Emission du 5 mai 2025 « L’Air du Temps ».
Intervention du collectif ACCAD à partir de 9h 23 environ
https://www.radioplus.fr/ ; 104,3 FM
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Analyse à partir du documentaire « et si on levait les yeux », paru sur Public Sénat
C’est un sujet récurrent dans cette rubrique : un usage excessif des écrans comporte des risques importants pour la santé physique, mentale, sociale et le développement des enfants, d’où l’importance d’adopter des habitudes équilibrées et contrôlées. Nous en avons déjà beaucoup parlé et nombreuses sont les Associations qui luttent contre la dépendance aux écrans, contre la surexposition et qui sensibilisent le public aux dangers liés à leur usage excessif …. Le Collectif ACCAD (Contre les compteurs communicants, la 5G et la numérisation de la société) en fait partie …. Et vous connaissez bien son représentant, souvent avec nous, sur les ondes ….
Pour vous Pierre, cette surexposition aux écrans est un véritable combat et d’ailleurs beaucoup d’associations œuvrent dans le même sens et il y en a même une à Marseille avec des antennes et intervenants à Paris, Bordeaux, Nice, et autres villes françaises … qui s’appelle « Lève les yeux » … « Si on levait les yeux », c’est justement le titre de ce superbe documentaire de 52 minutes qui plonge le spectateur dans une réalité immersive qui traite des dangers de la surexposition des enfants aux écrans et qui n’élude pas la responsabilité des uns et des autres, comme les parents … Un film qui a été projeté à Harnes, le 24 Avril et que l’on peut retrouver sur internet, assez facilement … Parlez-nous de ce film, et bien sûr de son réalisateur
Ce documentaire est extraordinaire parce qu’il donne la parole aux enfants – beaucoup –, à l’instituteur – le chef d’orchestre -, à des spécialistes et des intellectuels – mais pas trop longtemps – et aux parents.
Il est captivant car il montre toutes les facettes de la place des écrans et des dangers de la surexposition des écrans. Il est à la fois joyeux et sérieux. C’est expliqué à la fois par le langage et les activités – notamment avec la fin du documentaire qui montre la vie dans la nature. Il y a des documentaires dont on ne peut pas se passer ; celui-là en fait partie.
Quant au réalisateur Gilles VERNET, c’est un personnage atypique comme le sont des personnes qui suivent une voie puis l’abandonnent sans regret pour plus gratifiant. Il a intégré l’EDHEC (une école de commerce) puis une école de business à Madrid. Il rentre ensuite dans le secteur de la finance. Sept ans après, il quitte ce secteur rentable pour devenir instituteur, mais aussi réalisateur. Il crée avec des élèves un opéra-ballet. Il réalise aussi avec les élèves ce documentaire dont on parle aujourd’hui
Savez-vous qu’en marge de ce documentaire, est sorti un ouvrage, paru aux éditions Vuibert ; cet ouvrage que peuvent lire tous ceux qui ne sont pas encore persuadés de l’effet catastrophique d’une utilisation excessive des écrans par nos enfants s’appelle aussi « Et si on levait les yeux »… On ne revient pas dessus … on en a déjà beaucoup parlé et puis, la liste est tellement longue qu’il nous faudrait beaucoup de temps …. Mais, en revanche, ce qui est touchant, dans ce film, c’est le combat de cet instituteur optimiste … il faut le dire ….pour empêcher les enfants de devenir esclaves et il leur fait confiance pour aider les parents et la société tout entière à prendre conscience de l’enjeu : parvenir à un usage constructif et maîtrisé du numérique et des écrans. Il est encore temps !
Servane Mouton, neurophysiologiste et coprésidente de la Commission des experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans, tire la sonnette d’alarme dans une petite brochure, pas chère, qui s’intitule : « écran, un désastre sanitaire, il est encore temps d’agir ». En résumé, elle dénonce l’effet des écrans, notamment chez les enfants et adolescents, sur leur santé physique et psychique, sur leur développement neurologique et socio-émotionnel, sur leurs relations inter-individuelles, sur le lien à la vérité et la libre formation de leurs opinions. Il est plus que temps d’évaluer les avantages et les inconvénients de la révolution numérique avec les réseaux sociaux et l’IA ; et d’en tirer des conclusions pour agir avant qu’il ne soit trop tard.
Oui, il est encore temps et c’est pour cette raison que vous y croyez et qu’avec votre Collectif, vous avez programmé un certain nombre d’interventions dans différentes écoles de la région … je vous laisse les citer
Nous avons la chance d’être rentrés en contact avec certaines écoles, un collège et certaines mairies. Ce qui fait que nous allons intervenir à Loos-en-Gohelle, Vimy, Leforest (en liaison avec l’association Leforest-Environnement) et Billy-Berclau.
Cette réflexion sur ce problème dans la région Lens-Hénin-Arras a commencé par un ciné-débat à Harnes, le 22 avril.
En dehors des rencontres dans des établissements scolaires – notamment à Loos, Leforest et Vimy -, plusieurs réunions publiques auront lieu aux dates suivantes :
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Le jeudi 22 mai à 19 h à la médiathèque de Loos-en-Gohelle
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Le vendredi 23 mai à 18 h 45 à l’espace Nelson Mandela de Vimy
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Le samedi 7 juin à 10 h à la salle des fêtes de Leforest
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Le vendredi 13 juin en soirée à Billy-Berclau
L’objectif n’est pas du tout de culpabiliser qui que ce soit mais de faire un constat. Cela permettra de préparer l’an prochain l’opération « 10 jours sans écrans »
Cet instituteur, Gilles VERNET, propose à ses élèves d’inscrire chaque jour dans un tableau, le temps passé devant le téléphone, la télévision ou la console … quel est à vous, Pierre, « votre plan d’attaque » … excusez l’expression un peu guerrière, mais on en est presque là … tant l’addiction est quelquefois déjà bien importante … Arrivez-vous à convaincre les enfants et justement, pour ce faire, vous inspirez-vous du documentaire ?
Il faut savoir que, en 2024, les 8-10 ans sont quotidiennement sur un écran durant 6 heures ; les 11-14, durant 9 heures ; les 15-18, 7 heures et demie. Il faut donc d’abord laisser la paroles aux jeunes ou aux parents ; puis indiquer que cette addiction aux écrans est plus importante que celle due à l’alcool, au tabac et à la drogue ; que c’est possible de se passer de ce poison. D’ailleurs, une dame dans le documentaire le montre bien. Elle dit à son fils qu’il n’y a pas de réseau, que c’est la faute de Bouygues. Donc, durant au moins un mois, les enfants ont bien joué, ont lu, étaient sages.
Ce qui émouvant dans le film de Gilles VERNET, c’est cette façon de montrer que le langage des enfants s’est considérablement appauvri … Son conseil c’est de leur redonner le goût de la lecture, infiniment plus riche. Et il accorde aussi, une grande importance, dans son enseignement, à l’émotion transmise par l’adulte, n’hésitant pas à leur lire des poèmes qui émeuvent les enfants … Et vive les parents qui lisent encore une histoire à leurs enfants …
En dehors de ce que vous dites sur l’importance primordiale de la lecture et de l’écriture, j’ai repéré des paroles d’enfants remarquables qui servent pour notre argumentation. Cette classe me fait penser à la méthode Freinet qui laisse beaucoup de place aux enfants très disciplinés, aidés notamment par les interventions de l’instituteur. Et cela décoiffe parce que c’est la vérité qu’il faut mettre en avant quand on ne veut plus abuser de l’écran.
Je cite en vrac :
Moindre capacité d’attention, moindre réflexion, appauvrissement du langage ; il ne reste que la novlangue et les émojis. Ce qui fait qu’on peut être plus violent car on ne sait pas développer son argumentation, on écrit des SMS avec des abréviations parce qu’on a la flemme – on risque d’ailleurs d’avoir une crampe du pouce.
Perte du goût de l’effort, tendance à l’attente, à l’ennui, à l’obésité.
Sans écran, on est libre, donc on peut penser.
Comment construire son estime de soi puisque les écrans nous poussent à être dans la norme.
Les parents ne peuvent pas vivre sans écrans, ils sont mariés avec eux, c’est leur vie, ils vont faire une crise pour leur téléphone. Le téléphone est comme une carie.
On ne peut plus parler avec sa famille, avec ses amis.
Si tu mets une cigarette dans la bouche et que tu ne l’allumes pas, tu n’es pas addict ; si tu l’allumes, tu deviens addict. C’est pareil pour les écrans.
Un écran met à cran. Scroller, c’est le début du cercle vicieux.
C’est vrai que ces écrans sont des outils incroyables, mais ils nous livrent une guerre. Son seul concurrence, c’est le sommeil.
L’écran doit être un serviteur, pas un maître.
Pour ne pas être accro aux écrans, il faut proposer d’autres choses : des jeux, du vélo, de la poésie, du sport, de la culture … il y a tellement de possibilités.
A la fin de l’année, Gilles VERNET les emmène durant dix jours en classe verte déconnectée afin de se reconnecter au réel… et de montrer la force du lien. Outre ses vertus pédagogiques, ce film, où on tutoie le bonheur, montre des enfants, à l’aube du collège, d’une grande lucidité et doués d’esprit critique, aptes à devenir des esprits libres, dès lors qu’ils sont guidés. Un message d’espoir qui vous donne sans doute la force de continuer le combat … ce qui aide aussi quelquefois des parents qui se disent désemparés
Cette fin de documentaire est effectivement porteuse d’espoir car on peut s’en sortir … si l’on veut ! Cela montre les effets bénéfiques du retour à la vraie nature. Pas besoin de cadres, les enfants les trouvent pour une vie collective.
C’est vrai que ce n’est pas du tout facile d’être parent actuellement. La société laisse croire que ce sont eux les responsables de cette situation. C’est vrai que, à certains moments, les parents sont dépassés, mais il y a d’abord possibilité de changer la donne avec l’aide d’autres personnes compétentes. De plus, il faut insister fortement sur le fait que les responsables sont d’abord les GAFAM, avec leurs logiciels très -trop – attirants. Ensuite l’Éducation nationale est grandement responsable en mettant continuellement en avant ces écrans, en poussant à en acheter. Le ministère ne tient pas compte de ce qui s’est passé en Suède : ils ont constaté une baisse de niveau culturel et ils ont donc retiré tous les écrans pour revenir aux livres. Autre exemple, en Finlande et aux Pays-Bas : ils ont interdit les téléphones. Ce n’est évidemment pas suffisant mais c’est un début.
Un étude anglaise montre que, en 1926, les gamins de 8 ans parcouraient 9 km à pied, sans leurs parents ; en 2007, ils ne s’éloignaient pas à plus de 300 mètres de leur logement.
Autre exemple en Espagne : des parents ont créé une association : « les parents en colère ». Cette association se développe, montre les effets néfastes de cette addiction, incite à utiliser très peu les écrans. Les parents vont aussi contacter les mairies pour qu’elles aillent dans ce sens. Ils poussent à une action d’envergure nationale.
On en est loin en France. Le rapport qu’a rendu au président de la République la commission des experts il y a un peu plus d’un an est toujours dans les tiroirs. Maintenant E. Macron sort de son chapeau une nouvelle consultation nationale sur les temps de l’enfant – c’est-à-dire les vacances et les horaires scolaires. Encore une commission qui terminera comme la Commission Citoyenne sur le Climat : sur ce que veut le président ! L’essentiel ne sera pas étudié.
Par ailleurs, que font nos élu.es sur ce sujet ? RIEN.
Heureusement des communes se lèvent pour commencer à s’occuper de ce problème. Il reste à espérer qu’elles seront très nombreuses et qu’elles se remettront à donner dans les écoles primaires des livres et non des logiciels.
Très récemment, cinq associations :
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La SFO – Société Française d’Ophtalmologie
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La SFP – Société Française de Pédiatrie
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La SPF – Société Française de Santé Publique
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La SPEAKER – Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent
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La SFSE – Société Francophone de Santé et Environnement
ont publié un texte intitulé « Les activités sur écrans ne conviennent pas aux enfants de moins de 6 ans : elles altèrent durablement leurs capacités intellectuelles » ; elles insistent sur le sur-risque de myopie et sur l’hypersollicitation permanente. Ni la technologie de l’écran ni ses contenus, y compris ceux prétendument « éducatifs » ne sont adaptés à un petit cerveau en développement. Ne les mettons pas devant un écran.
Ces associations demandent à utiliser le principe de précaution. Il est urgent de tenir compte de ces avis, tout comme des 29 propositions de la commission des experts d’avril 2024.
Il faut enfin rappeler que l’OMS demande instamment aux gouvernements de réglementer l’usage des outils de l’IA dans les classes et de limiter leur usage seulement aux plus âgés.
Merci et merci pour eux car on ne s’en rend pas toujours compte mais on va un peu vers la catastrophe et nous pourrons un de ces jours, expliquer pourquoi j’emploie ce terme … A bientôt.