Les activités sur écrans chez les enfants

Elles ne conviennent pas aux enfants de moins de 6 ans : elles altèrent durablement leurs capacités intellectuelles

Commentaire d’une amie avant lecture des documents qui suivent : « Chacun y va de sa mise en garde ! Et après ? »

On peut rajouter ceci : comme le disait une vieille association : pas de paroles, des actes !

Que fait le président ? Que fait la ministre de l’éducation nationale ? Que font les élus ? RIEN ! Ils ont pourtant un rapport déposé chez le président de la République le 29 avril … 2024 !

Que font les parents ? Ils font ce qu’ils peuvent !

Que font les GAFAM ? Ils nous pourrissent la vie !

Que font les communes et des écoles ? Elles commencent à bouger, surtout devant l’ampleur des dégâts déjà visibles.

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Tribune soutenue soutenu par

  1. La Société Française d’Ophtalmologie – Docteur Carl Arndt
  2. La Société Française de Pédiatrie – Professeur Agnès Linglart
  3. La Société Française de Santé Publique – Présidente : Professeur Anne Vuillemin
  4. La Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent – Président : Professeur Bruno Falissard
  5. La Société Francophone de Santé et Environnement – Présidente : Madame Catherine Cecchi

Cet appel à une prise de conscience collective s’adresse aux jeunes parents, aux enseignants, éducateurs et pédagogues, aux soignants, aux décideurs politiques et à toutes celles et ceux qui s’intéressent à la santé des enfants.

La vérité est parfois difficile à entendre. Les conséquences d’une exposition précoce et prolongée aux écrans sont avérées et ont déjà lourdement impacté une jeune génération sacrifiée sur l’autel de la méconnaissance… Mais en 2025, le doute n’est plus permis et les très nombreuses publications scientifiques internationales sont là pour nous le rappeler. Ni la technologie de l’écran ni ses contenus, y compris ceux prétendument « éducatifs » ne sont adaptés à un petit cerveau en développement. L’enfant n’est pas un adulte en miniature : ses besoins sont différents.

Chaque jour les pédiatres, médecins généralistes, pédopsychiatres, neuropédiatres, les orthophonistes, psychomotricien-ne-s, ergothérapeutes, et les enseignants de maternelle et de cours préparatoire constatent les dégâts produits par une exposition régulière aux écrans avant l’entrée à l’école primaire : retard de langage, troubles de l’attention, de la mémorisation, agitation motrice…

Chaque jour de nouvelles publications scientifiques soulignent dans cette tranche d’âge les effets négatifs d’une exposition répétée, même brève, aux écrans en termes de développement socio-relationnel, affectif, intellectuel et neurologique, et de santé somatique. Si tous les milieux socio-éducatifs sont concernés, les expositions sont plus fortes dans les foyers défavorisés, contribuant à l’accroissement des inégalités sociales.

S’il repose en partie sur des facteurs génétiques, le neurodéveloppement résulte surtout d’un savant mélange d’observations et d’interactions riches et variées avec l’environnement. Les six premières années de vie sont à ce titre fondamentales. L’enfant explore son milieu en sollicitant tous ses sens, tout son corps, guidé par les figures parentales bienveillantes et attentives. Les apprentissages sont alors particulièrement nombreux sur le plan moteur, sensoriel et intellectuel. Ils fondent le socle cérébral de l’enfant, socle qui fera de lui être à l’un esprit efficient, curieux et éclairé.

Or les écrans quelle qu’en soit la forme (télévision, tablette, téléphone) ne répondent pas aux besoins de l’enfant. Pire, ils entravent et altèrent la construction de son cerveau.

D’abord, leurs contenus sont trop riches. La cadence infernale de défilement des images des jeux, films ou dessins animés et la multitude de stimuli sensoriels lumineux et sonores captent puis emprisonnent son attention irrésistiblement, donnant une fausse illusion de « concentration ». En réalité, ces stimuli saturent très rapidement ses capacités de traitement des informations et épuisent ses ressources attentionnelles le rendant alors inapte à comprendre et apprendre quoi que ce soit. Ce flux compromet les connexions neuronales non encore consolidées, pouvant altérer durablement le fonctionnement de son cerveau.

Ensuite, ces activités sur écran sont trop pauvres, réduisant le centre d’intérêt et le champ de vision de l’enfant à quelques centimètres carrés, ne lui mettant à disposition qu’une succession d’images en deux dimensions et de sons enregistrés, sans rationalité ou logique communicative et sensorielle, bien loin de la richesse des interactions naturelles qu’offre la « vraie vie ». En outre, l’écran affecte irrémédiablement le volume et la qualité des interactions intra-familiales indispensables au développement du langage et des compétences socio-relationnelles. Lorsque les mots manquent, les réseaux cérébraux du langage se construisent mal, faisant peser une réelle menace sur le développement ultérieur.

Ces mêmes outils numériques risquent de nuire à la santé physique de l’enfant. Le développement visuel peut être modifié avec un risque accru de myopisation et des conséquences rétiniennes à long terme du fait d’une sensibilité plus importante de la rétine à la composition spectrale de la lumière, d’une transmittance majorée de l’œil de l’enfant à la lumière bleue et de l’accommodation souvent prolongée sur les écrans. Le sommeil, pilier de la santé globale mais aussi des apprentissages est également perturbé par l’exposition aux écrans en particulier en fin de journée, dans les heures précédant le coucher.

Il serait pourtant simple de protéger nos enfants de ce danger comme nous le faisons instinctivement de ceux qui semblent plus évidents. Il ne viendrait ainsi à personne l’idée de laisser un enfant de moins de six ans traverser seul la rue. Alors pourquoi l’exposer à un écran, alors que ceci compromet sa santé et son avenir intellectuel ?

Ne nous méprenons pas, il ne s’agit pas de diaboliser les outils numériques et leur usage mais il y a un âge pour tout ! Il n’y a pas de controverse possible quant à l’indication « ne convient pas à un enfant de moins de 36 mois » pour un jouet présentant de petits éléments qui l’exposent à un risque d’étouffement, ou quant à la vente d’alcool ou de tabac interdite aux mineurs du fait de leur impact majeur sur un cerveau en construction. De même, il faut admettre que les activités sur écrans ne conviennent tout simplement pas aux enfants de moins de six ans : elles altèrent durablement leur santé et leurs capacités intellectuelles.

Or un enfant dans les premières années de sa vie subit l’environnement proposé par l’adulte, très souvent pour le meilleur mais parfois pour le pire. Alors qu’il n’est pas encore en capacité de comprendre par lui-même ce qui est bon ou néfaste pour lui, cet environnement familier devrait répondre à ses besoins d’exploration, de découverte et de sécurité pour lui permettre de s’épanouir harmonieusement. Protégeons-le. Posons nos smartphones et éteignons la télévision pendant les moments partagés, les jeux, les repas. Et ne le mettons pas devant un écran.

Que pouvons-nous faire, en tant que spécialistes de la santé des enfants ? Expliquer sans attendre et diffuser par tous les moyens possibles aux parents, aux familles, à tous les professionnels de santé et de d’éducation, que le message « pas d’écran avant 3 ans » est clairement insuffisant et doit être actualisé à la lumière des connaissances récentes. Les recommandations doivent être étendues sans ambiguïté possible : « pas d’écran avant 6 ans ». Nous tenons à souligner que ceci s’applique à la maison comme à l’école, par souci de cohérence, mais aussi et surtout et parce que les effets sur la vision et sur les rythmes circadiens sont indépendants du contenu.

Les institutions, l’État, ont un rôle majeur à jouer. Car la formation de tous les professionnels en lien avec la petite enfance, soignants comme pédagogues, est indispensable. De larges campagnes d’information et de sensibilisation du grand public sont également nécessaires et devront être renouvelées fréquemment et régulièrement.

Il ne s’agit cependant pas uniquement d’évincer les écrans, mais aussi de créer un environnement favorable à la santé et à l’épanouissement de l’enfant. Il faut des interventions de guidance des parents visant notamment à développer leurs compétences psychosociales, et le déploiement de projets éducatifs dédiés dans les structures d’accueil. Il s’agit aussi de favoriser les activités alternatives telles que la lecture à voix haute, les jeux (libre, de société ou en plein air), les activités physiques ainsi que les activités créatives et artistiques.

Autant d’initiatives qui permettraient de redonner du pouvoir d’agir aux adultes qui accompagnent au quotidien, et avec leurs moyens, les enfants.

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Quelques références scientifiques (complément sur demande)

Humanité et numérique : les liaisons dangereuses, coordonné par le Dr Servane Mouton. Éditions Apogée, 2023.

Digital Screen Time and Myopia: A Systematic Review and Dose-Response Meta-Analysis. Ha A, Lee YJ, Lee M, Shim SR, Kim YK. JAMA Netw Open. 2025 Feb 3;8(2):e2460026.

The Relationships between Screen Use and Health Indicators among Infants, Toddlers, and Preschoolers: A Meta-Analysis and Systematic Review. Li C, Cheng G, Sha T, Cheng W, Yan Y.Int J Environ Res Public Health. 2020

Rapport Enfants et écrans : à la recherche du temps perdu

https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/16/06a9854b34d9

Contact : Docteur Servane Mouton, neurologue, co-présidente de la Commission sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans

servane.mouton@protonmail.com

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« Pas d’écrans avant 6 ans », alertent plusieurs sociétés savantes

Un article paru dans « Le monde »

La Société française de pédiatrie et d’autres sociétés savantes lancent un appel à la prévention des risques dus à l’exposition des enfants aux écrans, qui ne sont « pas adaptés à un cerveau en développement ».

C’est un cri d’alarme que lancent cinq sociétés savantes, dont celle de pédiatrie, pour alerter sur le danger des écrans. Leur message est clair : les enfants de moins de 6 ans ne devraient pas être exposés aux écrans, quels qu’ils soient. Dans un texte envoyé au gouvernement, elles dénoncent les effets délétères des écrans sur le développement cérébral des tout-petits et appellent à un renforcement des recommandations actuelles. Le carnet de santé préconise de ne pas exposer les enfants aux écrans avant 3 ans. Mais, selon les auteurs, ces consignes « sont clairement insuffisantes et doivent être actualisées à la lumière des connaissances récentes ».

Sur une initiative de la neurologue Servane Mouton, coautrice du rapport « Enfants et écrans. A la recherche du temps perdu » – remis à l’Élysée en avril 2024 –, et du professeur Hugues Patural, réanimateur néonatologue au centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne, ce texte, intitulé « Les activités sur écrans ne conviennent pas aux enfants de moins de 6 ans : elles altèrent durablement leurs capacités intellectuelles », est soutenu par la Société française de pédiatrie (SEP), la Société française de santé publique (SPF), la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SPEAKER), la Société française d’ophtalmologie (SÃO) ou encore la Société francophone de santé et environnement (SISE).

Les mots sont forts. « Ni la technologie de l’écran ni ses contenus, y compris ceux prétendument éducatifs, ne sont adaptés à un petit cerveau en développement », indique le texte, précisant que « le doute n’est plus permis au regard des nombreuses publications scientifiques internationales ». « Un temps d’écran excessif a été associé à des impacts négatifs sur les compétences cognitives et sociales, affectant notamment l’attention, la mémoire et la régulation émotionnelle », indique par exemple une revue de littérature parue fin 2024. « Si tous les milieux sont concernés, les expositions sont plus fortes dans les foyers défavorisés, contribuant à l’accroissement des inégalités sociales », indique la tribune.

« Sur risque de myopie »

Selon ces spécialistes de la santé, les effets concernent le développement du langage, de l’attention, des capacités socio-relationnelles (relation à l’autre, gestion des émotions…) et les capacités cognitives globales. Sans oublier les conséquences sur la santé physique (troubles du sommeil, de la vision). « L’œil de l’enfant, particulièrement jusqu’à 6 ans mais en réalité jusqu’à 14-15 ans, est très sensible à la lumière bleue émise par les écrans, avec un sur risque de myopie », rappelle Servane Mouton. L’exposition à la lumière bleue le soir perturbe aussi la sécrétion de mélatonine, l’hormone qui règle l’horloge biologique et favorise le sommeil. L’usage numérique a également un fort impact sur l’activité physique et la sédentarité.

Pour les professionnels de santé, les constats sont alarmants. Hugues Patural suit des enfants de 0 à 7 ans, particulièrement « vulnérables » du fait de leur très grande prématurité, ou parce qu’ils ont subi des agressions cérébrales en période néonatale (infections, encéphalopathie anoxique…). « Nous sommes effarés, le mot est faible, de voir le nombre d’enfants impactés dans leur trajectoire neurodéveloppement par cette exposition précoce », témoigne le néonatologue. Il observe à chaque consultation des retards et un appauvrissement du langage, des troubles de l’attention, de la mémorisation, une intolérance à la frustration. « Ceci nous oblige à les envoyer très tôt vers des orthophonistes et psychomotriciens, alors que ces filières sont débordées. » Et, pour le pédiatre, « la prématurité n’est pas – toujours – en cause. Le facteur écran joue un rôle déterminant dans le développement cognitif ultérieur de ces enfants, plus important même que leur parcours initial parfois complexe ».

Autre constat du pédiatre réanimateur : « Ces enfants sont en état hypersollicitation permanent. La cadence infernale des images et des sons, la multitude de stimuli sensoriels lumineux et sonores captent et emprisonnent leur attention. Ce flux peut altérer durablement le cerveau en développement », alerte-t-il.

Principe de précaution

Pour le pédopsychiatre Bruno Falissard, président de la SPEAKER, le besoin de l’interaction entre l’enfant et ses proches est vital. « Nous avons des données solides et pourtant il ne se passe rien. L’intérêt des écrans est très médiocre alors que le risque existe. Il s’agit de la santé des enfants, or, on s’en fout », déplore-t-il. Il appelle à appliquer le principe de précaution.

Agnès Linglart, présidente de la SEP, regrette quant à elle un « manque criant de moyens » pour la prévention et la recherche : « Il y a un vrai décalage entre la gravité du sujet et la faiblesse de la réponse publique. Il est temps d’élargir la mise en garde au-delà de 3 ans, et jusqu’à 12 ans. »

En attendant, « l’enjeu de santé publique est de s’engager sur la prévention en donnant des outils aux professionnels de l’enfance et aux parents », explique Cédric Femke, secrétaire général adjoint de la SPF. « Je constate de plus en plus l’effet bénéfique d’une prévention très précoce. Quand on explique simplement à des jeunes parents que l’écran n’est pas adapté au cerveau de leur enfant, ils le comprennent très bien », assure Hugues Patural. Certaines initiatives existent, comme le défi « 10 jours sans écrans », lancé en 2003 au Québec et de plus en plus relayé en France.

Les experts en appellent aussi aux institutions et demandent de larges campagnes d’information. Seront-ils enfin entendus ? Le rapport de 2024, qui dressait un constat inquiétant assorti de 29 propositions, n’a jusqu’ici pas été suivi d’actions concrètes.