Un livre sur Linky ; du collectif Ecran Total ; éditions La Lenteur et le Monde à l’Envers
Présentation ici :
https://mailchi.mp/e7dc1dc71f2e/httpwww
Extraits du livre :
« L’affaire Linky est une épreuve qui met en jeu la démocratie, les prophéties technoscientifiques, et notre avenir ; l’État et les entreprises du secteur tentent d’imposer ces compteurs par la force, la désinformation et les intimidations, ils disqualifient les opposants, au nom d’un supposé progrès et d’une course à l’abîme qu’il faudra bien réussir un jour à freiner. Mais loin d’être un enjeu technique secondaire, abandonné aux experts et aux techniciens, Linky est au cœur des dynamiques actuelles du capitalisme, ces compteurs sont un petit élément.
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« Pourquoi décider ainsi de remplacer les 35 millions de boîtiers qui fonctionnent par de nouveaux compteurs, alors même que l’État et l’entreprise publique d’électricité ne cessent de se déclarer en quasi-faillite ? Pourquoi qualifier d’intelligentes ces boîtes ? Cet objet offre un bon résumé de la novlangue technocratique actuelle. Selon ERDF, il s’agit de la première pierre des « réseaux électriques intelligents ». Mais que signifie l’intelligence dans ce contexte ? Il ne faut pas se tromper, comme le note Michel Blay dans un petit livre lucide, le mot « intelligence » employé ici, comme ailleurs pour désigner des objets high-tech, des voitures ou des maisons, « doit être entendu en son sens anglais de « renseignement » –comme dans « intelligence service »– c’est-à-dire au sens d’informations qui circulent, ce qui est bien différent de l’intelligence sous ses divers aspects ouvrant l’ensemble des facultés humaines, mais proche d’un travail de police ».
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Mais à l’inverse de ceux qui proposent des solutions réalistes fondées sur la sobriété, l’autonomie énergétique et la réduction des consommations, les ingénieurs et commerciaux d’EDF misent sur le déploiement des objets high-tech et la maîtrise complète du monde, ils aspirent à une gestion en temps réels de tous les flux. Cette utopie gestionnaire aux accents cybernétiques se retrouve d’ailleurs dans les discours officiels : « Les maisons vont désormais s’autogérer », affirme Bernard Lassus, directeur du programme chez ERDF ! Mais souhaite-t-on vraiment que nos maisons s’autogèrent ? Réfléchissons cinq minutes à ce que signifie cette formule : ne devrions-nous pas plutôt être soucieux de gérer nous-mêmes notre maison ? Cette autogestion technocratique par le numérique n’est-elle pas l’antithèse de l’idéal d’autogestion et d’autonomie qui animait historiquement les mouvements sociaux émancipateurs ? N’est-elle pas une expropriation ? Les humains sont-ils à ce point devenus obsolètes qu’on préfère automatiser tous les aspects de leur existence ? Au-delà des justifications de circonstances, les compteurs Linky sont d’abord le produit d’une obsession et d’une illusion : l’obsession pour l’accroissement des rendements et de la rationalisation totale, l’illusion de la solution technique qui résoudra naturellement –par ses vertus intrinsèques– des défis qui sont d’abord socio-politiques et culturels ».
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Avec ce texte de François Jarrige de 2016 « Dans les filets de Linky » :
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/p