FX Lefranc écrit dans Ouest-France ; le co-président de l’association Résistance 5G Nantes répond
Nous n’étions pas le 1 er avril mais bien le 1 er janvier. Ce n’était pas une blague !
La Poste a décidé de remplacer le service de courrier prioritaire avec le timbre rouge par un système qui consistera pour l’expéditeur à envoyer un courrier électronique qui sera ensuite imprimé par un postier avant d’être distribué. Le postier s’engagera à ne pas lire le contenu.
Ne tournons pas autour du pot. Cette décision signifie que toutes les personnes qui n’ont pas accès à Internet n’auront désormais plus accès au courrier prioritaire. La Poste invoque la préoccupation écologique.Nous ne lui reprocherons pas d’en porter le souci. Mais parmi ceux qui collent encore aujourd’hui un timbre rouge sur leur courrier en espérant qu’il sera livré le lendemain, il y a beaucoup des oubliés de l’Internet (1).
Que pèse la personne seule ou isolée, avec peu de ressources, dans le monde rural ou au fin fond d’un quartier déshumanisé, exclue de l’Internet parce que ce monde est compliqué quand on n’a pas les codes ? Ses priorités, si peu rentables, peuvent bien attendre quelques jours de plus.Existe-t-elle encore aux yeux de notre société où s’impose trop souvent le sentiment que nous n’avons plus les moyens de la bienveillance et de l’attention humaine ? Ce que nous dit cette mesure, c’est que la machine à exclure est en marche et qu’elle tourne à plein régime.
Car la prochaine étape, on la devine : les tournées de facteurs seront de plus en plus rares. Et si le facteur passe encore de temps en temps, on regroupera les boîtes aux lettres au bout d’un chemin qui ne cessera de s’allonger. Le service de proximité serait devenu un luxe inutile. Nous pouvons aujourd’hui déverser nos humeurs et nous insulter à tour de bras sur les réseaux sociaux mais écrire un message en espérant le voir livré le lendemain matin en toute confidentialité est donc devenu impossible. La promesse du petit timbre rouge disparaît. Mais elle était encore un bout de lien social.
Égalité ? Équité ?
Il est urgent que les responsables politiques rappellent à La Poste sa mission de service public, c’est-à-dire au service de l’intérêt général. Cette mission fixe entre autres objectifs le service universel postal et la contribution à l’aménagement et au développement du territoire. La Poste,faut-il le rappeler, est une société à capitaux publics détenue à 66 % par la Caisse des dépôts et à 34 % par l’État. Son conseil d’administration est composé de personnes qui sont garantes que cette mission sera assurée.
Il est évidemment indispensable que La Poste ait les moyens de remplir ses missions. Mais l’équilibre des comptes est-il l’objectif prioritaire et la mission, l’objectif secondaire ? Si c’est le cas, il faut le dire clairement.Il ne peut y avoir deux sortes de citoyens ou deux sortes de territoires,ceux qui seraient dans le coup et les autres.
Les entreprises privées spécialisées dans les colis imaginent déjà la livraison par drones. La Poste n’en est pas là. Mais la mesure qu’elle vient d’annoncer est un pas de plus vers la désagrégation de quelque chose d’essentiel : le service public. Il doit assurer l’égalité, l’équité. Dans une société où il est devenu normal de ne plus avoir de médecin traitant, la disparition du timbre rouge paraîtra sans doute insignifiante à certains. Ils se trompent. Et qu’ils n’oublient pas une chose : ce qui exclut les citoyens abîme la démocratie.
François-Xavier LEFRANC
(1)17 % de la population française est en difficulté, voire dans l’incapacité d’utiliser Internet, selon une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
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R5GN écrit à Monsieur François-Xavier Lefranc
je me permettrai de rebondir sur votre interpellation citoyenne et de bon sens dans votre article du 7 janvier « Ce monde est-il timbré ? ».
Vous rappelez que « 17 % de la population française est en difficulté, voire dans l’incapacité d’utiliser Internet », qu’« Il ne peut y avoir deux sortes de citoyens ou deux sortes de territoires, ceux qui seraient dans le coup et les autres » et vous posez à juste titre la question de « l’égalité », de « l’équité ».
La Poste (qui vend des smartphones dans ses étalages), victime de la baisse du courrier postal, fait comme si elle avait acté sa disparition en encourageant la « dématérialisation » de ses services. Des factrices et facteurs se sont plaints d’être contrôlés dans leur distribution par leur smartphone ou tablette au cas où ils s’attarderaient à discuter avec les usagers. Certains employés de Chronopost ne livrent plus leur colis aux personnes qui n’ont pas de numéro de portable. Elles doivent aller les chercher à La Poste.
Enfin est-il normal que ce service public fasse de la publicité pour collecter nos données d’identité numérique et celles de notre santé ?
Concernant la santé, des médecins sous la coupe de Doctolib (dont la probité est bien douteuse selon une émission d’Élise Lucet et des articles du Monde), ne téléphonent plus à leurs patients que sur des numéros de portable, plus sur des fixes. Il est vrai que la gestion par Doctolib leur fait économiser un(e) secrétaire.
Est-ce que chaque humain devra, d’ici très peu, être impérativement relié au « grand tout-connecté » via un smartphone ? La Défenseure des Droits a lancé cette alarme : « Il n’est pas possible d’imposer à tout le monde d’avoir un smartphone ! »
« Liberté, Égalité », à l’ère de l’imposition larvée du tout-connecté ? Notre Conseil régional dans sa propagande de rentrée scolaire est fier de les associer à « Connecté ». « Fraternité » a disparu.
Nous pouvons, pourtant, toutes et tous savoir que chaque smartphone contient environ 55 métaux et terres rares et produit 87 kg de déchets dus à un extractivisme fossile extrêmement polluant. Ceci a lieu dans des conditions humaines et sociales épouvantables, dans des pays loin de nos yeux, dont près de 90% sont traités en Chine (pays ami ?). Très peu est recyclable. Ces émetteurs-récepteurs contre notre cerveau sont nocifs sans grande précaution. Alerte Phonegate, en lien avec l’ANFR et l’ANSES, a démontré que les DAS tête, tronc, membres sont truqués par une majorité de fabricants. Enfin que dire de la boulimie d’énergie que nécessitent ces mini-ordinateurs portatifs en totale contradiction avec les urgences de l’époque.
Il y a un problème de pouvoir d’achat ? Quel est le budget de l’électronumérique par ménage entre ordinateurs et OS américains, le smartphone, l’imprimante et ses cartouches – tout ceci énergivore et à obsolescence rapide – plus les frais d’opérateurs ? Il y a un grave problème d’électricité et de son coût ?
Si 10% de la population décidait de se débrancher, dénumériser un peu, beaucoup ou totalement, combien d’épineux et ruineux EPR en moins, combien de fermes d’éoliennes d’évitées ?
On culpabilise les gens avec les tickets de caisse. C’est totalement dérisoire et écologiquement absurde quand tout est fait pour les renvoyer sur des applis et in fine sur leur portable !
Nos associations défendent l’usage du papier utile contre l’obésité électronumérique polluante et énergivore en totale contradiction avec les discours sur la « sobriété » énergétique, les mesures pour le climat, la préservation de la biodiversité etc. On nous parle de reforestation, de débétonisation. Il serait peut-être grand temps d’agir.
Nous assistons à un dévastateur greenwashing technologique jouant de la sidération des masses au portable (immédiat et commode) dans le déni total du RÉEL c’est-à-dire des contraintes matérielles, physiques, géopolitiques de tous les appareillages électronumériques. Tout ceci est très bien documenté.
On peut le savoir, mais par inconscience, facilité de vie, intérêt commercial ou industriel, par une sorte de religiosité à l’égard du numérique, on n’a surtout pas envie de le savoir.
Quand sortira-t-on de la pensée magique de la « dématérialisation » et du mirage des clouds » éthérés ?
Quand sera-t-on enfin social-écologique « pour de vrai » ? C’est bien la question profondément civilisationnelle et humaniste étendue à tout le vivant que nous posons.
Au nom de notre devise républicaine et de ses valeurs, au nom de l’écologie réelle et d’une sobriété énergétique lucide et raisonnée, nos associations en appellent au droit universel, imprescriptible, à la déconnexion, à ne nous connecter que si et quand nous le décidons, au droit à ne pas avoir de portable.
Bernard Neau, co-président de l’association Résistance 5G Nantes, membre du Cercle Nantais pour une Social-Écologie critique
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Ce dernier courrier venait en « rebond » de l’article d’Ouest-France qui s’indignait de la suppression du timbre rouge au nom de la fameuse « fracture numérique ». « Résistance 5G Nantes » attendait la publication de son « rebond » ce week-end –ce fut chou blanc. Peut-être la semaine prochaine ? Ou jamais !
Ce texte aborde la question de « comment s’opposer à la numérisation de la vie et du monde ? ».
« Que faire ? » est bien la question soulevée localement dans les conférences dans la région de Nantes ; avec le public et entre eux, mais aussi élargie à l’international. Car il y a grande urgence à réagir.
Fabien Lebrun (On achève bien les enfants, écran et barbarie numérique + intervention lors de la visio d’octobre du réseau anti-Linky et 5G) va dans ce sens : il va venir chez nous en mars 2023.
Sans oublier que Nicolas Bérard (Sexy Linky, 5G mon amour, Ce monde connecté qu’on nous impose) est déjà venu chez nous en octobre 2020.