
Documentaire déjà passé sur Arte ; disponible jusqu’au 19/01/2026
https://www.youtube.com/watch?v=0TW1yUqUr1E&t=5s
1 h 24
Entre surveillance généralisée et menace d’extinction de l’humanité, un monde sous domination de l’intelligence artificielle terrifie. Comment limiter ses pouvoirs pour préserver la démocratie tout en profitant de ses usages ? Un instructif panorama des enjeux en cours.
« Le médium est le message », prévenait le théoricien des médias Marshall McLuhan dans les années 1960. Mettant en garde contre l’influence des techniques de communication en pleine expansion, le philosophe canadien anticipait les conséquences phénoménales de la révolution numérique sur notre perception la plus intime comme sur la société. Si, en 1994, Internet a transformé nos vies, trente ans plus tard, la submersion par un tsunami d’informations nous plonge dans une confusion encore amplifiée par les algorithmes qui mettent en avant des contenus destinés à susciter et à s’approprier nos émotions. Les études scientifiques démontrent déjà clairement l’impact psychologique des réseaux sociaux, en particulier sur les adolescents : addiction, anxiété et dépression sont ainsi provoquées par des plates-formes qui jouent sur les poussées de dopamine. Mais il ne s’agit que d’un aspect des redoutables pouvoirs des multinationales de la tech, qui déterminent ce que nous savons, croyons et achetons – Google vend nos données personnelles aux annonceurs –, et qui échappent à tout contrôle démocratique. Emprise, monopole des grands médias et monétisation, surveillance par l’État comme par les entreprises du capitalisme mondialisé : dans le village global, le citoyen est soumis à de puissantes forces occultes et l’IA nous oblige désormais à repenser notre conception du monde. Performante dans le secteur médical ou les prévisions météorologiques, cette nouvelle interface de la connaissance, adoptée par le grand public avec notamment ChatGPT, va profondément bouleverser les modes et la valeur du travail, y compris créatif. Mais elle pourrait aussi se retourner contre l’humanité voire la menacer d’extinction si les risques liés sont ignorés au nom d’enjeux économiques. Alors que son influence sur les processus politiques s’intensifie, des élections à la désinformation par le biais des deepfakes, les dangers engendrés par le développement de l’intelligence artificielle se multiplient : reconnaissance faciale, espionnage ciblé, robots militaires tueurs ou piratage informatique, dont celui lancé en Europe par l’Agence nationale de la sécurité américaine (la NSA) et révélé par Edward Snowden… Big Brother Comment contrôler l’IA au travers d’une gouvernance mondiale démocratique et limiter la concentration du pouvoir par les géants de la tech, peu soucieux des libertés publiques ? Relayant les études les plus récentes au fil de témoignages de chercheurs, ce documentaire, emmené par le journaliste américain d’investigation Phillip Martin, alerte sur les risques de perte de contrôle et d’abandon de responsabilités générés par l’intelligence artificielle. Rappelant l’acuité des prédictions de Marshall McLuhan, largement cité, il démontre la capacité des médias à structurer nos façons de penser, de ressentir et d’agir. Face à ces sombres perspectives, ce panorama insiste sur l’urgence d’imaginer des stratégies pour résister et assurer l’avenir de l’humanité, notamment à travers une réflexion sur sa nécessaire réglementation, où l’Europe pourrait – et devrait – jouer un rôle majeur.
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La chaîne franco-allemande ARTE propose un documentaire saisissant : L’intelligence artificielle, un tsunami sur le web, disponible jusqu’au 19 janvier 2026. Réalisé par Fred Peabody, ce film dresse un constat alarmant : celui d’un monde en passe de basculer sous la domination d’algorithmes capables d’influencer, de surveiller et, à terme, de remplacer l’homme dans ses décisions les plus essentielles.
S’appuyant sur les analyses du journaliste américain d’investigation Phillip Martin, le documentaire retrace la montée en puissance des géants du numérique — Google, Meta, Amazon — et la dépendance planétaire à leurs technologies. Derrière la fascination collective pour ChatGPT ou la promesse d’une science augmentée se cachent des enjeux autrement plus inquiétants : surveillance de masse, manipulation émotionnelle, perte de souveraineté démocratique et menace sur l’emploi et la création humaine.
En filigrane, l’ombre de Marshall McLuhan, le théoricien des médias, plane sur tout le film : « Le médium est le message », rappelait-il dès les années 1960. Aujourd’hui, le médium est un algorithme — et son message, c’est la dépossession. Dépossession de la pensée, de la liberté, de la vérité.
Les témoignages d’experts et de chercheurs réunis par ARTE confirment ce que beaucoup pressentaient : l’intelligence artificielle n’est plus un outil, mais un système de pouvoir total, dont les intérêts échappent à toute régulation réelle.
Sous couvert de progrès, se met en place une architecture de contrôle mondial où les multinationales de la tech imposent leurs normes, leurs valeurs, et bientôt leurs lois. Le documentaire aborde frontalement les questions de reconnaissance faciale, d’espionnage numérique, de robots militaires autonomes, et d’attaques informatiques massives — dont certaines initiées par des États censés être les gardiens de la démocratie.
Assisterons-nous, impuissants, à la disparition de toute frontière entre le réel et le virtuel, entre le citoyen et le consommateur, entre l’humain et la machine ?
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Un commentaire plutôt mitigé dans Télérama
“L’Intelligence artificielle, un tsunami sur le Web” : notre critique
Foisonnant, ce documentaire embrasse tous les visages de l’IA, de la santé mentale à la surveillance. Une approche ambitieuse qui peut le desservir : à vouloir tout montrer, il perd parfois la singularité du regard.
Marshall McLuhan a légué une formule à la postérité : « Le message, c’est le média. » C’était en 1964, bien avant la révolution de l’informatique, et le philosophe canadien voulait dire par cette phrase que la forme compte plus que le fond dans la propagation d’une idée. Qu’aurait-il pensé de l’intelligence artificielle, lui qui anticipait également la cession de « nos sens et [de] nos systèmes nerveux aux manipulateurs privés qui veulent tirer profit du bail qu’ils ont sur nos yeux, nos oreilles et nos nerfs » ? L’IA, par sa dimension prométhéenne, pose un défi stratégique à ceux qui ambitionnent d’en faire la critique : faut-il l’aborder par petits bouts, secteur par secteur, ou plutôt de front, comme un phénomène monolithique ?
Ce documentaire, mené tambour battant par un journaliste radio américain, choisit la deuxième option. C’est à la fois sa grande qualité et sa principale limite. En évoquant pêle-mêle l’effet des algorithmes sur la santé mentale des adolescents, la casse du travail par la machine ou le danger de la reconnaissance faciale, il montre bien l’ampleur colossale du bouleversement, mais perd parfois son fil rouge à trop cingler vers l’essentiel. Mis en boîte juste avant le retour de Trump et de ses ambitions de dérégulation tous azimuts, le film se termine dans la cabane de Henry David Thoreau, à louer le plaisir de la lecture. Saine activité, mais c’est peut-être un peu court. Daron Acemoğlu, co-Prix Nobel d’économie, le rappelle face caméra : avant d’être une idée, l’IA obéit à une infrastructure largement monopolistique, présentée comme inévitable. Et un monopole, ça se démantèle.
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Commentaire à l’article de Télérama
Pourquoi être dubitatif sur le plaisir de la lecture avec HD Thoreau et proposer dans la foulé le démantèlement d’un monopole ? Les deux sont possibles… et intéressants !