Elle est remise en cause par son conseil scientifique
Nos associations ont pris connaissance du rapport publié le 10 mars, en toute discrétion, sur le site Internet de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Sans surprise, celui-ci confirme le bien-fondé de la décision commune du 8 mars dernier de 6 associations, soutenues par 8 autres, de suspendre leur participation au Comité de dialogue radiofréquences et santé de l’agence 1. Cette dernière voit sa crédibilité remise en cause par son propre conseil scientifique, qui s’inquiète du « décalage entre science et expertise ».
L’ANSES est donc maintenant critiquée EN INTERNE pour un « manque de transparence » et d’indépendance
En raison de nombreuses polémiques ayant suivi les avis rendus par l’ANSES sur différents sujets, notamment concernant l’exposition aux ondes électromagnétiques, son conseil scientifique a jugé nécessaire de mandater un groupe de travail intitulé « Crédibilité de l’expertise scientifique », à l’origine de ce rapport. S’agissant des recommandations formulées par l’agence, celui-ci fait ainsi état d’un potentiel « décalage entre connaissances scientifiques et résultats de l’expertise » et remet en cause à plusieurs reprises l’indépendance des experts choisis, comme nous l’avons maintes fois constaté et dénoncé.
Trois dossiers emblématiques ont ainsi été choisis comme cadre d’étude : ceux concernant le glyphosate, les néonicotinoïdes et les pesticides SDHI. Le rapport souligne, pour chacun d’entre eux, « la critique répétée des avis rendus et l’intensité des controverses et polémiques suscitées par les expertises […] ayant entamé la réputation de l’agence ». Avant d’évoquer tour à tour « le manque de transparence [des] décisions », « le poids des intérêts économiques », ainsi que « le décalage entre les connaissances scientifiques […] et le cadre réglementaire d’évaluation ».
Glyphosate, pesticides, ondes radiofréquences : mêmes controverses, même combat !
Si le cas de l’exposition aux ondes des téléphones portables n’a pas été directement documenté dans le rapport, nous souhaitons attirer l’attention de tous sur le fait que l’ensemble des éléments soulevés par celui-ci s’applique aussi totalement à ce sujet majeur de santé publique.
L’exemple de l’étude Mobi-kids est à ce titre éloquent : cette étude, censée analyser l’impact de la téléphonie mobile sur le risque de tumeur au cerveau chez les jeunes, a été noyautée par les industriels du secteur. Et ce, sans aucune réaction de la part de l’ANSES.
Ce rapport n’est pas une surprise : cela fait maintenant plusieurs années que nous remettons en cause le manque de diversité et d’indépendance des experts sollicités par l’ANSES. Contrairement au discours de l’agence, l’évaluation des risques concernant les enjeux de santé publique liés à l’exposition aux ondes électromagnétiques ne fait pas l’objet de l’indépendance requise. L’ANSES est maintenant épinglée par son propre conseil scientifique pour son manque de transparence et de neutralité, ce qui nous conforte dans notre prise de position commune. Nous espérons à présent des évolutions conséquentes et urgentes.
Nous, associations signataires, ne laisserons ni l’ANSES, ni l’OMS dénaturer la recherche concernant la cancérogénicité des ondes.
1- Parmi les signataires de ce communiqué, le CNAFAL a choisi de poursuivre sa participation au comité de dialogue
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L’ANSES se fait remonter les bretelles par son propre conseil scientifique
Dans un article publié le 17 mars 2023 sur le site de Nextinpact, le journaliste Martin Clavey évoque à la fois le rapport critique du comité scientifique de l’ANSES sur l’expertise de sa propre agence, mais aussi la décision récente de six associations, dont Alerte Phonegate de suspendre sa participation au comité de dialogue « Radiofréquences et santé ».
L’article étant pour le moment réservé aux abonnés, vous trouverez ci-dessous l’extrait accessible librement via leur site.
« Le conseil scientifique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) pose la question de la crédibilité de l’expertise scientifique au sein même de l’agence. Ambiance…
Un rapport du conseil scientifique de l’ANSES, intitulé « La crédibilité de l’expertise scientifique » et daté de novembre 2022, a été rendu public [PDF] sur le site de l’établissement public français chargé d’évaluer les risques sanitaires dans de nombreux domaines comme l’alimentation, l’environnement et le travail, mais aussi celui du numérique. Par contre, il n’a pas été annoncé par un communiqué de presse.
Ce conseil scientifique est indépendant des organes de fonctionnement de l’ANSES et se présente comme le « garant de la qualité de l’expertise scientifique et de l’indépendance de l’ANSES ». Il est composé de 29 membres : 2 de droit (le président du conseil scientifique de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et le président du conseil scientifique de Santé publique France), 24 « personnalités scientifiques compétentes dans le champ des missions de l’Agence, nommés par arrêté ministériel » et 3 membres à voix consultative « élus parmi les personnels scientifiques de l’Agence par leurs pairs pour une durée de trois ans renouvelable ».
Un article du journal Le Monde pointant ce rapport a permis de le mettre en lumière. La direction de l’établissement a de son côté mis en ligne une « Note de positionnement de l’ANSES suite à l’avis de son Conseil scientifique intitulé « Crédibilité de l’expertise scientifique : enjeux et recommandations » » [PDF].
À l’origine, le conseil scientifique part du constat que de nombreux avis rendus par l’ANSES « ont suscité controverses et polémiques » au cours des dernières années. Il a donc mandaté un groupe de travail en son sein pour comprendre la situation, mais aussi formuler des recommandations. Cette réflexion se fait aussi dans un contexte où, dans la société, l’expertise est questionnée et où le grand public se pose des questions sur les conflits d’intérêt que peuvent rencontrer les experts interrogés par les différentes agences, dont l’ANSES…. »
La suite via le site Nextinpact (réservé aux abonnés pour le moment)
https://phonegatealert.org/project/nexti
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La crédibilité de l’Anses questionnée par son propre conseil scientifique
Dans un rapport sur l’Agence nationale de sécurité sanitaire, les experts indépendants s’inquiètent du « décalage entre science et expertise » au sein de l’institution et préconisent une réforme de son fonctionnement.
Pas de communiqué de presse, aucune trace en « une » de son site Internet : le rapport a été mis en ligne en toute discrétion, vendredi 10 mars, par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Et pour cause, le document de 139 pages, que Le Monde a consulté, porte sur la « crédibilité de l’expertise scientifique » menée par l’agence, et ses conclusions ne sont pas flatteuses.
Glyphosate, néonicotinoïdes, fongicides SDHI : ces dernières années, dans plusieurs dossiers sensibles, les avis rendus par l’autorité sanitaire ont été au centre de vives polémiques. Au point que le conseil scientifique de l’Anses – composé d’une trentaine de scientifiques, la plupart indépendants de l’agence – a jugé nécessaire de mandater un groupe de travail pour analyser la situation et faire des recommandations. « Cette situation pourrait, si elle n’est pas gérée attentivement, menacer la crédibilité de l’agence », alerte le groupe de travail, créé à l’automne 2020 et dirigé par Pierre-Benoît Joly, président du centre Inrae Occitanie-Toulouse.
L’expertise est au cœur de « trois grandes tensions », relève le rapport. La première tient à « la nécessité de prendre en compte les connaissances scientifiques les plus avancées ». « Le décalage entre science et expertise constitue l’un des facteurs les plus importants d’érosion de la crédibilité et l’Anses ne parvient pas toujours à réduire cette tension », écrivent les membres du conseil scientifique. Deuxième tension répertoriée : « l’urgence de rendre certains avis », conduisant à déroger aux règles usuelles de l’expertise pour, in fine, rendre des « résultats fragiles ».
La troisième tension identifiée par les rapporteurs est institutionnelle. Depuis 2015, l’Anses est chargée non seulement d’évaluer les risques liés à certains produits (pesticides, biocides, médicaments vétérinaires), mais aussi de leur régulation. Elle encadre leurs usages, accorde ou non les autorisations de mise sur le marché ou édicte leur retrait. Avant 2015, c’est la direction générale de l’alimentation, au ministère de l’agriculture, qui était chargée de cette mission. Pour les rapporteurs, ce mélange des genres imposé à l’agence contribue à « l’érosion de sa crédibilité ».
Désaccords avec des membres de la communauté scientifique
Le conseil scientifique de l’Anses s’est fondé sur l’analyse de trois cas pratiques, concernant tous des pesticides : les insecticides « tueurs d’abeilles » néonicotinoïdes, le glyphosate, célèbre herbicide controversé de Monsanto, et les fongicides SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase). Dans ces trois situations, le hiatus entre le cadre réglementaire de l’expertise et la réalité des connaissances scientifiques disponibles est une cause majeure de conflit. Si, dans le cas des néonicotinoïdes, le débat s’est rapidement éteint avec l’annulation, par la justice administrative, des autorisations de mise sur le marché délivrées par l’agence à des produits à base de sulfoxaflor (un insecticide ayant le même mode d’action que les néonicotinoïdes), il perdure pour le glyphosate et les SDHI.
Avec une particularité : c’est avec des membres de la communauté scientifique ou des institutions scientifiques que l’Anses est en désaccord, parfois vivement. Dans le cas des SDHI, c’est un groupe de chercheurs des organismes publics qui accuse l’agence, depuis 2017, de ne pas tenir compte des risques présentés par ces produits pour la santé humaine et l’environnement malgré ses alertes. Dans le cas du glyphosate, c’est avec les conclusions du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) ou l’Institut national pour la santé et la recherche biomédicale (Inserm) que les conclusions de l’Anses divergent. Le CIRC, comme l’Inserm, juge l’herbicide bien plus dangereux que le gendarme français des pesticides.
« Très fortes pressions »
Le conseil scientifique s’est appuyé sur des auditions de scientifiques, d’experts, d’élus ou de membres de la société civile pour proposer une série de vingt-sept recommandations. Il préconise notamment de prendre en compte les connaissances scientifiques nouvelles, de formaliser le traitement des alertes scientifiques, d’affiner le traitement des conflits et liens d’intérêts…
Cet ensemble de recommandations vise à réformer le fonctionnement de l’agence afin de renforcer sa crédibilité. Sans garantie de réussite. Pour l’un des scientifiques interrogés par le conseil, la perte de crédibilité de l’Anses n’est pas liée à ses expertises, mais à la réalité de « l’effondrement de la biodiversité en France ». « Cela veut dire que les expertises n’ont pas fonctionné depuis trente ans, a-t-il témoigné. Nous pouvons ensuite nous demander pourquoi ces expertises n’ont pas fonctionné, pourquoi l’Anses ou ses prédécesseurs n’ont pas été capables de voir la catastrophe venir ? C’est vraiment la cause de la décrédibilisation de l’Anses. »
Dans une note publiée avec le rapport, l’Anses assure travailler à « améliorer en continu ses approches et ses méthodes pour produire des expertises robustes et crédibles ». Pour Brice Laurent, responsable de la direction sciences sociales de l’Agence, les recommandations du rapport « font écho aux démarches entreprises par l’Anses pour s’ouvrir à de nouvelles connaissances ».
Au sein du conseil scientifique, on ne se fait toutefois guère d’illusion sur l’avenir de certaines recommandations visant en particulier à rendre plus « étanche » la frontière entre l’évaluation et la gestion des risques liés aux pesticides : « L’Anses est une institution prise entre quatre feux [quatre tutelles ministérielles, santé, transition écologique, agriculture et économie] et soumise à de très fortes pressions. Elle n’aura pas forcément la latitude de mettre en place des réformes pourtant nécessaires.
lemonde.fr
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