Éducation numérique raisonnée

C’est un collectif qui essaie d’agir au sein de l’école

https://www.education-numerique-raisonnee.com/

Regagner l’attention des élèves par un usage raisonné du numérique

La surexposition aux écrans des enfants et des adolescents représente un risque majeur de catastrophe sanitaire et éducative. Pour la prévenir, nous appelons le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse à :

  • Prescrire des manuels scolaires au format papier à la place des manuels numériques.
  • Donner aux élèves le droit à la déconnexion en donnant les devoirs sur des agendas physiques et en leur permettant de travailler à la maison sans écran.
  • Protéger les élèves contre les dangers liés à la surexposition aux écrans en englobant l’école dans une vaste campagne de prévention et de sensibilisation.
  • Mettre en place une politique publique de financement des initiatives valorisant la lecture, la culture, le sport et les interactions sociales réelles, afin de démocratiser l’accès aux divertissements extra-scolaires sans écran, et de réduire ainsi la fracture sociale numérique.
  • Faire du numérique un objet d’enseignement et non un moyen d’enseignement, en formant les élèves aux sciences numériques et à leurs enjeux sur des créneaux horaires dédiés, avec du matériel affecté pour cela.

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Appel à signer

Monsieur le Premier Ministre,

Attentifs à vos dernières déclarations suite à la publication du classement Pisa, nous espérions que vos propositions visant à un « choc des savoirs » répondraient au sursaut collectif que vous avez appelé pour prévenir la catastrophe sanitaire et éducative qu’entraîne la surexposition aux écrans des enfants et des adolescents.

Nous, professeurs et membres de la communauté éducative, constatons sur le terrain la catastrophe sanitaire que cette surexposition aux écrans provoque chez nos élèves. Leur temps d’écran en constante augmentation crée des troubles du langage et du développement. Via les réseaux sociaux, ils sont exposés de plus en plus jeunes à des contenus violents inadaptés et au cyberharcèlement qui perturbent leur équilibre affectif et fragilisent leur santé mentale. Enfin, comme leur temps de veille passive devant les écrans ampute leur temps de sommeil, ils viennent en classe fatigués, en proie à des difficultés de concentration croissantes.

Il nous faut reconnaître la responsabilité de l’école dans l’amplification d’un phénomène lié aux bouleversements technologiques de notre société. En faisant des TIC (Technologies d’information et de communication) moins un objet d’enseignement qu’un moyen d’enseignement, en multipliant les injonctions à recourir aux ENT (Espaces Numériques de Travail) et en équipant massivement les élèves d’objets connectés (tablettes, ordinateurs), notre institution favorise l’augmentation du temps d’écran pour les élèves. En classe comme à la maison, ils doivent désormais consulter les manuels scolaires numériques, vérifier le travail à faire sur des cahiers de texte virtuels, et effectuer des activités collaboratives sur diverses applications.

Dans certains cas, le numérique peut être un outil utile et parfois nécessaire, notamment lorsqu’il est au service des élèves à besoins éducatifs particuliers nécessitant des aménagements spécifiques. En revanche, la* pratique déraisonnée du numérique conduit selon nous à une catastrophe éducative :

La réalité du numérique comme outil pédagogique n’est pas adaptée aux contraintes d’apprentissage de l’élève. En confondant le travailleur adulte et l’élève adulte en devenir, sans prendre en compte la maturité de l’élève (anticipation pour charger la tablette, gestion des fichiers, dissipation sur des applications étrangères au cours), ni l’équipement des établissements et des foyers (fonctionnement du wifi, disponibilité d’imprimantes), on prive finalement certains élèves de supports réels de travail.

L’invasion du numérique dans les pratiques d’apprentissage porte atteinte à la concentration de l’élève et à sa qualité d’écoute. Lorsqu’il sait que les devoirs sont consignés dans le cahier de textes virtuel et que le cours est téléchargeable à tout moment, l’élève n’a plus besoin d’écouter ce qui est dit en classe à l’instant présent ni de prendre des notes.

L’idéologie du numérique éducatif empêche l’élève de développer le sens de l’effort indispensable à tout enseignement exigeant. En louant les bienfaits du numérique éducatif, l’Éducation Nationale a renforcé le principe d’une recherche immédiate du plaisir et de la récompense qui s’oppose au temps long et à l’intériorité nécessaires pour apprendre à lire, écrire et compter, comprendre les enjeux d’un texte complexe, résoudre un problème, construire un raisonnement personnel, ou enfin produire un écrit correctement formulé.

Le recours au numérique éducatif à la maison crée un glissement vers des activités récréatives sur écrans, au détriment de la lecture. Les interfaces digitales, conçues pour être attractives et addictives, sont déviées de leur objectif pédagogique initial pour devenir un divertissement omniprésent. Ce phénomène amplifie la fracture numérique séparant les élèves de milieux favorisés, plus facilement préservés des écrans, de ceux qui y sont surexposés.

La promotion du numérique éducatif ne permet pas aux élèves de mieux maîtriser les sciences numériques. Bien qu’équipés de tablettes ou d’ordinateurs, nos élèves ne savent pas pour autant utiliser convenablement les outils bureautiques, coder, ou exercer leur esprit critique dans leurs recherches en ligne.

Face à ce constat, nous appelons à l’adoption du plan d’actions suivant :

Prescrire des manuels scolaires au format papier à la place des manuels numériques.

Donner aux élèves le droit à la déconnexion en donnant les devoirs sur des agendas physiques et en leur permettant de travailler à la maison sans écran.

Protéger les élèves contre les dangers liés à la surexposition aux écrans en englobant l’école dans une vaste campagne de prévention et de sensibilisation.

Mettre en place une politique publique de financement des initiatives valorisant la lecture, la culture, le sport et les interactions sociales réelles, afin de
démocratiser l’accès aux divertissements extra-scolaires sans écran, et de
réduire ainsi la fracture sociale numérique.

Faire du numérique un objet d’enseignement et non un moyen d’enseignement, en formant les élèves aux sciences numériques et à leurs enjeux sur des créneaux horaires dédiés, et en leur permettant de manipuler les outils sur du matériel affecté pour cela.

Confiants dans votre volonté d’instaurer avec nous une école se donnant les moyens d’élever le niveau général des élèves, nous nous tenons à votre disposition pour approfondir avec vous notre projet.

Collectif Éducation Numérique Raisonnée

* La phrase suivante , en italique dans la lettre, a été ajoutée le 13 mars 2024 : « Dans certains cas, le numérique peut être un outil utile et parfois nécessaire, notamment lorsqu’il est au service des élèves à besoins éducatifs particuliers nécessitant des aménagements spécifiques. En revanche, »

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Exemple de charte de déconnexion

Engagement des équipes pédagogiques

1/ Utiliser les ENT (Espace Numériques de Travail) comme doublon des supports traditionnels : ne pas donner de devoirs à faire en dehors des cours, distribuer des cours au format papier en classe, ou demander la prise de notes manuscrites.

2/ Paramétrer les ENT (Espace Numériques de Travail) pour un affichage hebdomadaire des notes le week-end, et pour un blocage des fonctionnalités de 18h à 8h.

3/ Mettre à disposition des élèves des manuels scolaires au format papier, au moins pour l’usage à la maison.

4/ Ne pas donner de devoirs à faire à la maison nécessitant une connexion aux écrans.  On peut prévoir des exceptions pour une durée limitée dans le week-end : devoirs donnés à l’avance en lien avec l’acquisition d’une compétence spécifique.

5/ Interdire le smartphone à l’école et appliquer des sanctions dissuasives. S’il n’est pas éteint dans le sac de l’élève, confisquer le smartphone, appliquer des mesures disciplinaires, demander aux parents de venir en personne chercher le smartphone confisqué par la direction.

Engagement des familles

1/     L’élève note les devoirs dans un agenda, et prend des notes manuscrites en classe (sauf cas particuliers).

 2/     L’élève, avec le soutien de ses parents, s’engage à respecter un cadre de vie sain en semaine face aux écrans : pas d’écran le matin avant l’école ni le soir avant de dormir, pas d’écran à table ni dans la chambre à coucher.

 3/     Le temps des devoirs à la maison en semaine est un temps de concentration où téléphones et tablettes sont éteints.

 4/     L’élève s’engage à venir en classe sans smartphone, ou à le laisser éteint dans son sac.

 5/     Les parents s’engagent à ne pas équiper leurs enfants de smartphone avant 15 ans. Ils peuvent créer avec les autres parents de la classe de leur enfant un pacte local pour repousser l’âge d’acquisition du premier smartphone. Sur le site Pacte Smartphone, de nombreuses ressources sont à disposition des familles (affiches à diffuser, texte de pacte à copier ou adapter…). Des alternatives au smartphone sont accessibles aux collégiens (téléphones non connectés à internet comme ThePhone).

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Assises du Numérique à l’École – 12 octobre 2024 : Jeunesse et écrans, le défi éducatif

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Dans le journal « le monde »

« Le droit des élèves à la déconnexion doit être formellement reconnu »

Le temps d’écran des enfants augmente sans garde-fou, avec de graves conséquences sur leur santé physique et mentale, alerte un collectif d’enseignants, de médecins, de chefs d’entreprise, de directeurs de grande école, d’éditeurs et d’artistes, qui appelle à enrayer une catastrophe sanitaire.

Le 30 avril, le rapport « Enfants et écrans » était remis au président de la République. Il met en lumière « la réalité de l’hyperconnexion subie des enfants et des conséquences pour leur santé, leur développement, leur avenir, pour notre avenir aussi… celui de notre société, celui de notre civilisation, et peut-être même celui de notre humanité ».

Devant un tel enjeu, que peut faire concrètement l’école pour protéger ses élèves ? Continuer à subir, ou sortir de l’impasse ? Impossible de passer à côté : la liste des risques sanitaires liés à l’activité numérique des enfants et des adolescents est accablante. Retards de langage, sédentarité, troubles de la vue, perturbation du sommeil, anxiété, dépression…

En France, les jeunes de 16-19 ans passent en moyenne cinq heures dix minutes par jour à visionner un écran à usage strictement récréatif, et douze minutes seulement à lire un livre pour le loisir, selon une étude Ipsos pour le Centre national du livre.

Le temps d’écran de nos enfants augmente sans garde-fou, sans cadre ni limite, et nous savons que les conséquences sur leur santé physique et mentale sont graves. Il est urgent d’agir pour enrayer cette catastrophe sanitaire. Chacun, parents, enseignants, médecins, responsables politiques, doit le faire à son niveau.

Crise numérique

Malgré cette prise de conscience collective, l’éducation nationale poursuit sa numérisation. La volonté de moderniser l’institution est louable. Cependant, le mésusage du numérique à l’école renforce l’hyperconnexion des élèves à leurs dépens.

Dès la 6e, les établissements scolaires fournissent aux élèves des tablettes ou des ordinateurs. Ces équipements individuels numériques transforment les pratiques d’apprentissage : les élèves n’utilisent plus d’agenda (l’enseignant note à leur place les devoirs à faire sur le cahier de textes en ligne), n’ont plus de manuels papier (ceux-ci étant progressivement remplacés par leur version numérique), et perdent l’habitude d’écrire (les cours étant téléchargeables sur les espaces collaboratifs).

Il ne s’agit pas que du temps passé à l’école : l’écran individuel est rendu indispensable aussi pour les devoirs à la maison. Par cette approche, l’école rend progressivement les élèves passifs en classe et dépendants du numérique.

Certains acteurs du système éducatif mettent en avant la visée pédagogique de certaines applications numériques. « Ne diabolisons pas l’écran ! », « l’usage seul est problématique », « haro sur le numérique récréatif, vive le numérique éducatif ! », voilà la position de ceux qui n’envisagent pas de remettre en question la numérisation accélérée de l’école.

Nous les entendons, mais nous ne pouvons ignorer le constat de la commission d’experts : quel que soit leur usage, récréatif ou éducatif, les écrans affectent gravement la vue et le sommeil des jeunes. Alors, comment ne pas s’inquiéter qu’un élève passe la journée devant sa tablette, et se reconnecte ensuite le soir pour faire ses devoirs, quand bien même son usage du numérique serait purement éducatif ?

Face à la crise numérique, l’action ne peut être que collective. Le collectif Éducation numérique raisonnée appelle enseignants et parents à adopter une démarche coéducative pour réguler les écrans à l’école comme à la maison. Sans cette cohérence, la sensibilisation des élèves à un usage raisonné du numérique est vouée à l’échec.

En communiquant clairement auprès des familles, les établissements scolaires peuvent inciter les parents à instaurer à la maison un cadre de vie basé sur la règle des « quatre pas », proposée par la psychologue Sabine Duflo : pas d’écran avant d’aller en classe, ni avant de dormir, ni à table, ni dans la chambre à coucher. L’école peut aussi recommander que l’acquisition du premier smartphone soit retardée jusqu’à l’âge de 15 ans, comme le préconise la commission écrans.

Outil complémentaire

Mais, avant tout, l’éducation nationale doit agir de manière exemplaire. Le droit des élèves à la déconnexion doit être formellement reconnu grâce à une charte qui peut être rédigée par les établissements scolaires dès à présent de façon à être signée par l’élève, ses parents et les enseignants. Ce droit à la déconnexion engage les enseignants à donner des devoirs à la maison ne nécessitant pas de recours aux écrans.

Il n’entrave nullement la liberté pédagogique des professeurs qui voudraient utiliser ponctuellement le numérique en classe lorsqu’ils le jugent opportun. En revanche, il permet de réserver aux devoirs à la maison un temps de concentration libre de toute activité numérique, et de réduire ainsi l’exposition des élèves aux écrans.

Instaurer le droit des élèves à la déconnexion est une manière simple et lisible de remettre le numérique à la place qui devrait être la sienne dans l’éducation : celle d’un outil complémentaire qui ne peut se substituer à la lecture de livres imprimés, à la prise de notes manuscrites, aux travaux de rédaction et aux interactions réelles.

Le droit à la déconnexion est aussi un moyen évident de limiter les risques de glissement vers des usages numériques récréatifs dont on connaît les conséquences. Ne pas agir maintenant, alors que tous les signaux sont au rouge et que la source du problème est clairement identifiée, serait collectivement irresponsable.

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/09/24/

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Commentaire

Il faut insister sur le DROIT A LA DÉCONNEXION

Il faut aussi montrer la responsabilité de la structure éducation nationale qui a poussé à multiplier les ventes d’ordinateurs ou de TNI et qui continue à utiliser ces outils au détriment notamment des livres.

Il faut rappeler que la Suède a fiat marche arrière dans ce domaine. Ce pays était le précurseur de l’installation de matériel informatique. Constatant les dégâts que cela a occasionné, ils sont revenus, dès cette année, au papier – qui est largement plus écologique que le numérique.

Dernière nouvelle : la Belgique interdit les téléphones portables dans les écoles primaires et secondaires du réseau francophone, dès la rentrée 2024. La mesure s’appliquera aussi dans la cour de récréation.