Ondes électromagnétiques dans la Sarthe

Patrick Pilon veut faire éclater un « scandale sanitaire »

S’estimant victime d’une antenne relais à Saint-Longis (Sarthe), Patrick Pilon veut dénoncer un système et la souffrance des éleveurs.

Le 26 avril 2021, des pelleteuses entraient sur l’ancienne exploitation de Patrick Pilon pour détruire des silos et des bâtiments pour lapins. La fin brutale de près de 30 ans de travail.

Des lapins, il en possédait des milliers à Saint-Longis, à quelques hectomètres de Mamers, dans la Sarthe. Il était même devenu l’un des principaux éleveurs de France. Mais le vent a tourné.

200 000 lapins morts

Petit à petit, ses lapins sont devenus malades et ont fini par mourir dans des circonstances inexpliquées. En quelques années,  Patrick Pilon estime les pertes à 200 000 lapins. Assez pour se retrouver dans une situation financière intenable avant d’être placé en liquidation judiciaire en 2019.

Selon lui, c’est l‘antenne relais, installée à quelques mètres de son terrain en 2004, qui est tout simplement l’origine du mal.

L’installation progressive de multiples opérateurs aurait suffi à multiplier l’exposition aux ondes électromagnétiques sur son terrain.

Un an après la coupure de l’électricité dans son exploitation, il dit avoir mesuré du courant continu dans les cages à lapin, les jours de pluie. « Les spécialistes m’ont dit que c’était impossible. C’était pourtant vrai. Mais les machines sont venues détruire tout alors qu’une expertise devait avoir lieu. On ne saura jamais », déplore-t-il. 

« La Préfecture m’a laissé crever »

Moins de deux ans après, nous avons retrouvé Patrick Pilon, qui continue de se battre pour faire avancer son dossier, mais pas seulement.

Il travaille aujourd’hui pour le Groupement de Défense sanitaire, où il s’occupe notamment des nuisibles. En parallèle, il est devenu malgré lui un des principaux lanceurs d’alerte sur la question des ondes électromagnétiques en France.

Il écume les radios et les sujets à la télévision pour faire entendre la voix de très nombreux agriculteurs qui se disent victimes des ondes et qui sont aujourd’hui sans ressources.

« Mon dossier continue d’être suivi, mais il ne se débloque pas. Chaque mois, je dois payer 2 700 euros à la banque, pendant encore 5 ans. »

Il ne reçoit en échange aucune aide et l’affirme sans détour : « La Préfecture m’a laissé crever. » La Chambre d’Agriculture de la Sarthe, qui a refusé de répondre à nos questions, lui explique depuis des années ne pas être en mesure de prouver le lien de cause à effet entre l’antenne relais et son exploitation.

Patrick Pillon a toutefois payé à ses frais, et à la demande de la Préfecture, une étude de perte menée par la Chambre d’agriculture elle-même.

Au total, l’organisme estime ces pertes à 5 795 000 €, en prenant en compte la valeur du site et la rentabilité de l’exploitation sur la période 2011-2019. Cette étude ne lui aura finalement été d’aucune utilité.

Un combat perdu d’avance ?

Mais depuis des années de bagarre avec des organismes comme le GPSE (Groupe permanent pour la sécurité électrique), les sollicitations de tous les ministres, sénateurs et députés, il n’obtient rien. Le combat est-il perdu d’avance ?

La Préfecture de la Sarthe nous le confirme en tout cas : « Tant que l’on ne pourra pas démontrer un lien de causalité dans ce dossier, on ne pourra rien faire d’autre. Tout repose sur la capacité à prouver qu’un facteur X tend à modifier le processus Y. À l’heure actuelle, le nombre de cas problématique n’est pas du tout significatif. Dans le dossier de Mr Pilon, on est arrivé au bout de la procédure. »

Pourtant, de multiples cas ont bien été remontés aux autorités. Dans un courrier de 2019 que Le Perche a pu consulter, la députée socialiste Marietta Karamanli écrivait déjà à la Préfecture pour alerter sur le phénomène : « Plusieurs agriculteurs sarthois subissent de grandes pertes de rendement au sein de leurs élevages », prévenait la Parlementaire.

Le jeu de la patate chaude

Depuis des années, le GPSE et le ministère de l’Agriculture se renvoient la balle sur la question des ondes électromagnétiques. Le premier a conscience du problème, mais ne sait pas forcément le gérer, et demande des moyens au second, qui, en retour, réclame toujours plus de données scientifiques. La légitimité du GPSE est aussi questionnée. L’organisme indépendant est une association sous le statut de la loi 1901, mis en place en partenariat avec le ministère de l’Agriculture, les chambres d’agriculture, RTE, ENEDIS, Consuel, France Énergie éolienne, le Syndicat des Énergies renouvelables et la Confédération générale de l’Élevage. « Tous les professionnels connaissent le problème, mais je ne vois pas comment on va pouvoir le résoudre. Car si l’État rembourse, il se tire une balle dans le pied. En attendant, les hécatombes continuent. »

Une histoire de sols

Sur le fond du dossier de ces ondes invisibles, mais potentiellement nuisibles, c’est bien le manque d’études en géobiologie qui porte préjudice aux éleveurs.

La profession n’est en effet toujours pas reconnue officiellement. « Depuis 4 ans, personne ne m’a encore dit que je racontais n’importe quoi. Selon moi, c’est le sol qui est la base de tout. À chaque problème, c’est sous nos pieds qu’il se passe des choses. Ça explique pourquoi certains ont des problèmes et d’autres non, car les sols sont différents. Tout le monde le pense, mais personne ne veut le reconnaitre. Pourquoi ni le GPSE ni le ministère de l’Agriculture n’ont le courage de dire clairement qu’ils n’arrivent pas à gérer cet énorme scandale sanitaire ? »

À 57 ans, l’agriculteur sait que ce combat est celui de sa vie et de dizaines d’autres éleveurs. Un combat pour sa survie financière et pour la reconnaissance de tous ceux qui se disent victimes des ondes.

« Beaucoup d’autres éleveurs sont impactés, mais ils ne le disent pas forcément. Car il faut du courage pour se battre. On bouffe, on dort, on vit chaque jour avec ça. Et un beau jour, soit on se retire du combat, soit on se fout en l’air. »

Reçu par le ministre

Récemment, avec plusieurs agriculteurs victimes présumées des ondes, Patrick Pilon a rencontré, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau. Attentif à son cas, il lui a toutefois répondu dans un courrier en date du 28 octobre : « L’impact de l’antenne relai sur les performances de votre exploitation n’a pas été démontré. Néanmoins, conscient du désarroi des exploitants de la délégation, j’ai informé le président du Groupement permanent de sécurité électrique (GPSE) de votre démarche afin qu’un accompagnement complémentaire puisse, le cas échéant, être proposé. »Notons toutefois que le GPSE connait le cas depuis des années, mais n’a jamais mis les pieds à Saint-Longis. Patrick Pilon est formel : « Le GPSE est financé par RTE et ENEDIS notamment, ils n’interviennent pas sur les antennes. Ils ne seraient jamais venus chez moi de toute façon. Cette réponse du ministre est donc tout à fait méprisante. »

Malheureusement, l’actualité donne rarement le sourire à Patrick Pilon sur la question des ondes.

Le Conseil d’État a par exemple annulé le 17 août 2022, l’ordonnance du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui avait ordonné le 23 mai dernier, la désactivation pour deux mois d’une antenne 4G, alors qu’un éleveur disait en être victime. « D’un côté on nous dit qu’on veut nous aider. De l’autre, avec des actions comme ça, on nous met directement une balle dans la tête. » Sans croire réellement au changement, il continuera d’alerter sur cette problématique. Une cause qui le dépasse largement.

https://actu.fr/pays-de-la-loire/saint-longis_72295/o

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