le système de santé. La question ne devrait pas être de pouvoir ou non opérer à une telle distance, il faudrait plutôt se demander pourquoi n’y a-t-il pas un hôpital à proximité du patient ? Un chirurgien et des moyens proches de chez lui ?

À chaque fois, le numérique sert de prétexte pour faire disparaitre des moyens au nom de plus de souplesse ou de la rationalisation. En France, certains élus disent que le portable est un outil important de santé pour prévenir les secours en cas d’accident. Or, dans le même temps, ce sont eux qui votent la suppression de lits et de postes dans les hôpitaux.  Le numérique sert à masquer des économies budgétaires sur les biens communs et les services publics.

Propos recueillis par Julien Leprovost

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