
100% d’accord avec BMW
Chouette, l’État vient de promettre à Imerys un crédit d’impôt de 200 millions d’euros. Dans ces temps de budget impossible, ce n’est pas si mal. Imerys est une multinationale française, crée en1880, présente dans 40 pays et qui emploie 12 400 salariés. Que fait-elle ? L’extraction et la transformation de minéraux pour le compte de l’industrie. De la diatomite, du feldspath, du lithium par exemple.
Pourquoi file 200 millions de notre argent ? Parce qu’il faut aider cette miséreuse à payer – 1,8/ milliard d’euros – de la mine de lithium projeté à Echassières, dans l’Allier. Alléluia ! Imerys vint d’annoncer que la mine pourrait exploiter pendant cinquante ans, au lieu de vingt annoncés. Mais en reportant son ouverture à 2030. Ce qui laisse du temps pour réfléchir sur la contradiction entre refuser toute mine et se gaver d’objets qui contiennent du lithium. Lequel se fourre partout : dans les téléphones portables, les ordinateurs, les stimulateurs cardiaques, les bagnoles électriques.
Ah, voici le cœur : les bagnoles électriques. La mine de l’Allier pourrait permettre d’équiper les batteries de 700 000 d’entre elles. Mais si Imerys annonce un retard d’exploitation de plusieurs années, c’est parce que tout merdoie en même temps. D’abord parce que la Chine écrase le marché de l’électrique. En 12 des 17 millions de voitures électriques produites dans le monde étaient chinoises, soit 70%. Pékin a tout en main : un marché intérieur, un parti totalitaire qui décide seul, une technologie de pointe, des capitaux à volonté. Une telle avance ne sera pas rattrapée, et l’Europe s’enfonce dans une crise sans issue, car les coûts de production sont beaucoup plus élevés.
Le fric : le prix délirant des voitures électriques empêche tout décollage des ventes. EDF : « les voitures particulières électriques représenteraient entre 2 et 3% du parc automobile ».
Le gras est dans le texte, qui signifie qu’il y a urgence à accélérer. Mais est-ce bien possible ? En mars, le pionnier suédois de la batterie Northvolt – présenté dans la presse comme l’avenir du secteur – faisait faillite. En avril, on apprenait que la grande usine – Gigafactory – de Billy-Berclau (Pas-de-Calais) appelait au secours, pour conseil, une entreprise chinoise. ACC, dont les proprios s’appellent Stellantis, Total-Energie et Mercedes-Benz, réduit à mendier auprès de ses pires concurrents !
Mais ce n’est pas tout. Ainsi que l’on sait, la construction des moteurs thermiques devrait être interdite dans l’Union européenne à partir de 2035. Au salon de l’auto de Munich, qui s’est tenu du 9 au 14 septembre tous les constructeurs du continent l’ont répété : la fin des moteurs thermiques serait le dernier clou dans leur cercueil. Dès juillet, Olivier Zipse, patron de BMW ; dénonçait le projet de les arrêter et ajoutait même que « le système européen actuel est un désastre. Il va détruire à la fois l’automobile et l’innovation. »
On se contrefout du sort de tous ces gens, mais au passage, et c’est plus intéressant, Zipse reprend un argument central de la critique écologiste, la vrai : « tout doit être pris en compte : les matériaux bruts, la fabrication, l’électricité … Or aujourd’hui, les émissions de CO2 d’un moteur thermique sont mesurées de la même manière quel que soit le carburant utilisé » tandis « qu’une voiture électrique émet 40% de CO2 de plus à la fabrication qu’une voiture thermique ».
Et il a raison ! On est d’accord avec BMW ! A 100%. Il faut tout compter, en effet. Et à ‘aune du dérèglement climatique, la relance de la bagnole par l’électricité est une complète folie que soutiennent pourtant les écologistes officiels de Mmes Rousseau et Tondelier, sans l’ombre d’un débat qui permettrait, sait-on jamais, de poser la question de la mine de l’Allier dans d’autres termes ? C’est l’heure, et elle passera vite, car, quand le coup est parti, rien ne peut plus l’arrêter. Quand on aura ouvert la mine, elle ne se refermera plus. Jamais.
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Une belle transition vers le gouffre
On ne peut pas dire la vérité au sujet de la bagnole. Cette vaste opération planétaire a comme objectif essentiel de relancer une industrie sur le déclin, confronté à un marché saturé. Mais chut ! Les si nombreux communicants de ce monde ingénieux ont sorti de leur boite à malices une expression qui ne veut rien dire du tout, mais qui impressionne le contradicteur : « la transition énergétique ».
Selon EDF, « la transition énergétique désigne le passage d’un modèle basé sur les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) vers un bouquet énergétique – ou mix – privilégiant les énergies renouvelables ». On appréciera le vague qui parle d’un « passage », d’un passage « vers », qui « privilégiera ». On n’est jamais trop prudent. Selon le savant Wikipédia, la formule « transition énergétique » désigne aujourd’hui le défi d’un changement complet dont le volume et les types d’énergie utilisées, dans l’objectif de décarboner le plus rapidement possible l’économie ». Par ailleurs, nos bons maitres entendent « décarboner » la France par la grâce essentiel du nucléaire.
Et c’est confirmé par le ministère : « Pour atteindre ses objectifs climatiques, la France doit décarboner son mix et remplacer les sources fossiles par l’électricité ». Une électricité nucléaire, donc, ce qui implique de construire de nouveaux réacteurs.
Mais il y a davantage, et lisons e lisons attentivement : « la transition énergétique intègre une dimension économique et sociale et tend globalement vers un système énergétique plus « durable » défini dans le rapport Bruntland de 1987 ».
On m’excusera de me citer mais j’ai écrit un livre où je dépiaute l’invention de la funeste expression « développement durable » par ceux qui voulaient à tout prix continuer comme avant. La « transition énergétique », c’est exactement la même chose, quarante plus tard. Un simulacre.
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De la nourriture pour cochons
Ca s’appelle en langage décodé la « quadrature du cercle ». D’un côté, il faut bien aider cette pauvre bagnole électrique, qui est train de plonger l’industrie automobile dans la merde. De l’autre, on pressent que cela ne servira à rien. Que la Chine a déjà gagné la partie, et qu’il devient chaque semaine plus difficile de ne pas entendre le lobby européen de la bagnole, qui supplie désormais les États de ne pas interdire en 2035 les moteurs thermiques.
Juste avant de disparaitre à l’horizon, le gouvernement Bayrou – en l’occurrence les ministres de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, et de l’industrie, Marc Ferracci – a décidé un nième cadeau pour les (mal)heureux acheteurs d’une bagnole électrique. Soit une « prime complémentaire exceptionnelle » de 1 000 euros, qui devrait être distribuée dès octobre. Elle s’ajoutera au soi-disant « bonus écologique », qui peut atteindre pour les moins riches 4 200 euros. Qui paie ? Les hostos et la santé, la véritables rénovation écologique des écoles et habitation, l’inertie face au dérèglement climatique.
L’humour est au programme, car la prime ne sera accordée qu’à ceux dont les véhicules seront équipés d’une batterie fabriquée en Europe. Les voitures chinoises sont donc exclues, et c’est drôle, car ces gens-là – gouvernants de droite comme de gauche – nous ont vanté pendant des décennies la mondialisation, avant de réaliser que l’Europe n’avait aucune chance face à la Chine. La concurrence, oui, mais quand on y gagne.