Electro Hyper Sensibilité

Comment vraiment savoir si l’on est hyper-sensible ? 

  • Comment apprivoiser cet état qui toucherait 15 à 20 % de la population générale ?
  • Comment s’accorder au mieux à son environnement ?
  • Comment bien vivre avec ses proches, sa famille, ses amis, ses collègues de travail, sa moitié ?

Extraits de l’émission ci-dessous

Portrait type d’un hypersensible

Charlotte Wils : « La première chose, souvent, c’est un sentiment de décalage. On va ressentir un sentiment de décalage avec les autres, au travail, et parfois même au sein de sa propre famille ou dans une relation de couple. On peut aussi nommer une grande empathie, c’est-à-dire que non seulement on va avoir de l’empathie pour les autres, mais on va aussi ressentir ce que les autres vont ressentir« .

Trop, c’est l’adverbe qui caractérise de nombreux hypersensibles. Trop de bruit, trop d’odeurs, trop d’émotions, d’empathie, de pensées.

Fabrice Midal témoigne de son expérience personnelle : « Quand j’étais enfant, c’était vraiment très difficile. Mes parents avaient l’impression que je me croyais tout le temps sur une scène de théâtre parce qu’ils allumaient la télévision et je pouvais exploser en sanglots. Et au fond, la grande libération, pour un hypersensible, c’est de savoir qu’il est hypersensible. On ne se rend pas compte à quel point ça change tout puisque au lieu de vous sentir anormal, bizarre, vous comprenez juste que vous avez une singularité qui peut devenir un don formidable si jamais vous apprenez à l’explorer.

Il y a dix ans, un neuroscientifique m’a expliqué que j’étais hypersensible. Au début, j’avais pris ça un peu comme une insulte, j’avais cette image que les hypersensibles sont des pauvres petites choses donc je ne me reconnaissais pas trop. Mais en fait c’est « au niveau des sensations, des émotions, de l’empathie, de l’intelligence (une sorte d’intelligence fulgurante qui peut aller d’un peu dans tous les sens) : il y a une un mot qui dit à la fois ces quatre phénomènes. C’est comme si les pièces du puzzle se mettaient ensemble.

Il y a une phrase du poète Marina Tsvetaïeva, qui était une autre hypersensible, qui dit « Je n’exagère rien, je minimise tout ». Et moi, j’ai l’impression que c’est ma phrase : tout le monde me dit que j’exagère or j’ai l’impression que je n’exagère pas. Si on savait ce que je sentais, on verrait à quel point je fais vraiment attention ».

Maurice Barthélémy, hypersensible lui aussi, dit avoir l’impression de vivre avec une parabole au-dessus de la tête, avec la sensation de capter beaucoup d’informations olfactives, auditives, visuelles, d’être submergé par un flot d’informations et de sensations. « Je rapproche plus l’hypersensibilité de l’information que de l’émotion, c’est-à-dire que j’ai trop d’informations qui m’assaillent et au final je suis un peu confus et fatigué. Tout le travail que j’essaye de faire maintenant, c’est de calmer cet afflux d’informations et de faire le tri pour y voir plus clair et pouvoir prendre des décisions plus facilement ».

Hypersensible, ça n’est pas juste un mot à la mode

Fabrice Midal a mené une enquête sur le sujet à travers toute l’histoire occidentale. « Aristote parle des hypersensibles de manière très précise », explique-t-il. « Ce qui m’a beaucoup surpris, c’est que les grands hommes politiques, les grands scientifiques, Hercule lui-même, étaient des hypersensibles. Nous, à la rigueur, on accepte que les artistes soient hypersensibles, mais on a du mal à imaginer qu’un grand homme politique le soit aussi. Mais les grands hommes politiques sont hypersensibles parce qu’ils arrivent à voir des signaux faibles que les autres ne voient pas. Ce n’est pas juste un mot à la mode qui apparaît maintenant, mais cela correspond à une longue histoire ».

L’hypersensible et son environnement

Fabrice Midal : « L’environnement permet que l’hypersensibilité ne devienne pas quelque chose qui vous étouffe mais une chance, c’est-à-dire que l’hyper sensible a besoin plus que les autres d’un environnement empathique, être accueilli, et c’est cet accueil là, dans son enfance, qui va faire que l’hyper sensible va réussir à en faire une force, tandis que dans l’autre cas, il va perdre ses moyens.

Les enfants hypersensibles sont un peu comme des orchidées : ils ont besoin d’énormément de soins pour grandir. Mais si on prend bien soin d’eux, ils vont pouvoir grandir et même avoir des qualités tout à fait étonnantes. 

Il y a une enquête que je trouve assez intéressante, qui a été faite aux Etats-Unis avec des enfants hypersensibles. On les met dans une pièce dans laquelle il y a une table avec des vieux jeux cassés et de beaux jouets neufs. Et on demande à l’enfant hypersensible ‘Tu peux jouer avec ce que tu veux sur cette table-là, mais les beaux jouets pas encore, il faut que je demande l’autorisation’. On met une vitre sans tain et on observe : l’enfant hypersensible résiste plus que les autres à ne pas jouer avec les Jeux. Il est pris par un engagement moral de respect de la parole. Mais ça, ça dépend du fait qu’il soit bien accompagné. Et donc, l’environnement est central. Et quand on n’a pas eu cette sécurité affective dans l’enfance, on a besoin plus tard de se la créer parce que l’environnement est absolument central. Donc, tout hypersensible doit se créer un environnement de sécure pour pouvoir faire face à cet afflux d’informations ».

L’hypersensibilité est-elle acquise ou innée ?

Fabrice Midal : « Il semblerait qu’il y a un grand facteur génétique, il y a pas mal de recherches qui semblent le montrer. Maintenant, c’est vrai aussi que, dans la violence sociale dans lequel on est, il y a des gens qui deviennent hypersensibles. Vous mettez n’importe qui dans un open space, j’ai l’impression qu’après quelques temps, il pourrait devenir hypersensible, c’est quand même quelque chose d’humain. L’hypersensibilité est une singularité, mais celle-ci met en avant certains traits que tous les êtres humains ont.

On n’est pas un Martien parce qu’on est hypersensible, mais certains traits que tout le monde a sont juste génétiquement plus plus intensifiés.

Pour les parents ou les enseignants, comment repérer un enfant / ado hypersensible ? 

Charlotte Wils : « L’enfant ne va pas forcément être dans les grands groupes, avec les élèves populaires. Il va s’isoler un peu dans la cour de récréation, qui va être très sociable, qui va être content d’avoir des amis, mais qui va avoir peur un peu de rentrer dans les groupes ou de se faire remarquer« .

Frédéric Midal témoigne : « En tant qu’hypersensible, on n’aime pas les grands groupes parce qu’on a besoin d’intimité et d’harmonie. Du reste, au boulot, on voit bien : les hypersensibles ne sont pas ceux qui vont se battre pour écraser les autres et avoir le pouvoir, ça ne les intéresse pas du tout. Ils ont un souci d’harmonie intense. Donc, dans la cour de récréation, l’objectif c’est plutôt de trouver la personne avec qui on a un lien d’amitié profond, avec qui on peut parler en vérité, parce qu’on a besoin de ce rapport d’empathie.

L’hypersensibilité vue par une psychiatre

Aurélia Schneider : « Heureusement que ça n’est pas une pathologie d’être sensible, ou hypersensible. On peut avoir cette aptitude de ressentir, de percevoir, d’exprimer très fortement des émotions, des sentiments : c’est selon moi à rapprocher de l’empathie. Quand j’ai des patients comme ça qui sont un peu comme du cristal, je leur dit « Mais vous n’êtes pas empathique, vous êtes hyperpathique », ça leur plaît beaucoup. C’est une compétence variable et instable selon un même individu. Il y a des périodes de la vie où on est plus hypersensible que d’autres, à cause des événements (heureux ou malheureux) que l’on vit, des bouleversements hormonaux, etc.

J’ai été sensible à ce qu’a dit Fabrice Midal sur la perception de signaux faibles : ce sont souvent des gens qui repèrent les émotions avant même les personnes qui sont elles-mêmes vectrices de ces émotions. C’est-à-dire qu’il y a une perception de l’émotion sans que l’autre ait parlé, comme une panne de courant électrique,directement dans la peau de l’hypersensible.

Mais ça n’est pas, du tout, psychiatrique. Loin de là. »

Comment faire pour gérer son hypersensibilité ?

Le conseil de Frédéric Midal :

Je pense qu’une des clés pour l’hypersensible, c’est d’accepter de ne pas contrôler ses émotions et de ne pas chercher à se calmer. 

« Ce qui m’a fait beaucoup de tort, c’est qu’à un moment, je pensais « Je ressens trop donc il faut que je me calme ». Or plus vous voulez calmer un hypersensible, et pire il va être parce qu’on ne peut pas se calmer. Il faut d’abord accepter pleinement d’être hypersensible. Il faut faire l’inverse.

C’est pour ça que, par exemple, la méditation de pleine conscience, ce n’est pas du tout pour moi. Je crois que c’est pas du tout pour les hypersensibles parce qu’essayer de se calmer, de faire le vide dans sa tête, ça ne marche pas du tout, ça rend les choses pires. Donc, il faut essayer de faire d’autres formes de méditation dans lesquelles on se fout la paix. On entre en rapport à ce qu’on vit. On accepte d’être heureux d’avoir de l’empathie pour soi-même, de l’empathie pour son empathie. Mais je crois qu’il faut sortir de l’idée qu’il faudrait contrôler »

L’hypersensibilité, ça n’est pas une faiblesse, c’est une vulnérabilité. Mais la vulnérabilité, c’est aussi une capacité de voir ce que les autres ne voient pas et de pouvoir aider le monde.

Les hypersensibles ne veulent pas lâcher et malheureusement, dans certaines entreprises, on en profite parce qu’on sait qu’ils vont faire le boulot jusqu’au bout – du coup, ils sont plus sensibles aux burn-out, pas parce qu’ils sont hypersensibles, mais parce qu’ils vont travailler jusqu’à plus d’heure, parce qu’ils ne veulent pas laisser tomber leurs collègues.

Il faut cultiver son hypersensibilité. Moi, par exemple, je passe beaucoup de temps à écouter de la musique. Je me suis formé, j’ai beaucoup de plaisir à écouter, j’affirme, j’affirme mon goût, mais ça peut être aller dans la nature… C’est important de trouver par où on profite de ces antennes. On a des antennes, autant autant les les explorer« .

Frédéri Midal recommande aussi aux hypersensibles d’accueillir leurs émotions, qu’elles soient négatives ou positives : « il faut laisser tomber cette idée (que je trouve complètement absurde) qu’il y a des émotions positives et des émotions négatives. Pour un hypersensible, toute émotion a quelque chose à lui dire. Il y a des émotions agréables ou désagréables, mais la colère, la tristesse, le chagrin sont des émotions que vous devez explorer. Vous verrez, elles ont des choses formidables à vous dire. »

Attention à ne pas trop confondre l’hyper émotivité et l’hypersensibilité

Maurice Barthélémy : « Il faut faire attention à ne pas trop confondre l’hyper émotivité et l’hypersensibilité. Oui, les hypersensibles sont émotifs, sûrement, mais il y a plein d’autres caractéristiques et souvent, il y a une confusion. Et on dit que les hypersensibles sont fragiles, qu’ils vont s’effondrer en larmes devant la télé, etc. Alors oui, certains le sont, mais moi, par exemple, je suis un hypersensible qui ne suis pas très, très, très émotif »

Quelques clés pour l’entourage d’un hypersensible 

Charlotte Wils : « Ça va être d’écouter les propos des personnes hypersensibles. Ils ont pas forcément besoin, si vous voulez que l’autre réagisse de la même manière, mais ils ont un grand besoin d’être compris. La compréhension, pour eux, est essentielle. Donc, ça va d’abord être de les écouter. Et puis essayer de les comprendre ».

Frédéric Midal : « En fait, c’est tout bête. Il suffit de reconnaître que l’autre ne fonctionne pas tout à fait comme nous et de pouvoir et de pouvoir l’écouter. Et ça change vraiment tout.

On ne se rend pas compte  : quand on est hypersensible on vit avec le sentiment qu’on est en faute de ressentir, le moment où on comprend que ça n’est pas une faute mais une singularité, et qu’on va pouvoir vivre : ce pouvoir de l’acceptation, c’est fou comme il est puissant et comme il change tout »

Quels sont les risques de refuser son hypersensibilité ? 

Quand on refuse son hypersensibilité, le « faux self » prend le pas sur le « véritable moi » (Ce concept de faux self a été élaboré par le pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott). Le faux self, c’est cette carapace qui se construit peu à peu au gré des circonstances et qui fait oublier le véritable moi…

Frédéric Midal : « On essaye de correspondre à l’image qu’on pense que la société veut de nous. On se coupe de ce que l’on sent, on essaye de se forcer à entrer dans un moule, on vit avec une carapace, c’est de plus en plus douloureux. On a l’impression de passer à côté de sa vie, mais on ne s’en rend même pas compte. On sent qu’il y a un malaise, mais on n’arrive même plus très bien à savoir parce qu’on est on est prisonnier dedans.

« C’est le paradoxe de l’hypersensibilité : au lieu de vouloir se protéger, il faut explorer ». 

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