Le numérique nous envahit

Intervention du collectif ACCAD

Cela a eu lieu le lundi 9 septembre, vers 9h20 ; dans l’émission « L’Air du Temps ». sur RadioPlus :

104,3 FM ; https://www.radioplus.fr

Difficile d’échapper à la transformation digitale de la société …. Une lame de fond qui s’avère porteuse de nouvelles formes d’exclusion … Progressivement, il y a dématérialisation de tous les services, publics comme privés … Oui, mais trop c’est trop … Les factures, les achats, la paperasse … Aujourd’hui, tout passe par internet … C’est pas que nous soyons réfractaires au progrès, mais posséder un ordinateur ou un smartphone et surtout être à l’aise avec … n’est pas le cas de tout le monde ! Et je crois que nous sommes assez nombreux à déplorer cette situation …

Plusieurs fois, sur cette antenne, ensemble, nous nous sommes faits l’écho de ce désarroi chez beaucoup de personnes et de leur mal-être …. Nous avions d’ailleurs consacré une émission à l’illectronisme qui provoque l’exclusion chez beaucoup de personnes … Je rappelle qu’en 2022, l’État français a prévu un schéma de digitalisation important, voulant dématérialiser toute démarche administrative … Ce sera internet ou ???? Point d’interrogation … Et le plus grave, c’est que beaucoup de structures suivent … la SNCF, par exemple … Et même certains cabinets médicaux … prendre rendez-vous avec un médecin devient une galère pas possible …. Les laboratoires s’y mettent aussi, .. des lecteurs de la Voix du Nord se plaignaient de ne pas pouvoir avoir leurs résultats autrement que sur leur smartphone … alors qu’ils n’en avaient pas !…. On ne mesure plus l’ampleur du phénomène … A mon sens, cela devient catastrophique !

Deux exemples pour commencer : à propos de la SNCF, la région de Normandie et celle du grand-Est sont en train d’imposer une prise de billet TER comme avec les TGV et intercités, donc sur ordinateur ou sur portable. Comme diraient certains, on veut avionniser les TER, ce qui veut dire réservation obligatoire. C’est un test qui sera, bien entendu, étendu à la France : on n’arrête pas le progrès !

Deuxième petit exemple : un fournisseur de gaz dont on taira le nom a du mal à comprendre que des personnes veulent des factures papier. Ce qui fait, que, si l’on ne se bat pas, on est sûr que la méthode de paiement par le net sera bientôt obligatoire.

Bien sûr, la difficulté est souvent rencontrée par les personnes d’un certain âge … Alors ce que j’aime bien, c’est qu’un formateur numérique … Thibaut Mathieu pour ne pas le nommer … affirme qu’avec un peu d’aide, l’apprentissage de l’informatique peut se faire rapidement à tout âge … Pour lui, il suffit d’accompagner les personnes qui ont des difficultés …et puis de leur mettre sur l’écran des icônes un peu plus grands … ; ou alors il les encourage à aller dans des ateliers informatiques ou alors faire une initiation à domicile …. Payante, bien sûr !!!!! A mon avis, ce gars-là n’a aucune connaissance du terrain ou a une vision très rétrécie du monde dans lequel on vit !

Commençons par un exemple positif. On demande à un membre de ma famille son adresse mail. Il répond : « je n’ai pas d’adresse mail, je n’ai pas d’ordinateur, et je vis très bien ainsi. »

C’est vrai que des personnes âgées se sentent dépassées. Mais dépassées par quoi ? Par ce monde numérisé que l’on veut nous imposer ? On peut vivre sans être esclave – addict -de ce que l’on veut nous imposer. Il faut d’ailleurs remarquer que ce constat n’est pas seulement valable pour les personnes âgées.

Ce qui est grave est que l’on assiste à un consensus généralisé ; c’est assez vrai dans la société, c’est le constat que l’on peut faire dans le milieu politique en général : elles et ils sont toutes et tous technophiles et ne voient pas du tout les dangers qui vont affecter notre présent mais surtout notre avenir en tant qu’êtres humains. Il suffit de penser à ce qui nous attend avec l’Intelligence dite « Artificielle » – un oxymore.

Un exemple récent montre le mutisme de la classe politique française. Emmanuel Macron a voulu créer une commission des experts. Cette commission devait s’occuper de la réalité de l’hyperconnexion subie des enfants et des conséquences pour leur santé, leur développement et leur avenir. Cette commission a rendu ses conclusions le 30 avril sous le titre « enfants et écrans, à la recherche du temps perdu » et a émis 29 propositions. A l’heure actuelle, ce dossier est dans les tiroirs et n’a ému aucun politique. Gageons que cela se terminera comme avec la Convention Citoyenne pour le Climat ; il ne se passera pas grand-chose !

Pourquoi en sommes-nous arrivés là, à votre avis ? A cette société qui se déshumanise de plus en plus … A cette société qui ne marche plus qu’avec des « clic » ou des QR codes … Est-ce que la crise du Covid a été un facteur accélérateur de nos usages numériques ?

C’est tellement vrai que ce sont les grandes multinationales qui ont indiqué que, grâce au Covid, elles avaient gagné au moins dix ans. Il suffit de voir comment l’éducation nationale s’est engouffré dans cette numérisation à outrance, comment le télétravail a fait un bond en avant. Il n’est pas nécessaire de détailler mais, depuis 2020, on a construit une société encore plus individualiste, encore plus renfermée. On ne supporte plus les personnes qui ne pensent pas comme nous. C’est ce qui explique cette explosion actuelle des idées extrémistes en Europe … et pas que !

Personnellement, je plaiderais en faveur d’un usage raisonné et raisonnable pour plusieurs raisons … ; Parce que internet est un outil qui nous rend esclaves et nous expose à un danger que nous ne voyons pas venir … Les gens qui pratiquent aisément sont tellement subjugués qu’ils ne s’aperçoivent pas que notre vie est bouffée par internet …. Et l’humain, dans tout ça ? Les guichets se font de plus en plus rares ainsi que les contacts même téléphoniques …. A force, on vient à en perdre la parole

On nous bassine avec le mythe de l’immatériel. En fait, cette immatérialité est bien matérielle. On nous fait croire que tout cela ne coûte rien. Non seulement c’est faux dans la mesure où, comme vous le dites, l’humain est mis de côté. C’est faux aussi car tout cet ensemble a un coût très matériel et très humain.

Le numérique n’est pas un détail ni un simple outil. Il est une machinerie qui nous conditionne, Il constitue le plus grand bouleversement de notre temps.

Vouloir l’aménager ou y trouver des alternatives, c’est nier l’écologie.

Le numérique est dépendant des énergies fossiles, des métaux dits rares, mais surtout que sa conception est extrêmement polluante et, pire encore, qu’il accroît toutes les activités néfastes pour l’environnement qu’il prétend remplacer.

« L’ensemble des équipements numériques consomme aujourd’hui entre 10 et 15 % de l’électricité mondiale. Mais cette consommation double tous les quatre ans, ce qui pourrait porter la part du numérique à 50 % de l’électricité mondiale en 2030 – soit une quantité équivalente à ce que l’humanité consommait en… 2008, il y a simplement seize ans.

On s’apprête à extraire de la croûte terrestre plus de métaux en une génération que pendant toute l’histoire de l’humanité. Il faut plus d’or, d’argent, de cuivre, il faut du tungstène et du lithium ; et il faut des « terres rares » (néodyme, yttrium, cérium). La séparation et le raffinage de ces éléments naturellement agglomérés avec d’autres minerais, souvent radioactifs, impliquent une longue série de procédés nécessitant une grande quantité d’énergie et de substances chimiques : plusieurs phases de broyage, d’attaque aux acides, de chloration, d’extraction par solvant, de précipitation sélective et de dissolution. »

« Pour nettoyer les plaques de silicium sur lesquelles sont gravés les circuits électroniques, l’unité de production de STMicroelectronics implantée à Crolles –près de Grenoble – engloutit 700 m³ d’eau par heure (l’équivalent d’une ville de 50 000 habitants) et soumet les collectivités locales à ses exigences : 150 000 euros d’amende par heure à payer à l’entreprise en cas de défaillance dans la fourniture d’eau.

Il faut noter aussi une consommation démesurée d’électricité (et donc de charbon), d’eau, de métaux rares… Avec ses milliers de kilomètres de câble, ses infrastructures et ses objets, ses ondes, le numérique n’est clairement pas compatible avec une écologie sincère.

En bout de chaîne, la responsabilité des GAFAM et des consommateurs finaux fait peu de doutes. À ce titre, dans un rapport de 2016 sur le travail d’enfants au Congo, Amnesty international pointait les firmes suivantes : Dell et HP, Samsung et Huawei, Lenovo et LG, Sony et Vodaphone. En 2019, une plainte a été déposée par une organisation de juristes, International Rights Advocate, devant un tribunal de Washington, contre Apple et Microsoft, Tesla et Google, les accusant de complicité de morts d’enfants dans des mines de cobalt congolaises.

De cette extraction criminelle, les minerais sont ensuite acheminés vers les usines de transformation et d’assemblage en Asie du Sud-Est. Plusieurs multinationales sont à nouveau accusées de faire travailler des enfants : Apple avec Foxconn, principal sous-traitant des entreprise high tech, surnommée « l’usine au suicide » au début des années 2010, après que des dizaines de jeunes se soient donné la mort, ne supportant plus des formes d’esclavage moderne. Les violations du droit du travail et des droits des enfants sont régulièrement dénoncées, opérées par les équipementiers tout au long de la chaîne électronique, révélées par l’organisation China Labour Watch : par exemple l’usine LCE en Chine, joliment nommée « l’usine des enfants ». De son côté, Stop Child Labour rappelle que l’industrie électronique constitue le troisième plus grand consommateur mondial d’or, alors que plus d’un million d’enfants travaillent dans l’extraction aurifère à travers le monde – or qui sert à fabriquer des cartes mères et des circuits imprimés composant les outils numériques.

Qui s’est insurgé des 43 morts d’une mine de cobalt effondrée en juin 2019 ? Des 16 morts dans un accident minier en octobre 2019 ? Des 50 morts suite à l’éboulement d’une mine d’or le 12 septembre 2020 ? Ou encore d’une énième attaque d’un carré minier par un groupe armé à la frontière ougandaise, responsable d’au moins 35 morts le 8 mai dernier 2022 ?

Notre confort technologique se paie au prix de la traite d’enfants, aux actes barbares commis sur eux, à ceux dépourvus d’alimentation et de soins, à leurs assassinats à cause de l’appropriation de minerais qui composent les appareils numériques.

Bientôt, les mines et les saccages se feront à l’intérieur des frontières européennes, avec pour modèle le projet Emili, une des plus grandes mines de lithium au monde qui verra le jour – si on ne s’y oppose pas – dans le Massif Central d’ici 2027.

Il serait trop long d’expliquer que tout cela constitue un désastre humain, social et sanitaire …

Je ne vais pas trop m’étendre sur le rôle de réseaux sociaux : c’est une catastrophe. Cela fait croire que l’on peut s’exprimer à tout bout de champ. En réalité, cela favorise l’individualisme, cela permet de laisser s’exprimer les sentiments de haine, cela ne favorise pas du tout ces rassemblements collectifs qui nous permettraient de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve notre société.

On nous parle toujours du progrès ; mais quel progrès ? La lutte contre cette numérisation, contre cette « sans-filisation » du monde, est un combat qui se rattache aux grandes luttes actuelles, pour la santé bien sûr mais aussi pour le climat, pour la biodiversité… bref pour un progrès humain et non technologique,

Et puis, je ne sais pas vous … mais personnellement, j’avoue que lorsque je mets les pieds sur internet, c’est toujours quand même avec une certaine inquiétude ….J’ai l’impression d’être surveillée !

C’est le cas : un exemple parmi d’autres, les JO et JO Paralympiques. Certains craignaient une explosion d’attentats durant ces vacances. Il n’en a rien été car Gérald Darmanin, notre ex-ministre de l’intérieur, avait bien préparé ces rassemblements en faisant poser notamment de nombreuses caméras avec reconnaissance faciale, en utilisant aussi des drones. On a aussi testé grandeur nature les QR Codes pour les habitants des quartiers où se trouvaient les athlètes. On n’a rien à envier à la Chine et à Israël. On est de très bons élèves. Le pire est que ces caméras ne vont sûrement pas être enlevées maintenant que ces évènements sportifs sont terminés.

La surveillance est le maître-mot de cette période. On ne parle que de cela, on veut nous mettre dans la tête qu’on n’est pas assez sécurisé et qu’il faut s’en donner les moyens. Ce qui est grave est que l’on remplace le mot important LIBERTÉ par un monstre qui se nomme SÉCURITÉ, avec toute la panoplie qui l’accompagne et que l’on accepte trop facilement..

On est surveillé, on est contrôlé, chez nous et dans l’espace public.

En plus de cette surveillance, il faut savoir aussi que le numérique est un désastre sanitaire et une atteinte à la liberté et à la démocratie, ainsi qu’une accélération et une artificialisation des rapports humains. Ce serait trop long pour développer ces aspects.

Face à cette situation, il est très important de faire des propositions. Elles peuvent se concentrer sur trois propositions fondamentales :

1- POUR DES RÉSERVES BLANCHES. Une « réserve », c’est un territoire sans connexion = une zone volontairement « blanche ». Non seulement préserver celles qui existent de fait déjà mais étendre le principe à toutes les zones de protection naturelle.

2- POUR UN DROIT A LA DÉCONNEXION

3- POUR DES RÉSERVES ADMINISTRATIVES DE LA GRATUITÉ : relocalisation des services publics.
En attendant :

Mise en place de locaux dans chaque commune : dans les mairies ou ailleurs, à l’instar des médiathèques.  Que les personnes non-équipées ne soient pas lésées.

Rappeler auprès des fournisseurs et opérateurs leurs engagements concernant le recouvrement du réseau en fibre optique. Les arguments favorables à la fibre plutôt qu’aux ondes sont nombreux.

. Soutenir toutes les initiatives (associations, équipements des infrastructures) qui encouragent la sensibilisation à d’autres pratiques. Ex : développement des logiciels libres, collèges avec contrat Linux.

Il y a beaucoup à dire sur cette dématérialisation … Bien sûr, il y a certains avantages et des avantages certains mais ce qui est ahurissant et je dirai presque scandaleux c’est que nous n’ayons plus le choix … Et on a l’impression que si on n’a pas « la machine » comme je l’appelle, on peut « crever » dans son coin … ne plus pouvoir rien faire que ce soit pour les choses de la vie courante ou pour les loisirs … On ne passe plus le permis, on ne se fait plus soigner, on ne va plus nulle part… Il y a un lecteur de la Voix du Nord de Sémeries qui ironise en disant que l’étape suivante sera peut-être de pucer les gens et il ajoute : « Avant l’asservissement était d’humain à humain … maintenant l’humain dépend de la machine » … J’avoue que ce sujet est à décortiquer tellement il y a de choses à mettre au grand jour …. Tenez, la prochaine fois, ensemble, nous parlerons d’une autre facette de cette grande boule Internet qui brille aux yeux de tous mais qui pourtant a quelques parties sombres …. A suivre donc et à très bientôt.

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Pour écouter :

https://www.mixcloud.com/radioplus62/lair-du-temps-09092024/

15 minutes à partir de 18:57