Intervention du collectif ACCAD sur RadioPlus, le lundi 26 mai dans l’émission « l’air du temps » ; aux environs de 9 h 40
https://www.radioplus.fr/ ; 104.3 FM
Et si nous parlions à nouveau de l’IA ….. Le 28 avril avait lieu la Journée Mondiale de la Santé et Sécurité au travail, 2025, visant à sensibiliser à l’importance de la prévention des accidents et maladies professionnelles dans le monde entier ….Nous en avons parlé dans cette émission … Oui, mais, cette année le thème en était : « Révolutionner la santé et la sécurité : le rôle de l’IA et de la numérisation au travail ». C’est-à-dire que l’accent était mis sur l’intégration des nouvelles technologies, telles que l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle et l’analyse de données, pour améliorer la prévention et la gestion des risques professionnels. … avec toutes les questions que nous sommes en droit de nous poser…. Et ma remarque avait été : « il faudrait demander au Collectif ACCAD, ce qu’il en pense puisqu’il a déjà été question ici même des dangers de l’IA et de sa face cachée …. »
L’Intelligence artificielle (IA) connaît actuellement un regain d’intérêt sans précédent dans les sphères politiques et socio-économiques. Les discours qui en émanent prônent une nouvelle ère d’innovations technologiques et de services, à même de transformer le monde du travail …. faut-il en avoir peur et s’en méfier ?
En avoir peur et s’en méfier ? Certainement, car l’objectif non avoué n’est pas dans la recherche du bonheur humain. Les paroles et les écrits sont très souvent en contradiction avec les actes réels.
Si l’on en croit les promoteurs de cette nouvelle société, il ne faut pas avoir peur : c’est le progrès, disent-ils , Pour eux voilà ce qu’ils pensent :
- Cela va révolutionner la santé et la sécurité en améliorant la prévention et la gestion des risques professionnels.
- On va promouvoir une culture de sécurité, et commémorer les victimes d’accidents du travail.
- On réduira le nombre d’accidents et de maladies professionnelles
- On se lance vers un numérique durable et éthique, par une réduction de l’empreinte carbone, une promotion de l’économie circulaire et la protection des données
Par ces pratiques, les entreprises pensent non seulement répondre aux attentes sociétales mais aussi gagner en compétitivité sur le long terme.
Dans ce discours patronal et sociétal lié à l’évolution technologique, on utilise toujours des mots (révolution, éthique, sécurité, durable, etc …) qui laissent croire que l’on va vers un mieux ; en ce moment on fera de plus en plus confiance aux machines qui vont nous libérer totalement. Ce n’est évidemment pas aussi simple. On n’est évidemment pas dans l’univers du Bisounours. Tout ce qui est proposé peut d’ailleurs se faire dès maintenant, sans passer par l’IA.
Je disais, lorsque que j’ai parlé de cette Journée Mondiale, que petit à petit, les travailleurs ressembleront bientôt à des marionnettes : on exécute, on ne pense pas, l’IA l’a fait pour nous …. C’est elle qui prendra les décisions ce qui, on le devine, n’impliquera plus le salarié
On va assister de plus en plus, si on continue sur cette voie, à une substitution partielle ou totale de l’humain, impliquant la perte de son expertise et de ce qui donne du sens à son travail.
L’humain sera de plus en plus subordonné aux systèmes algorithmiques et aux contraintes des organisations du travail.
La collaboration entre humains et l’IA va se transformer en miroir aux alouettes, c’est-à-dire quelque chose qui semble séduisant, mais qui s’avère finalement trompeur, malhonnête ou dangereux ; pour l’homme mais aussi pour le monde animal et la nature !.
L’intelligence artificielle fait actuellement couler beaucoup d’encre, mais si l’on fait abstraction des scénarios de science-fiction, les systèmes qui s’appuient sur l’IA sont en train de transformer à grande vitesse l’économie européenne. Dans le monde du travail, pourrait-elle faciliter les tâches fastidieuses et complexes ou va-t-elle s’emparer de nos emplois ? Et si nous ne sommes pas encore dans sa ligne de mire, travaillerons-nous bientôt à côté d’un robot ?
L’IA ne va ni nous augmenter ni nous remplacer, mais vise d’abord à mieux nous exploiter en nous diminuant. En s’intégrant aux applications de travail, elle vient contraindre l’activité de travail et renforce l’opacité et l’asymétrie de pouvoir en donnant le pouvoir aux machines et en partie à ceux qui les créent. Le but de l’opération final est de faire en sorte que l’humain soit ultra-dépendant de la machine, soit un sous-robot.
Dans tout cela, pouvons-nous espérer un côté positif … Je ne parle pas de hausse de PIB, de gains de productivité ou d’économie … Je parle côté humain …. Là, on craint le remplacement de beaucoup d’emplois mais peut-on espérer une innovation centrée sur l’humain ?
C’est difficile à imaginer !
L’IA nous fait considérer que le travail humain se réduit à des données, alors même que l’IA est très dépendante du travail humain.
Cette nouvelle forme d’exploitation par l’IA pourrait avoir des conséquences à long terme sur l’humain puisqu’elle vise également à substituer leur travail par des outils, à l’image de la prolifération de mannequins virtuels dans le monde de la mode.
Cette innovation – qui est déjà au point – vise à déstructurer l’univers et a pour conséquence première pour l’homme de le déclasser, de l’amener au chômage, de le formater et de le rendre de plus en plus assisté.
Selon vous, si l’IA présente des défis importants en termes d’emploi et d’adaptation des compétences, peut-elle offrir également des opportunités d’innovation et de croissance. … Quoique « croissance » n’est pas un terme que vous appréciez beaucoup ….
Cette société va vers un système essentiellement technolâtre, dans lequel tout humain doit se conformer. Pour cela elle a besoin d’innovation, ce qui veut dire croissance et profits pour certains. Cette croissance n’est pas spécialement centrée sur le bonheur humain ; elle a pour objectif principal de faire des humains des consommateurs et non des consom’acteurs. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Il faut revenir au début des machines, c’’est à dire au 18ème siècle. Le but était déjà d’accroitre la productivité, au détriment des travailleurs qui se retrouvent au chômage. Ceci explique, notamment en 1811, la révolte des luddites qui se sont attaqués aux machines, cause de leur mise de côté. Actuellement on remplace des hommes par des machines parce que c’est plus rentable, et parce que c’est surtout très obéissant -il n’y a pas de risques de grève chez les machines..
On pourrait discuter et débattre longtemps sur ce sujet …. Et nous aurons peut-être l’occasion de le faire sur cette antenne …. Mais pour conclure, ne doit-on pas appeler à la prudence … et d’ailleurs, parce que finalement le point de départ était la santé et la sécurité au travail, n’y-t-il pas justement une partie de risques … différents certes …. Mais justement, des nouveaux risques ?
Le risque principal est lié à cette structure numérique qui nécessite beaucoup d’électricité, Problème : nous sommes confrontés à un monde fini en ressource, à un réchauffement et un dérèglement climatique dû à X années d’expansion industrielle mondiale.
Le numérique est censé résoudre le problème.
Or :
- Il pollue énormément car il nécessite une quantité phénoménale de métaux et terres rares. Ces matières fossiles sont extraites en exploitant de façon dramatique des enfants, des hommes et des femmes ; ceci sans considération des conséquences sur le plan écologique.
- A l’aliénation au pétrole se superpose donc celle des écrans partout, pour tous les usages. Captation de l’attention, addiction généralisée aux écrans, contrôle de nos mouvements par GPS, caméras de rue. On ne peut plus faire anonymement un simple voyage en train et il n’y a quasiment plus d’humain pour nous vendre un billet en papier. Les soins se font de plus en plus sur écrans pour pallier les déserts médicaux et nous nous félicitons des camionnettes de téléconsultation. La déshumanisation est en marche accélérée. Plus de piétons pour le courrier et d’ailleurs le papier est en voie d’interdiction pour le bien de la planète, nous serine-t-on ! Pourtant, lui se recycle au moins six fois et on peut en faire avec plein de choses et pas que du bois (des feuilles mortes etc.). Délire et imbécillité de la propagande relayée massivement par les médias et une grande partie de la classe politique.
- Vol de nos données personnelles pour alimenter l’IA qui nous gérera.
- « L’intimité est une notion obsolète » nous dit Éric Schmidt, Mr Google, mais celle de liberté est en passe de l’être aussi.
- Il s’agit d’un technototalitarisme de fait car nous ne pouvons échapper à un « fait social total » (Mauss). On nous impose les écrans dans tous les domaines. D’où l’accentuation des inégalités et discriminations.
- Nous sommes dans l’obsolescence permanente de l’objet numérique, dans une fuite en avant de remplacement et mises à jour à une vitesse infernale.
Nous fonçons tout droit dans une impasse énergétique totale. Il faudra des éoliennes partout, des panneaux solaires, des centrales, tout ça en même temps pour faire tourner la Méga-machine qui exige des matières fossiles, du ciment, des métaux et beaucoup d’eau …
- Ceci est objectivement INSOUTENABLE matériellement, sanitairement, psychologiquement, écologiquement, géopolitiquement – et éthiquement (considérer ce qu’est un smartphone = 187 kg de déchets miniers, près de 60 métaux dont très peu sont recyclables et du néo-colonialisme portatif par extractivisme minier polluant et sanglant loin de nos yeux, en plus de l’obsolescence de l’objet, son addiction, ses radiations).
Il ne faut pas oublier que cette société repose sur une base très fragile puisque chacun sait que tout ce qui est électronique est piratable. C’est pour cela qu’il faut empêcher la liberté de chacun et renforcer à tout prix la sécurité en créant ce climat d’insécurité délétère.
Seule une conscience collective politique technocritique peut contrer l’impérialisme marchand, guerrier et policier du totalitarisme électronumérique, nouvelle religion du capitalisme mondialisé.
Nous en sommes bien loin. Nous sommes dans la phase de sidération aveugle des problèmes, engoncés dans une fausse conscience mortifère. Dans l’immédiat nous devons exiger du politique un droit universel à la non-connexion/déconnexion.
Pour terminer, on peut caractériser l’IA de la façon dont l’a fait Thibault PREVOST dans son livre « les prophètes de l’IA, pourquoi la Silicon Valley nous vend l’apocalypse »
- L’IA est un culte
- L’IA ne fonctionne (toujours) pas
- L’IA est un écocide
- L’IA est un pillage
- L’IA est une bulle financière
- L’IA est un autoritarisme
- L’IA est une discrimination
Merci pour, de temps en temps, donner un coup de pied dans la fourmilière et nous permettre d’analyser, de synthétiser tout ce que l’on nous dit … A nous de faire le point !