Un article significatif dans Fakir
Un gars était venu nous prévenir, sur le stand Fakir, en pleine manif :
« Attention, les compteurs espions qui prennent feu arrivent ! »
Et justement, on vient m’en proposer un…
« Bonjour, c’est EDF, c’est pour le compteur ! »
Dans l’interphone, le gars est tout avenant, mais je sais déjà qu’il y a un truc qui cloche, mais lui ne sait pas que je sais. Je m’y suis préparé. Deux semaines plus tôt, ils avaient appelé, déjà : ils allaient passer nous changer le compteur, et c’était obligatoire, pas le choix, et tout et tout. Ma femme, un peu pressée, avait accepté, vu que c’était obligatoire, et EDF, en plus, pas de raison de remettre leur parole en cause.
« Voilà, donc, c’est pour le compteur, je suis venu vous le changer, on avait rendez‑vous, il me répète au portail.
— C’est EDF, c’est bien ça ? C’est pas des Linky, vos compteurs ? Parce que Linky, c’est pas EDF…
— Euh… Oui, enfin non, c’est pas EDF. C’est Linky, c’est vrai, d’accord c’est une société privée, mais on travaille avec EDF. »
Avant la visite, je m’étais farci quelques vidéos et articles, par curiosité. Principaux griefs des opposants à ces compteurs « intelligents » : une surdose d’ondes, un fonctionnement défaillant, des données sur votre mode de vie recueillies par l’entreprise (quels appareils électriques vous utilisez ? quand ? comment ?). Une durée de vie limitée, aussi : cinq ans, pas plus (dix fois moins que les compteurs classiques), le temps de couvrir tout le territoire avec ces nouvelles machines… avant de tout recommencer ! En France, la fronde s’organisait, des centaines de collectivités s’étaient déjà déclarées « Hors Linky ».
Bon.
C’était pas franchement ma croisade, mais puisqu’on venait jusque chez moi pour en discuter, autant saisir l’occasion. Sauf que notre ami technicien, j’arrivais pas à le voir comme un suppôt de multinationale. Il était tout gentil, Samir, 25 ans au plus, presque timide, et comme un esquimau dans sa combinaison de service alors qu’il faisait plus de 30°C. J’avais chaud pour lui.
« Bon ben, c’est obligatoire, de toute façon, alors je suis obligé de vous le changer, le compteur, il tente.
— Euh, non, c’est pas obligatoire, regardez, toutes les communes qui ne veulent pas du Linky… Comment vous faites, avec elles ?
— Oui, bon, elles, on a ordre de ne pas y aller. On n’en fait aucune.
Ah, vous voyez.
— En revanche, chez les particuliers, on y va. Et on revient, on revient, jusqu’à ce qu’ils disent oui, parce que c’est vrai, beaucoup disent non.
Y a un jour, de toute façon, ce sera vraiment obligé. Ça ne fait que repousser l’échéance.
— Si on arrive à faire changer les choses, que Linky n’ait plus le droit de venir chez les gens comme ça, en leur faisant croire des trucs, ce ne sera plus obligatoire.
— Oui, c’est possible… Mais ce sera dur à obtenir, quand même.
— Parce que bon, il paraît qu’ils tombent tout le temps en panne, vos compteurs. Qu’ils prennent feu, même.
— Oui, ça arrive, mais c’est les premiers… Ceux qui ne marchent pas, c’est parce qu’ils ont été mal posés : les techniciens ont mal été formés. Et ceux qui ont pris feu, c’est parce qu’on ne les contrôlait pas en amont. Maintenant, c’est bon : on contrôle tout à distance, on voit tout ce qui se passe.
— Mais c’est quand même embêtant, non ? Les compteurs actuels, les anciens, je veux dire, ils ont une durée de vie de 20, 30, 50 ans, c’est quand même mieux, moins cher, moins polluant. »
Soudainement, il baisse les bras, Samir.
Pas face à ma force de persuasion, plutôt parce que ce truc qu’il vend, lui‑même n’y croit pas.
« Je sais, je sais… Y a plein de gens dans ma famille qui n’en veulent pas, de ces compteurs, j’essaie de discuter avec eux, et puis bon… En plus, les gens qui viennent relever les compteurs EDF sont pas contents.
Tu penses : ils perdent leur métier avec les Linky. »
Il repart vers sa camionnette, fait demi‑tour, revient vers moi.
« Dites, si la boîte vous appelle, vous leur dites bien que je suis passé, hein, même si je n’ai pas installé le compteur ? Sinon, je peux avoir de gros problèmes. »
Fakirpresse.info