Cette monographie de l’OMS rebat les cartes
Depuis plus de vingt ans, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publient des monographies évaluant le risque entre radiofréquences et cancer. Cette nouvelle monographie, la dixième sur onze prévues, marque une rupture notable : alors que les précédentes concluaient à une dangerosité limitée ou incertaine, celle-ci pointe des preuves animales plus robustes et met en lumière des signaux préoccupants pour la santé publique.
En 2011, le CIRC avait classé les radiofréquences comme « peut-être cancérogènes pour l’homme » (groupe 2B), sur la base d’un risque accru de gliome chez les utilisateurs intensifs de téléphones portables. Depuis, la majorité des monographies ont minimisé les risques, malgré l’augmentation massive de l’exposition mondiale et la multiplication des études scientifiques.
Des preuves animales renforcées sur plusieurs types de tumeurs
La monographie 2025 s’appuie sur 52 études animales, dont 20 bioessais chroniques, et conclut à un niveau de preuve élevé (« high certainty ») pour l’augmentation de certains cancers chez le rat mâle exposé à des radiofréquences :
- Gliomes cérébraux : augmentation significative chez les rats mâles exposés à des niveaux de DAS (Débit d’Absorption Spécifique) élevés (jusqu’à 6 W/kg).
- Schwannomes cardiaques : risque accru chez les rats mâles, avec des effets dose-réponse observés dans deux études chroniques indépendantes.
- Hépatoblastomes et tumeurs pulmonaires : augmentation notable chez les souris mâles exposées à des radiofréquences modulées en CDMA (3G).
Consultez la monographie complète :
Effets des champs électromagnétiques de radiofréque
DAS et dosimétrie : des limites méthodologiques persistantes
La monographie souligne que le Débit d’absorption spécifique (DAS), principal indicateur réglementaire d’exposition aux téléphones portables et objets connectés, reste une métrique imparfaite pour prédire les effets à long terme, notamment pour les expositions non thermiques. L’incertitude sur la pertinence du DAS pour évaluer les risques réels est explicitement reconnue, ce qui fragilise la portée des recommandations sanitaires actuelles.
Extrait (traduit en français par nos soins) : « Les résultats de cet examen systématique fournissent des CoE élevés ou modérés pour plusieurs sites cancéreux pertinents pour l’identification des risques de cancer chez l’homme… Certains des niveaux de DAS pour lesquels des effets ont été observés se situent dans l’ordre de grandeur du DAS moyen pour l’ensemble du corps humain. Toutefois, le type d’exposition (corps entier ou localisé), l’intensité et la durée de l’exposition doivent également être pris en compte lors de la transposition de l’ampleur des effets au risque de cancer chez l’homme.»
Conflits d’intérêts : l’indépendance scientifique de l’OMS en question
Plusieurs auteurs des monographies de l’OMS déclarent des liens avec des organismes ou groupes (notamment l’ICNIRP) historiquement proches de l’industrie des télécoms. Cette proximité, déjà dénoncée par l’Institut Karolinska dès 2008 ( (Journal de l’Institut Karolinska n° 3753-2008-609)) ou plus récemment en 2020 par la Cour d’Appel de Turin comme un conflit d’intérêts devant être systématiquement signalé, a été ignorée dans la majorité des précédentes monographies et continue de susciter de nombreuses critiques justifiées sur l’impartialité des évaluations.
Ainsi le jugement italien précise :
« On considère qu’il faut accorder moins de poids aux études publiées par des auteurs qui n’ont pas déclaré l’existence de conflits d’intérêts. Dans ce cas, des situations de conflit d’intérêts peuvent se concrétiser par rapport à l’évaluation de l’effet des radiofréquences sur la santé, par exemple :
1. les cas où l’auteur de l’étude a conseillé l’industrie du téléphone ou a reçu des fonds pour des études de l’industrie du téléphone
2. si l’auteur lui-même est membre de l’ICNIRP. »
Une portée minimisée par la composition du groupe d’experts ?
Les conflits d’intérêts déclarés par les auteurs de cette monographie ont pu limiter la portée des conclusions et expliquer la prudence du rapport, malgré des preuves animales désormais difficiles à ignorer.
En effet, plusieurs auteurs de la monographie déclarent des liens avec l’industrie ou des organismes financés par celle-ci : direction d’un groupe de recherche avec des employés d’une société de télécommunications, soutien financier gouvernemental, participation à des comités consultatifs (dont la Fondation suisse de recherche pour l’électricité et la communication mobile (FSM) à l’ETHz liée à l’industrie), ou activités de conseil en sécurité des téléphones portables.
Appels à l’action d’Alerte Phonegate
Suite à ces nouvelles preuves scientifiques chez l’animal, notre ONG demande :
- Une révision immédiate des normes d’exposition, basée aussi sur les effets non thermiques et les populations vulnérables (enfants, femmes enceintes).
- L’exclusion des experts liés à l’ICNIRP ou à l’industrie dans les panels d’évaluation.
- La reconnaissance officielle du Phonegate – la surexposition des utilisateurs due aux tests de DAS biaisés.
Pour le Dr Marc Arazi, président d’Alerte Phonegate
« Cette dixième monographie de l’OMS marque un tournant, mais son impact est limité par la persistance de conflits d’intérêts et une approche dosimétrique dépassée. Tant que l’OMS continuera à s’appuyer sur des experts liés à l’industrie, la santé publique restera insuffisamment protégée face aux risques des radiofréquences. »
Synthèse de cette monographie de l’OMS
- La 10ème monographie de l’OMS s’appuie sur des preuves animales solides pour plusieurs cancers, mais la portée de ses conclusions reste atténuée par la composition du groupe d’experts et le maintien du paradigme du DAS.
- Les précédentes monographies, majoritairement rassurantes, n’avaient pas intégré la montée en puissance des études récentes ni les signaux épidémiologiques préoccupants.
- Les conflits d’intérêts récurrents parmi les auteurs interrogent sur l’indépendance réelle de l’expertise internationale, alors même que la question de la dosimétrie et du DAS demeure un point faible de l’évaluation sanitaire.
Télécharger la monographie : https://doi.org/10.1016/j.envint.2025.109482
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