L’addiction aux écrans

Allez-vous passer 15 ans de votre vie devant un écran ?

Mais que faisons-nous au quotidien du temps de vie supplémentaire potentiel que nous offre une espérance de vie en bonne santé de plus en plus longue ? Nous la passons devant un écran, à perdre notre temps à force de le passer ou de le tuer. Comme ces milliers d’anonymes côte à côte, le 31 décembre, sur les Champs-Élysées, tous occupés à vivre par procuration, par écran interposé, la réalité d’une nouvelle année. Trop occupés à filmer au lieu d’apprécier le réel. Il y a une quinzaine d’années de cela, le philosophe Michel Serre avait imaginé une jeune fille,

qu’il avait baptisé  » Petite Poucette « .

Il voyait en elle la représentante d’un nouvel être humain, capable d’envoyer des messages avec ses pouces. Après les deux révolutions connues par nos sociétés occidentales – le passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé – place à la troisième, celle des nouvelles technologies. Avec leurs avantages… et leurs dangers. Comme le résumera un jour le philosophe avec le franc-parler qu’on lui connaissait, « les 3h37 d’espérance de vie moyenne gagnée par jour sont passées à devenir con devant la télé ! » Mais à la télévision ont succédé les ordinateurs, puis les smartphones et leur cortège sans fin d’applications, de jeux, de vidéos en streaming et de réseaux sociaux.

Qu’est devenue la Petite Poucette à l’heure de l’IA ?

« Avec l’explosion des réseaux sociaux, elle semble s’être confondue avec son outil, qu’elle ne quitte plus, même pour dormir ».

Que marquera-t-on sur nos pierres tombales, demain ? Ci-git un Homo Connectus, décédé à l’âge de 80 ans, dont 15 passés devant Netflix, sur Instagram, TikTok et à jouer à Candy Crush… Entre smartphone et ordinateur, sans oublier la télévision pour ses derniers millions de spectateurs, combien d’années de notre vie passerons nous devant un écran ? D’ores et déjà, en moyenne, le temps passé sur les écrans représente près d’un tiers de notre vie hors sommeil. En 2022, si l’on en croit les chiffres du Baromètre du numérique, les Français ont ainsi passé en moyenne 4,6 heures chaque jour devant un écran, que ce soit pour des raisons personnelles ou professionnelles ou personnel. Ce qui représente 29 % du temps hors sommeil. Le calcul est rapide : en se fondant sur une espérance de vie de 82 ans (79,3 ans pour les hommes et 85,2 ans pour les femmes), un Français aura passé 14 ans et 310 jours devant les écrans… Un chiffre effrayant, mais plus encore quand on s’éloigne de la moyenne pour se pencher sur l’âge de ces consommateurs d’écran.Déjà, le temps d’écran quotidien d’un enfant de deux ans en France est de 56 minutes, quand il ne devrait pas même en regarder, pour ne pas nuire à son développement et à sa sociabilisation. Mais il atteint 4,6 heures pour l’ensemble des douze ans et plus, dont 87 % possèdent désormais un smartphone. Chez les adolescents,

il passe à 6 à 7 heures une journée sans école.

On pourrait dire que les écrans dévorent leur vie, mais en fait, ils sont leur vie. Selon une enquête de Santé publique France sortie en avril 2023, « dans l’ensemble, les temps d’écran étaient plus élevés chez les familles ayant des origines immigrées, ou un niveau d’études de la mère faible ».

Faut-il être une dictature pour limiter le temps d’écran ? La Chine ne se contente pas de rendre la jeunesse du monde stupide via TikTok tout en en proposant une version différente, éducative, à ses propres jeunes. Ainsi, quand les adolescents américains ou européens rêvent de devenir influenceurs, l’Empire du Milieu incite sa jeunesse à devenir ingénieur, chercheur ou taïkonaute… En parallèle, l’administration chinoise en charge du cyberespace (CAC) a proposé de

restreindre l’accès à Internet aux mineurs :

cette nouvelle législation « anti-addiction » (et anti-myopie !) leur interdit notamment d’accéder à Internet la nuit sur leur smartphone. Elle limite également leur temps de connexion de jour de 40 minutes à deux heures,

selon leur âge.

En Chine, les moins de 18 ans ne pouvaient déjà plus jouer en ligne plus de trois heures par semaine. Alors que les « méga-apps » permettent déjà de tracer le moindre détail de la vie numérique des Chinois, tandis que de nombreuses applications, jeux vidéo et réseaux sociaux sont interdits en Chine, le mariage entre cybersurveillance et reconnaissance faciale permet au pouvoir d’imposer, et non de proposer, des limites radicales à l’utilisation d’un smartphone.

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