Madame le Maire, Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs les Conseillers Municipaux,
Nous tenons à porter à votre connaissance les faits relatifs au problème de remplacement de compteur électromagnétiques ou électroniques par des compteurs-capteurs « intelligents » Linky.
Nous avons bien conscience que l’équipe municipale va se trouver dans une situation inconfortable de porte à faux, entre les personnes qui contestent ce remplacement d’une part, et d’autre part le « camp opposé », qui regroupe le gestionnaire du réseau Enedis, les autorités préfectorales, qui souvent invalident les arrêtés des maires contre le Linky, et les personnes qui ne contestent pas le remplacement des compteurs.
Dans cette situation qui peut devenir délicate, nous n’avons aucun doute sur le fait que l’équipe municipale va s’efforcer de maintenir le calme et la paix civile dans la commune, en se référant à la Loi.
Or, de la part d’Enedis, on peut constater que le remplacement des compteurs met en évidence des manquements, dans plusieurs domaines majeurs, dont, entre autres, le respect du droit individuel de refuser le compteur Linky, ou la procédure de déploiement qui n’est pas réglementaire, quand ce ne sont pas carrément des infractions.
De nombreuses municipalités (plus de 800 à notre connaissance) ont pris des délibérations ou arrêtés, se prononçant de diverses façons contre le déploiement imposé du Linky, et ces décisions des communes ont souvent été portées au tribunal administratif. Les délibérations des communes sont maintenant de plus en plus solides, parce qu’établies sur le conseil d’avocats et sur des motifs difficilement contestables, tels que des infractions aux normes en vigueur.
Concernant les infractions, nous nous limiterons simplement à celle du respect du Règlement Sanitaire Départemental signé par M. Le Préfet, parce qu’il y va de la sécurité physique des personnes.
Respect du Règlement Sanitaire Départemental (RSD)
Par arrêté préfectoral, chaque préfet a obligation de promulguer un RSD dans son département selon un Règlement Sanitaire Départemental Type institué par le Code de la Santé Publique. Le maire a compétence et obligation de respecter et faire respecter le Règlement Sanitaire Départemental sur le territoire de sa commune.
Le RSD constitue alors le texte de référence pour imposer des prescriptions, en matière d’hygiène et de salubrité, dans les domaines non couverts par un décret spécifique.
Le Règlement Sanitaire Départemental a force contraignante et sa violation peut entraîner des peines d’amende : selon le décret 2003-462 du 21 mai 2003 et selon l’article 131-13 du code pénal, les infractions au RSD sont désormais passibles d’une amende de 3ème classe – 450 € au maximum.
De par la loi, un maire a compétence et obligation de faire dresser procès-verbal pour chaque infraction, de faire cesser ces désordres et de faire procéder aux travaux de remise en ordre et en conformité. Ces infractions sont unitaires et les peines-amendes peuvent se cumuler.
À sa section V, Installations électriques, l’article 51 notifie :
« LES MODIFICATIONS CONDUISANT AU REMPLACEMENT OU AU RENFORCEMENT DES CIRCUITS D’ALIMENTATION ÉLECTRIQUE DOIVENT ÊTRE CONFORMES AUX NORMES NF C 14-100 ET C 15-100. »
L’article 51 impose une mise en conformité à la norme NF C 14-100 des éléments de raccordement au réseau lors d’un remplacement ou d’un renforcement.
On trouve l’explication de la terminologie de l’article 51 sur la fiche SéQuélec (publications officielles EDF/Énedis) référence GP 09.
Le renouvellement de branchement consiste à remplacer une installation vétuste d’un ouvrage électrique en service pour continuer à assurer les mêmes fonctions que l’installation initiale en utilisant les technologies et les normes en vigueur lors du renouvellement.
Le renforcement de branchement consiste à réaliser les travaux afin de pouvoir fournir une puissance supérieure à celle de l’installation initiale au moins sur un point de livraison.
- Le changement d’un compteur actuel par un compteur Linky constitue une modification importante, telle que définie par l’arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d’énergie électrique :
Art. 100 : Application aux installations existantes
- 1er. Les installations existantes devront être rendues conformes aux dispositions du présent arrêté au fur et à mesure des travaux de renouvellement ou des modifications importantes ainsi qu’en cas de nécessité de caractère urgent ou de modifications intervenues dans le voisinage des ouvrages ou installations et qui aggravent significativement les risques pour la sécurité des services publics et des personnes.
- L’article 51 est également confirmé par le Documentation Technique de Référence – Comptage, Identification : Enedis-NOI-CPT_01 au paragraphe
- Objet du document et définitions
Les prescriptions fournies dans ce document sont applicables par Enedis :
- Aux Dispositifs de Comptage existants faisant l’objet d’une « modification majeure ».
- On désigne par « modification majeure » du Dispositif de Comptage toute modification comprenant la « mise à niveau » d’au moins un des « matériels majeurs » participant à la mesure ou à la protection de l’installation.
- Sont considérés comme « matériels majeurs » participant à la mesure ou à la protection de l’installation les matériels suivants : un transformateur de mesure, un compteur, un appareil général de commande et de protection (AGCP) et un tableau de comptage principal.
- On désigne par « mise à niveau » d’un matériel le remplacement de celui-ci par un matériel nouveau comportant des différences fonctionnelles. A titre d’exemple :
Le changement d’un compteur peut nécessiter l’adaptation de son tableau de comptage afin de garantir sa conformité en termes de sécurité électrique (obturation des accès aux pièces sous tension),
Concernant les installations de raccordement électriques, en aval du disjoncteur général d’abonné elles sont encadrées par la NF C 15-100. Ce disjoncteur et tout l’équipement de raccordement est encadré par la norme NF C 14-100. Ces normes évoluent au fil du temps.
Le déploiement des compteurs Linky ne respecte pas les points suivants de la norme NF C 14-100 actuellement en vigueur, DONT LE NON-RESPECT AUGMENTE LES RISQUES D’INCENDIE :
- Pose d’un panneau de contrôle pour compteur et disjoncteur de branchement, il est constitué d’un fond de panneau et d’une platine-support en matériau synthétique auto-extingible. Conforme à la norme NF C 62-411 et conforme à la spécification ERDF CPT-M&S-Spe-10015A tel que décrit sur la fiche n°15 SéQuélec et tel que stipulé et facturé à l’usager sur le catalogue de prestations quand un remplacement est à son initiative. Cette platine doit être posée sur une paroi classée M0, sans vibrations et dont l’épaisseur minimale est spécifique aux matériaux qui la composent.
Paragraphes 3.4.10 / 9 et 9.3 de la NF C 14-100
La norme interdit l’installation de compteurs Linky sur des anciens panneaux en bois, ce que les installateurs font pourtant.
- Les conducteurs électriques reliant les appareils de raccordement seront de sections calculées pour éviter tous risques de surchauffe de chute de tension hors tolérance et en corrélation avec la surface habitable alimentée par son point de livraison ou avec la surface de la parcelle de terrain en attente de construction.
- Les CCPI (coupe circuit principal individuel) seront installés sans qu’il y ait franchissement d’accès contrôlé.
- La même norme interdit de façon absolue, pour des questions de sécurité, d’installer un ré-enclenchement automatique, ce que fait Linky sur un AGCP (nom technique du disjoncteur).
- Le compteur connecté Linky possède un disjoncteur interne unipolaire au lieu d’omnipolaire, qui est susceptible de créer un arc électrique favorisant le démarrage d’un incendie. L’un des arguments de la communication d’Enedis pour justifier le déploiement de son système de comptage connecté, c’est la possibilité de réglage à distance pour répondre à une éventuelle augmentation de puissance, sans déplacement de technicien.
Pour ce faire les poseurs de Linky règlent au maximum la puissance de l’AGCP (le disjoncteur de l’abonné).
Or, dans la propre fiche « SéQuelec » d’ENEDIS du compteur Linky, cette augmentation est interdite car elle doit tenir compte de la puissance technique de l’installation telle qu’elle a été contrôlée à l’origine par le CONSUEL (Comité national pour la sécurité des usagers de l’électricité).
Le conseil municipal, sous l’autorité du maire, ne pourrait-il pas délibérer ou prendre arrêté pour interdire toute infraction à la législation ou aux normes sans que le préfet puisse le déférer devant le tribunal administratif, l’arrêté municipal n’étant que la mise en application de l’arrêté préfectoral ?
Cette mesure serait d’ailleurs protectrice des intérêts de l’équipe municipale, qui risquerait, en cas de refus d’intervention et sur plainte de ses administrés auprès du tribunal administratif, de voir sa responsabilité engagée en cas de sinistre.
Le Respect du Droit Individuel au Refus du Compteur Linky
En outre, le déroulement des opérations d’installation des compteurs, peut générer de fortes réticences parmi les habitants de la commune. Ceci peut occasionner l’entrée sans autorisation dans le domicile de personnes, voire l’utilisation par les installateurs de la force ou la ruse.
Dans ce contexte, ne serait-il pas particulièrement opportun qu’un règlement fixant la procédure à suivre par les entreprises en charge des installations soit élaboré par arrêté du Maire, lequel agirait alors au titre de ses pouvoirs d’exécution de la loi ?
Ne pourriez-vous pas également informer par courrier les habitants de leur droit au refus du compteur Linky ?
En conclusion, et en reprenant les points précédemment développés, vous pourriez prendre les dispositions suivantes :
- Au titre du Règlement Sanitaire Départemental (RSD) : une délibération ou un arrêté du Maire pour interdire toute infraction à la législation ou aux normes découlant du RSD;
- Au titre du respect du droit individuel de refuser le compteur Linky,
- Un arrêté du Maire réglementant le déroulement des opérations de déploiement du compteur sur le territoire de la Commune et rappelant à Enedis la nécessité de respecter le choix des utilisateurs.
- Un courrier aux administrés, pour les informer de leur droit de refus.
- Une information à remettre à la Police Municipale, au cas où un administré ait besoin de faire appel à ses services si un installateur déborde ses prérogatives.
En pensant que vous serez vigilants à propos de tous les problèmes soulevés, nous vous prions de croire à l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Pour lire le document : ACCAD_lettre aux maires181119