
Homo sapiens en rêvait, l’IA l’a fait !
Il parait qu’il ne faut absolument pas rater le virage de l’intelligence artificielle, l’IA, comme on dit. Que, pour « rester dans la course », nous devons l’accepter dans notre vie. Même le fameux site Wikipédia serait sur le déclin, abandonné par ses usagers au profit de l’IA qui répondrait à toutes les questions. Cette technologie a de quoi séduire, car elle s’appuie sur une masse gigantesque d’informations accumulées sur le Net depuis des années. Une base de données inédite dans l’histoire de l’humanité, à côté de laquelle la bibliothèque d’Alexandrie ferait figure de vide-greniers. Vous pouvez l’utiliser pour prendre un billet, d’avion, bavarder avec un psy imaginaire ou demander quel est la couleur du cheval blanc d’Henri IV. Homo sapiens en rêvait depuis 300 000 ans, l’IA l’a fait.
Le bilan carbone de cette technologie est pourtant si catastrophique qu’on devrait envisager de faire comparaitre ses usagers devant la CPI pour crime contre l’humanité. Qu’importe, ceux qui l’utilisent, de plus en plus nombreux, se contrefoutent de ses méfaits. Et malheur aux vaincus. Cyril Barthet, un spécialiste de l’audiovisuel, déclarait la semaine dernière dans Le Point : « Le cinéma en France ne se préoccupe pas de la révolution IA. C’est une erreur ». Ce raisonnement nous est systématiquement martelé pour d’autres secteurs économiques : la presse, l’édition, l’agriculture, le BTP, la sidérurgie, l’élevage de poulets et peut-être même la fabrique de nougat de Montélimar. Quelle activité humaine commettra la folie de se passer de l’IA ? C’est en tout cas ce dot on veut nous convaincre. Car c’est un marché fabuleux qui se profile pour ceux qui y ont investi des billes. Avec l’IA, les milliardaires gagneront encore p)lus de milliards, qui, eux, n’auront rien d’artificiel..
Que deviendront ceux qui n’auront pas pris « le train en marche » ? Auront(ils une chance de survivre dans ce nouveau monde bâti par cette technologie ? Le danger que fait peser l’IA sur l’humanité est double. D’abord par la masse démentielle d’énergie qu’elle nécessite et qui met en péril les équilibres écologiques. Ensuite par l’exclusion de tous ceux qui auront refusé de l’adopter. La consommation de l’IA sera aussi destructrice que sa production.
Le plus révoltant, c’est la lâcheté généralisée : tout le monde baisse les bras et ne cherche même pas à combattre cette hégémonie. Une mentalité de collabo, grâce à laquelle l’IA se développe impunément, sévit aussi dans d’autres domaines, comme l’écologie, la politique ou l’État de droit.
Ils sont plus rares, ceux qui ont encore la volonté de se battre pour ces valeurs. Une paresse intellectuelle dans laquelle se vautrent lentement des millions d’individus. Lutter, ça me soule ! C’est fatigant, épuisant. Et nos dirigeants, qui devraient nous protéger de cette folie, nous laissent livrés à nous-même sous prétexte que l’IA créera des emplois. A quoi bon voter si c’est pour confier les rênes du pays à des gens qui nous demandent d’accepter notre sort sans broncher ?
Il faudra donc se débrouiller seuls. Les pourvoyeurs de l’IA investissent des moyens colossaux pour rendre la planète dépendant d’une technologie dont ils ont le monopole et dont le contrôle échappe aux élus du peuple. Le lien démocratique entre le citoyen et le pouvoir est remplacé par cette suprématie qui repose sur la dépendance et l’absence de contre-pouvoirs. Les millions d’humains qui trouvent super sympa d’utiliser l’IA pour dénicher l’hôtel le moins cher ou pour faire des petits films à la con avec des images de synthèse hideuses se mettent eux-mêmes la tête sur le billot. Les gains offerts par cette technologie sont dérisoires en comparaison des libertés qu’elle nous fait perdre. Observez les vaches en stabulation glisser le tête entre les barreaux pour manger leur fourrage et vous comprendrez ce que l’IA veut faire de nous.
Charlie Hebdo