Mise en danger de la santé mentale des enfants
« De manière intentionnelle, Meta a façonné ses plateformes pour captiver les mineurs, en particulier les enfants, utilisant des méthodes de manipulation préjudiciables à leur santé mentale » .
C’est l’accusation portée par les procureurs généraux, aussi bien républicains que démocrates, de 41 États et du District de Columbia, la capitale des États-Unis, contre la société mère de Facebook et Instagram.
Selon le document de 200 pages sur lequel repose cette plainte, la société de Mark Zuckerberg a rendu ses plateformes addictives, ciblant en particulier les moins de 13 ans, bien que l’utilisation de Facebook et Instagram soit déconseillée pour cet âge. « Meta a utilisé des technologies puissantes et inédites pour attirer, engager et, finalement, piéger les jeunes et adolescents », affirme le document. Ses « algorithmes de recommandation encouragent une utilisation compulsive, que Meta dissimule ». Son « utilisation de notifications nuit à l’éducation et au sommeil des jeunes utilisateurs », relèvent les auteurs de la plainte. Selon les procureurs généraux, Meta a employé ces techniques pendant des années, en concurrence avec des applications, comme TikTok et Snapchat, plus populaires parmi les jeunes.
En 2022, face à l’essor de TikTok, le réseau social préféré des jeunes, un groupe de procureurs généraux de plus de 40 États a lancé une autre enquête sur les effets potentiellement nocifs de la plateforme chinoise sur les jeunes. Leurs conclusions n’ont pas encore été rendues.
95 % des jeunes âgés de 13 à 17 ans déclarent être sur au moins une plateforme numérique, et plus d’un tiers l’utilisent constamment, selon le Pew Center. Un document interne de Meta obtenu par The Wall Street Journal, le 28 septembre 2021, révélait que 13,5 % des adolescentes pensent qu’Instagram aggrave leurs pensées suicidaires. 17 % des jeunes filles estiment également que cela aggrave les troubles alimentaires. Malgré ces constats, Meta a maintenu la conception addictive de ses plateformes.
Le 23 mai dernier, le docteur Vivek Murthy, administrateur de la santé publique des États-Unis, a tiré la sonnette d’alarme dans un rapport reliant la grave crise de santé mentale du pays à l’utilisation des réseaux sociaux. Cette crise, qui a débuté bien avant la pandémie, a vu augmenter les symptômes dépressifs chez les 13-17 ans depuis 2012, année où Facebook a racheté Instagram. Bien qu’il ne s’agisse que d’une simple corrélation, l’augmentation est saisissante.
L’impact de la logique des réseaux sociaux sur les enfants et adolescents est délétère, selon une analyse anthropologique du journal italien « Avvenire ». Dans ce cadre, la valeur d’une personne est définie par les chiffres : « likes », suiveurs, vues, commentaires, amis (visibles par tous). « C’est un genre de spectacle où l’on est constamment jugé par les autres », précise le journal italien. « À l’âge vulnérable de l’adolescence, les contenus que l’on rencontre sont également cruciaux, et il est inconcevable qu’ils n’aient pas eux aussi un impact sur l’état de santé mentale, la disposition à l’égard de la vie et du monde, quand ils ne favorisent pas directement des comportements dangereux ».
Toutes ces accusations ont un point commun : tenter d’établir une plus grande responsabilité des plateformes. Zuckerberg a souvent affirmé ne pas être un éditeur et n’avoir aucun contrôle sur ce qui est publié sur ses plateformes. Aux États-Unis, cette position est protégée par la loi sur les télécommunications, dans une section particulière, la section 230, que de nombreux républicains et démocrates voudraient réécrire aujourd’hui. Concernant le contenu illégal, Meta l’élimine principalement par des algorithmes et des modérateurs humains. L’Union européenne adopte une position plus ferme avec sa nouvelle loi sur les services numériques, qui remet en question la prétendue « neutralité » des plateformes.
Mais, pour une fois, républicains et démocrates sont d’accord : nous ne pouvons laisser nos enfants à la merci d’algorithmes conçus pour les accrocher à des contenus nocifs. Les réseaux sociaux doivent évoluer, et cette plainte des 41 États pourrait être un tournant décisif.
lsdjabos@nl.laselectiondujour.com
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Commentaire
Cette cause avance aux USA. Il faudrait que notre pays en fasse autant !
Quand les USA ont de bonnes idées, il faut, sans complexe, les utiliser.