A propos des poses forcées

Une réflexion provenant de Paris-Sud

– Les 18 parisiennes et parisiens requérants contre ENEDIS n’ont pas obtenu le 10 décembre 2020 du Tribunal Judiciaire de Paris l’interdiction pour ENEDIS de poser un compteur Linky chez eux… mais en l’absence dans la loi de toute disposition s’imposant aux personnes, nous continuons à soutenir avec Maître Magarinos Rey (Artémisia) que nul n’est tenu  d’accepter la mise en place d’un compteur Linky chez lui.

– Nous avons donc décidé, 4 d’entre nous (sur les 12 restant, compte tenu des départs – déménagements et décès) le 23 février 2021 de poursuivre en appel, compte tenu des attendus du jugement du 10/12/2020, qui, par exemple, suivent ENEDIS quand il déclare relever nos consommations et puissances toutes les heures (nous apportons la preuve que la collecte des données se fait toutes les 1/2 heures, contrairement aux préconisations de la CNIL et aux stipulations du décret « Royal »).

– Nous avons pris en compte un attendu du jugement de la Cour d’Appel de Bordeaux (pas d’obligation pour ENEDIS de poser un Linky chez un particulier)

– Le mémoire fourni en défense par ENEDIS ne s’appuie, par contre, sur aucun élément nouveau.

– Sauf incident, l’audience de la Cour d’Appel de Paris (« plaidoiries » ) est fixée au 20 avril 2023 à 14 h au Tribunal Judiciaire de Paris

– Un communiqué est en cours de diffusion, la collecte de fonds reprend (puisque le budget initialement annoncé semble confirmé)

Pour le reste, les démarches juridiques ne peuvent qu’accompagner une mobilisation citoyenne. OUI, PAR NOS ACTIONS, NOUS AVONS GAGNE… la reconnaissance actuelle par la CRE de la régularité du refus du Linky (par le biais de l’autorelève), toute provisoire et qui témoigne du rapport de force acquis.

Mais les poses forcées se poursuivent, à bas régime maintenant, essentiellement en milieu urbain (encore des « opérations commandos » signalées le mois dernier dans des immeubles locatifs à Paris), à l’occasion de rénovation de colonnes montantes électriques d’immeubles (désormais majoritairement propriétés d’ENEDIS), de mutations de patrimoines ou de de modifications de puissances électriques. Si la fermeté peut suffire quand les compteurs sont dans les logements, c’est une vigilance constante qui permet de s’opposer à la pose de Linky dans les autres cas.

Du côté des actions engagées par les collectifs avec Maître Raffin, au delà du communiqué tendancieux de l’AFP et des « hourras! » de nos adversaires, nous attendons de connaître la position des intéressés (appel ou pas ?) et les jugements suivants.

Et nous poursuivons actions et interventions…

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Le droit face au Linky

« Le remplacement des compteurs, outils de comptage des consommations

d’électricité, est donc obligatoire… Les conditions générales de vente des

contrats de fourniture d’électricité prévoient tous un libre accès aux

compteurs pour le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, c’est-àdire

Enedis. » écrit ENEDIS en réponse aux courriers de refus du Linky par les

usagers du service public.

Il n’y a eu à ce jour aucun jugement d’arrêté définitivement sur le fond pour dire

si l’introduction d’un objet connecté chez soi, non-contrôlable et nondésactivable

; le changement de nature d’un compteur devenant aussi capteur de

données personnelles; le changement de la nature électrique par la superposition

du CPL sur le circuit électrique en 50 Hz sans l’assentiment de la personne ne

contrevenait pas aux fondamentaux des droits français et européen. Ce qui est

« obligatoire » pour Enedis est de respecter le refus, ou le non assentiment de

la personne, car il n’existe dans la loi aucune servitude sur les circuits

électriques privés. De plus, on ne peut imposer unilatéralement un changement

de contrat impliquant la superposition nouvelle du CPL sur le 50 Hz contractuel.

Quant au coffret, il appartient à l’usager qui l’a payé via le TURPE, et le

compteur n’appartient pas en droit à Enedis. « L’assentiment de la personne »

revenant dans tous les textes de lois européens quels qu’ils soient, ce qui

s’entend de l’institution d’une démocratie.

C’est très probablement pour ces raisons que trois Cours d’appel ont

conclu qu’il n’existe aucune obligation pour un particulier à accepter le

compteur/capteur Linky. Cela a été rappelé à Enedis par les arrêts des Cours

d’Appel de Grenoble, JurisData n° 2020-019057 le 10 mars 2020 ; d’Orléans n°

19/03354 le 18 novembre 2020 ; de Bordeaux n° 19/02419 le 17 novembre 2020.

On lit ceci dans le Jugement de la CA de Bordeaux :

« Or, à cet égard, on ne saurait suivre la société Enedis lorsqu’elle affirme

l’existence d’une obligation légale pour le consommateur d’accepter la pose

d’un compteur Linky. En effet, les textes visés par Enedis, à savoir une directive

européenne, une loi et un décret n’imposent en rien une telle obligation. » La

Cour souligne ensuite que « contrairement à ce qu’affirme la société Enedis,

aucun texte légal ou réglementaire, européen ou national n’impose à Enedis

société commerciale privée, concessionnaire du service public, d’installer au

domicile des particuliers des compteurs Linky, qui entrent certes dans la

catégorie des compteurs intelligents ou communicants, c’est-à-dire pouvant

être actionnés à distance, mais n’en sont en réalité qu’un modèle »(…) Le

Linky est le résultat d’un choix technico-commercial qui ne saurait être

imposé à l’abonné »

La Cour avait préalablement relevé que les dispositions de la directive

2009/79/CE ne mettent à la charge des abonnés aucune obligation d’accepter

son installation. Ce à quoi il faut ajouter que le droit français de l’énergie

n’institue aucune servitude de compteur à la charge des abonnés. Le refus de

la pose d’un compteur communicant n’est donc nullement constitutif d’un

prétendu délit d’entrave au réseau (Lecture de Me Olivier Cachard).