Cela se passe au Québec
A lire cet article publié par le journaliste Karim Bennesaieh, le 11 novembre 2022, sur le site du journal La Presse. C’est le premier média canadien à faire état de l’autorisation rendu, le 24 septembre 2022, d’une action collective contre les fabricants de smartphones Apple et Samsung dans le volet du scandale du Phonegate au Québec.
La justice autorise une action collective contre Apple et Samsung :
https://phonegatealert.org/action-collective-apple-samsung/
Les téléphones d’Apple et de Samsung au banc des accusés
Sept plaignants québécois ont déposé en mars 2019 une demande d’action collective affirmant que les téléphones d’Apple et de Samsung émettaient plus de radiations que la norme admise en Amérique du Nord, soit 1,6 watt par kilogramme.
Sept Québécois qui accusent les téléphones Apple et Samsung d’émettre des ondes « toxiques », et leurs fabricants de tricher lors des tests de certification, ont partiellement obtenu gain de cause le 22 septembre dernier : la Cour supérieure a autorisé leur action collective.
Le juge Christian Immer a toutefois considérablement réduit leurs prétentions. Il a écarté de nombreuses accusations, dont certaines qu’il a qualifiées de « manifestement infondées, intenables et frivoles », pour ramener la cause à quelques questions centrales. Les radiations émises par les téléphones cellulaires posent-elles un risque lorsque ces appareils sont tenus très près du corps ? Les fabricants informent-ils suffisamment leurs clients de ces risques ? Devraient-ils alors payer des dommages punitifs ?
Tous les Québécois ayant acheté ou loué un téléphone Apple ou Samsung depuis le 11 septembre 2016 font automatiquement partie de l’action collective, dont les dates d’audience doivent être déterminées.
Tricher aux tests
Comme le rappelle à de nombreuses reprises le juge dans sa décision écrite en anglais, il n’est pas nécessaire pour l’instant que les allégations soient dûment prouvées. « À l’étape de l’autorisation, le fardeau de la preuve des plaignants est un fardeau de démonstration, explique-t-il, et le succès n’a même pas à être une possibilité réaliste. »
Les sept plaignants québécois ont déposé en mars 2019 une demande d’action collective qui ratissait très large. Leur prétention centrale était que les téléphones d’Apple et de Samsung émettaient plus de radiations que la norme admise en Amérique du Nord, soit 1,6 watt par kilogramme, calculées sur 1 gramme de tissu pour la tête, le cou et le tronc. Ce qu’on désigne comme le « débit d’absorption spécifique », ou SAR selon son acronyme anglais, est mesuré en laboratoire à des distances allant de 5 à 15 mm.
Or, les plaignants ont accusé ces tests d’être « grossièrement inadéquats », conçus par des autorités trop proches de l’industrie. Ils ont déposé à cet effet des reportages menés en 2017 et en 2019 par CBC et le Chicago Tribune, qui ont recouru aux services d’un laboratoire indépendant, RF Exposure Lab. Celui-ci a établi que les radiations étaient supérieures, à 5 mm et surtout à 2 mm, à la norme de 1,6 W/kg.
Les plaignants ont en outre accusé Apple et Samsung de tricher lors de ces tests, leurs téléphones étant équipés de capteurs diminuant l’intensité des radiations quand ils s’approchent d’une surface.
Accusation crédible
Le juge Immer a rejeté ces accusations, expliquant d’abord que « la Cour ne peut se substituer » aux autorités pour valider les tests. Quant à l’accusation de brider les émissions de radiation, elle a été rejetée par Apple et Samsung qui assurent que leurs téléphones émettent à pleine puissance lors des tests. Le juge qualifie par ailleurs cette accusation d’« autodestructrice » puisqu’elle amènerait à conclure que les émissions de radiations seraient dans la vie courante même inférieures à ce qui est enregistré en laboratoire.
Quant aux reportages de CBC et du Chicago Tribune, ils ont été contredits fin 2019 par de nouveaux tests de la Federal Communications Commission (FCC) qui a déposé un avis à la Cour supérieure en tant qu’amie de la cour (amicus curiœ).
Les sept plaignants, par contre, ont soulevé un point qui a intéressé le juge : les utilisateurs tiennent souvent leur téléphone bien plus près qu’à 5 mm de leur peau, notamment dans leur poche. Le juge Immer estime crédible qu’à cette distance, les radiations soient plus élevées que la norme légale de 1,6 W/kg et qu’elles puissent représenter un danger pour la santé.
Fardeau de preuve limité
Le juge a complètement reformulé les demandes des plaignants pour que l’action collective porte sur des points plus spécifiques : les téléphones émettent-ils plus que 1,6 W/kg dans certaines conditions, ce qui représenterait un danger pour l’utilisateur ? Si la réponse est positive, les fabricants pourraient alors avoir enfreint deux articles de la Loi sur la protection du consommateur, puisqu’ils auraient vendu un produit sans prévenir le consommateur des précautions à prendre et en passant « sous silence un fait important ».
« Les procédures des plaignants, utilisant souvent un langage hyperbolique malheureux, expliquent en détail à quel point Apple et Samsung sont négligents en ne divulguant pas le risque ou le danger de dépasser les limites de radiations lorsque les téléphones sont placés près du corps, résume le juge. Cela répond au fardeau de preuve limité qu’ils doivent présenter. »
Comme aucun plaignant n’a allégué avoir subi des lésions physiques, il écarte la demande de dommages-intérêts compensatoires de 13 000 $ par consommateur. Des dommages punitifs d’un montant à déterminer, par contre, sont envisageables.