Son élevage de lapins est réduit au désastre

Patrick Pilon alerte sur les dangers des ondes

Après la mort de 200 000 lapins, qu’il impute à une antenne relais, Patrick Pilon vient de subir un redressement judiciaire. Il veut désormais être lanceur d’alerte.

L’aventure de Patrick Pilon, éleveur de lapins à Saint-Longis, près de Mamers (nord de la Sarthe), débutée en septembre 2004, vient de s’achever dans la douleur.

En quatre ans, il a tout perdu  : son exploitation avec la mort de pas moins de 200 000 bêtes, son travail, la totalité de ses biens privés. Chaque mois, il devait rembourser 2 600 euros d’emprunt privé, sur un total de 320 000 euros. Cette somme, il se trouvait dans l’incapacité de la restituer.

Le redressement judiciaire, prononcé le 23 octobre 2019, restait finalement la meilleure solution face à une descente aux enfers entamée en octobre 2014. L’origine de cette dernière ne fait pas de doute selon lui : « c’est l’arrivée d’un troisième opérateur téléphonique sur l’antenne relais » située à 150 mètres de son exploitation, la plus importante du département de la Sarthe.

L’élevage se fragilise, et lui avec

Embryons trop petitsbaisse d’immunité des reproducteurs, fragilité intestinale chez les lapereaux… pendant quatre ans, Patrick Pilon n’a cessé de chercher ce qui provoquait la mort de ses lapins. De quoi rendre fou cet éleveur qui exerçait son activité depuis trente ans. 

Les déplacements de nombreux techniciens zootechniques sur son exploitation ont fini par mettre hors de cause ses méthodes de travail. Non sans égratigner sa confiance en lui : 

« Les techniciens t’infantilisent, ils pèsent les lapins et vont même jusqu’à venir la nuit pour voir si je les nourrissais correctement. Tu finis par te dire que tu es mauvais. »

Des ondes électromagnétiques détectées

Se sentant « très, très seul » et toujours sans réponse, le quinquagénaire décide de faire appel à un géobiologue. Olivier Ranchy, géobiologue employé par la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, détecte la présence d’ondes issues des hyperfréquences téléphoniques.

Prudent, ce dernier commente auprès d’actu.fr : « on ne peut pas incriminer catégoriquement l’antenne. Nos appareils mesurent toutes les hyperfréquences présentes dans l’environnement ».  

Des mesures supérieures à 0,5 volts/mètre, le seuil d’exposition au-delà duquel il y a un impact sur le vivant selon la géobiologie (alors que les normes officielles sont fixées à 41 à 61 v/m, ndlr) sont relevées dans l’exploitation sarthoise. Olivier Ranchy analyse le phénomène : 

« Les ondes provoquent du stress chez l’animal et le lapin est une espèce qui ne supporte pas le stress. »

Patrick Pilon assure qu’il a tenté de communiquer avec les opérateurs téléphoniques, mais que ces derniers se réfugient derrière l’absence de preuves scientifiques. Les avocats qu’il a contactés l’ont aussi dissuadé d’entamer seul des poursuites judiciaires : « ça va vous coûter au moins 30 000 euros et vous allez perdre ».

Sortir de l’isolement

Acculé, le Sarthois sort de son isolement et part à la rencontre d’agriculteurs qui se trouvent dans la même situation que lui. Avec l’aide d’Henry Joly, le président de l’Apem (Association pour la protection de l’environnement de Malicorne), il organise en février 2019 une réunion d’information dans sa commune, à Saint-Longis, où il reçoit le soutien de plus de 150 personnes. Parmi eux, beaucoup d’éleveurs venus raconter leurs malheurs, qu’ils imputent eux aussi aux rayonnements d’antennes-relais, lignes à haute tension ou encore éoliennes. 

Le père de famille en acquiert la certitude : « les impacts liés aux ondes électromagnétiques sont trop importants. » Aussi a-t-il décidé de consacrer son temps libre à mener l’enquête. Depuis qu’il a fait parler de lui dans les médias, il assure recevoir de nombreux appels. 

Actuellement, il est en train de créer un site internet dédié aux ondes et à leurs impacts sur les animaux.

Il se sent investi d’une mission

Patrick Pilon se pose des questions, essaie de comprendre ce qui l’a poussé à la faillite. « Pourquoi des élevages situés près d’antennes relais ne sont pas touchés et pourquoi moi j’ai été touché ? Je veux comprendre. » Il a observé que lorsque les deux premiers opérateurs, Bouygues et Orange, utilisaient l’antenne « il n’y a jamais eu de problème », et après l’arrivée de Free, en octobre 2014 », « les problèmes ont commencé ».

Le quinquagénaire croit tenir une piste depuis qu’il a découvert le phénomène des « azimuts » : « il s’agit d’un faisceau réduit qui se trouve en face de l’antenne relais ». « Sur le site gouvernemental de l’ANFR (agence nationale des fréquences), Cartoradio, on peut voir la direction de ces faisceaux. Il se trouve que sur tous les élevages qui sont impactés par un faisceau, il y a un souci, quel que soit l’opérateur. »

Avant de tout perdre, l’éleveur de lapins gagnait très bien sa vie : entre 5 et 6000 euros par mois. Aujourd’hui, il va postuler à l’usine. Avec l’impact psychologique que cela peut avoir.

Je veux que les agriculteurs évitent de tourner en rond, de finir par se suicider. Je n’ai commencé à m’informer sur tout ça qu’à partir de septembre 2018. Il y en a qui s’interrogent depuis plus de dix ans. »

Si la route est encore longue, l’homme est tenace et ne lâchera jamais.

Pour retrouver l’intégralité de l’enquête, c’est ici : 

Champs et ondes électromagnétiques : le nouveau scandale environnemental ?

actu.fr

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