Une baisse sans précédent des résultats des élèves français, comme partout ailleurs dans le sillage du Covid
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Des analyses orientées – comme d’habitude – de la part des médias qui ont voulu donner leur avis (!) -en fait, c’est beaucoup de copié-collé.
On parle déjà en 2022 du manque d’enseignants. Qu’est-ce que on peut dire de la situation actuelle qui est pire qu’en 2022 !
Les causes principales, d’après France Inter et d’autres : le covid, les enseignants qui n’écoutent pas les élèves qui se plaignent du bruit et du désordre dans les cours ; bien entendu c’est aussi de la faute des parents !
On ne met pas vraiment en cause la politique gouvernementale en matière d’éducation. Par ailleurs les mesures proposées par Gabriel Attal – ministre de l’Éducation – ne sont pas à la hauteur des problèmes rencontrés dans le milieu.
On ne mentionne pas du tout la responsabilité des réseaux sociaux : l’addiction aux portables et aux écrans en général n’est pas mentionnée. C’est pourtant une explication de la baisse de niveau ; explication – déjà mentionnée sur ce site – qui a fait comprendre en Suède qu’il fallait revenir sur de l’enseignement avec des livres, des cahiers … et de la réflexion.
On continue donc à constater et à se lamenter sur la baisse de niveau sans vraiment voir une raison qui crève les yeux : trop de surexposition aux écrans.
Un scandale tellement classique.
Il faut se rappeler ce que disait Fabien Lebrun quand il est venu dans la région en mars 2023 – après avoir fini son premier livre « on achève bien les enfants ».:
« Paraissait en 2015 l’étude PISA de l’OCDE, dont je vous cite les conclusions : « malgré les investissements considérables en ordinateurs, connexion Internet et logiciels éducatifs, il y a peu de preuves solides montrant qu’un usage accru des ordinateurs par les élèves conduit à de meilleurs scores en mathématiques et en lecture. Le numérique à l’école n’améliore pas les résultats des élèves ; au contraire, les pays qui ont le plus bas niveau scolaire sont ceux qui utilisent le plus les outils numériques ».
Le ministère de l’Éducation nationale publie chaque année le nombre d’enfants scolarisés souffrant de handicaps. Les chiffres de 2019 sont inquiétants. En huit ans, les troubles de l’apprentissage ont augmenté de 25 %, les troubles psychiques de 55 % et les troubles de la parole et du langage de 95 %. Pour les professionnels de la santé, ces données sont à mettre en relation avec la multiplication des écrans. »
Un dicton correspond bien à la situation en France : il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
Dans les trois jours à venir sur le site du collectif ACCAD, trois articles sur la question.
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Un article (sans les graphiques) du journal le monde
https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/
Les scores globaux décrochent brutalement dans cette étude phare de l’OCDE, témoignant du choc de la pandémie sur l’enseignement. En France, la tendance est plus marquée que la moyenne, notamment pour les mathématiques et la compréhension de l’écrit.
En plus de vingt ans d’existence du Programme international pour le suivi des acquis des élèves de 15 ans, dit PISA, jamais la France n’avait enregistré une telle chute de ses résultats. Cette enquête phare, sur laquelle s’appuient les politiques pour leurs réformes, est conduite tous les trois ans par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Effectuée avec un an de retard en raison de la pandémie de Covid-19, elle a été menée en 2022 auprès de 690 000 adolescents de 81 pays.
Selon les résultats rendus publics mardi 5 décembre, la moyenne de la France en culture mathématique (le thème majeur de cette édition), restée stable entre 2006 et 2018, a baissé de 21 points et est la plus basse jamais mesurée depuis 2000. Le score des adolescents en compréhension de l’écrit a, lui, perdu 19 points depuis 2018, tandis qu’il est resté stable en sciences, troisième domaine de PISA.
Ce décrochage s’inscrit dans une tendance mondiale, puisque la moyenne de l’OCDE en mathématiques a perdu 15 points par rapport à 2018, alors qu’elle n’avait jamais varié de plus de 4 points depuis 2000. Constatée également en compréhension de l’écrit, cette baisse « sans précédent » (…) témoigne de « l’effet de choc du Covid-19 sur la plupart des pays », souligne l’organisation internationale. Un « choc » qui n’a pas épargné les élèves de l’Hexagone au collège lors de la pandémie, et qui, parce que ses conséquences ne peuvent pas être isolées des évolutions de long terme dans l’enquête, brouille la lecture de cette édition.
Un échantillon de 8 000 élèves français a participé à la dernière enquête PISA, qui teste les élèves de 15 ans, quelle que soit la classe dans laquelle ils se trouvent. PISA n’évalue pas à proprement parler un niveau scolaire (tous les pays participant à l’enquête n’ont d’ailleurs pas les mêmes standards nationaux en la matière), mais plutôt la capacité des élèves d’une classe d’âge à mobiliser leurs compétences dans des situations variées et parfois éloignées du cadre scolaire. L’objectif, selon l’OCDE, est de mesurer leur aptitude à « relever les défis de la vie réelle ».
La baisse de la moyenne en culture mathématique est concomitante à une augmentation de la part des élèves en difficulté dans PISA, qui atteint 29 %, tandis que celle des élèves les plus performants s’est sensiblement contractée, à 7 %. Un glissement similaire est constaté en compréhension de l’écrit. La situation française n’est pas isolée sur le continent européen : l’Allemagne, la Norvège ou encore la Finlande, dont le système scolaire a souvent été cité en modèle pour ses performances dans PISA, ont des résultats qui se dégradent encore davantage.
La France reste néanmoins dans la moyenne des 37 pays l’OCDE ayant participé à l’enquête en 2022 pour les trois thèmes évalués. En mathématiques, son résultat (474, contre 472 dans l’OCDE) est comparable à celui de l’Allemagne, de l’Espagne, des Etats-Unis, de l’Italie ou encore de la Norvège, mais inférieur à celui du Royaume-Uni ou de l’Estonie. Trois Etats asiatiques (Singapour, Corée du Sud, Japon) enregistrent les scores les plus élevés.
« L’impact du Covid-19 est indéniable mais n’explique pas tout, la tendance à la baisse s’inscrit sur le long terme », souligne Eric Charbonnier, analyste à la direction de l’éducation de l’OCDE. En mathématiques, les enquêtes nationales et internationales montrent une érosion des résultats des élèves en France depuis les années 1990. L’OCDE relève en outre que PISA ne montre pas de lien entre la durée de fermeture des écoles pendant la pandémie, relativement moins élevée en France qu’ailleurs, et les résultats aux tests.
Des inégalités toujours très marquées, mais qui n’augmentent plus
Les moyennes cachent toujours une importante polarisation entre les résultats des élèves français. Selon le service statistique du ministère de l’éducation, ceux qui sont en 2de générale et technologique (64 %) ont un niveau moyen en culture mathématique comparable à celui des pays européens les plus performants, et largement supérieur à celui des élèves de 2de professionnelle (18 %) ou, plus encore, des élèves ayant redoublé (12,5 %), dont les résultats sont proches de ceux des pays les plus faibles de l’OCDE.
L’organisation internationale remarque par ailleurs que les élèves scolarisés dans l’enseignement privé ont de meilleurs résultats en mathématiques mais qu’une fois prise en compte la variable socio-économique, « l’avantage des établissements privés disparaît ».
Ces différences sont très corrélées aux inégalités sociales et la France reste l’un des pays où ces dernières pèsent le plus sur les résultats de PISA. En mathématiques, les élèves les plus favorisés obtiennent un score supérieur de 113 points à celui des plus défavorisés, surreprésentés en filière professionnelle. Seuls six pays de l’OCDE, dont la Suisse et la Belgique, ont des décalages plus marqués. Cet écart s’est cependant légèrement réduit depuis dix ans, alors qu’il s’était creusé jusqu’en 2012.
Les inégalités de genre sont, en revanche, dans la moyenne de l’OCDE. Comme en 2012, dernière édition où les mathématiques étaient la « majeure » de PISA, les garçons sont un peu plus performants que les filles dans ce champ. Les filles ont, elles, de bien meilleurs résultats en compréhension de l’écrit mais les écarts se sont largement réduits.
Les taux de redoublement au plus bas
Dans la présentation des résultats, les experts de l’OCDE ont mis en exergue des éléments faisant écho aux pistes avancées par le ministre de l’éducation français, Gabriel Attal, pour « élever le niveau des élèves » : créer « groupes de niveaux » en mathématiques et en français au collège et lever le « tabou » du redoublement.
Sur ce dernier point, alors que la France a longtemps été le pays de l’OCDE dans lequel les élèves redoublaient le plus, la donne a considérablement changé. Seul un élève français sur dix de 15 ans était concerné en 2022, trois fois moins qu’il y a dix ans. « Avant l’arrivée de la pandémie de Covid-19, cette baisse du redoublement en France ne s’accompagnait pas d’une baisse des performances en mathématiques, ni d’une amélioration de l’équité socio-économique », souligne l’OCDE, qui défend de longue date le recul de cette pratique.
La note consacrée à la France souligne également que le pays pratique peu le regroupement d’élèves par niveau de compétences. « On trouve une corrélation entre une meilleure performance en maths dans PISA et l’existence de groupes de compétences limités à certaines matières », avance Eric Charbonnier, tout en prévenant : « Si la France veut s’engager dans cette direction, il faut veiller à ce que ces groupes de niveau ne stigmatisent pas les élèves, sinon le risque est que les écarts augmentent et que le bien-être des élèves diminue. »
Les analystes de l’OCDE insistent aussi sur l’importance de la formation initiale et continue des enseignants, relevant notamment que la proportion d’élèves français qui déclarent que leur professeur semble s’intéresser aux progrès de chaque élève à la plupart des cours de mathématiques est plus faible que dans l’OCDE (52 % contre 62 %). Un élément, estiment-ils, à mettre en regard d’autres enquêtes dans lesquelles les enseignants français se disent peu préparés à gérer l’hétérogénéité, et expriment des besoins « élevés » de formation pour enseigner aux élèves à besoins éducatifs particuliers.
Un manque d’enseignants beaucoup plus prégnant
PISA 2022 porte la trace des difficultés de nombreux pays à recruter des enseignants. Parmi les élèves ayant participé au test en France, 67 % sont scolarisés dans un établissement dont le principal ou le proviseur a déclaré que « la capacité à dispenser l’enseignement était entravée par un manque de personnel enseignant », contre 17 % en 2018. Il s’agit de la plus forte hausse des pays de l’OCDE.
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Pour lire l’article complet du monde (avec les graphiques)
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La spécificité française dans les résultats PISA
Elle n’est pas dans les moyennes en baisse enregistrées pour cette dernière livraison : 474 en lecture et en mathématiques (contre 476 et 472 respectivement pour la moyenne des pays de l’OCDE examinés), mais dans la plus grande inégalité persistante des résultats en France selon les origines sociale des élèves.
Depuis plus d’une quinzaine d’années, depuis PISA 2006, la moyenne des scores obtenus par les élèves français est presque toujours très proche de la moyenne des scores obtenus pour l’ensemble des pays de l’OCDE examinés. Une seule exception , en lecture, pour la livraison PISA de 2013 : 505 en France contre 496 pour la moyenne des pays de l’OCDE examinés (une exception étrange qu’il conviendrait d’ailleurs d’expliquer)
En lecture : en 2006, 488 (contre 492 pour la moyenne des pays de l’OCDE concernés); en 2009, 496 (493) ; en 2012, 505 (496) ; en 2015, 496 (493) ; en 2018, 493 (487) ; en 2022, 474 (476)
En mathématiques : en 2006 : 496 pour la France (contre 495 pour l’ensemble des pays évalués). Et l’on se maintient ensuite légèrement au-dessus de la moyenne des autres pays pour les livraisons suivantes : en 2009, 497 (496) ; en 2012, 495 (494), en 2015, 493 (490) ; en 2018, 495 (489) ; en 2022, 474 (472)
En sciences, on est sur la ligne de crête de résultats tout à fait moyens : en 2006, 495 (498) ; en 2009, 498 (501) ; en 2012, 499 (501) ; en 2015, 495 (493) ; en 2018, 493 (489) . Et cela perdure en 2022: 487 (485)
Il n’y a là aucune ‘’spécificité française’’. Comparativement à l’ensemble des pays de l’OCDE examinés, nous sommes ‘’très moyens’’, ni plus, ni moins.
Il en va tout autrement si nous regardons les résultats sous l’angle des inégalités de résultats en fonction des origines sociales des élèves. Nous sommes parmi les plus inégaux, depuis longtemps. Et cela perdure.
Par exemple le rapport PISA 2015 notait déjà que « le milieu socio-économique explique en France plus de 20% de la performance obtenue en sciences par les élèves de 15 ans (contre seulement 13 % pour la moyenne de l’OCDE). Seuls la Hongrie et le Luxembourg se situent également à un niveau supérieur à 20% » Et le rapport PISA 2015 soulignait aussi que « la progression de l’indice PISA de statut économique, social et culturel entraîne une augmentation du score en mathématiques de 38 points, en moyenne, dans les pays de l’OCDE, et de 57 points en France – soit l’équivalent de bien plus d’une année de scolarité. La France affiche la différence de score la pus marquée de tous les pays et économies partenaires participants à l’enquête. Cette différence est stable depuis 2006 »
Selon la « Note, pays France » pour PISA 2022, « en France , les élèves issus de milieux socio-économiques favorisés (situés dans le quartile supérieur de l’indice PISA de statut économique, social et culturel), ont obtenu des résultats supérieurs de 113 points à ceux des élèves défavorisés (situés dans le quartile inférieur de l’indice PISA de statut économique, social et culturel) en mathématiques. Il s’agit de l’un des plus importants écarts liés au milieu socio-économiques (écart moyen parmi les pays de l’OCDE de 93 points). Des écarts plus importants ne sont observés qu’en République slovaque, en Israël, en Hongrie, en Suisse, en Belgique et en Tchéquie »
Entre 2012 et 2022, l’écart de performance en mathématiques lié au statut socio-économique est resté relativement stable en France, ainsi que dans l’ensemble des pays de l’OCDE en moyenne. Lors du PISA 2012, cet écart de performance en mathématiques lié au statut socio-économique était ainsi de 121 points en France et de 91 points en moyenne dans les pays de l’OCDE.
« Les performances en mathématiques et en compréhension de l’écrit sont fortement corrélées avec le statut socio-économique des élèves. Cette variable prédit 21 % de la variation des performances des élèves en mathématiques en France dans PISA 2022 (à comparer à 15 % en moyenne dans les pays de l’OCDE), et 17 % de la variation en compréhension de l’écrit (à comparer à 13 % en moyenne dans les pays de l’OCDE) »
Claude Lelièvre, historien de l’éducation ; abonné à mediapart
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Commentaire
L’article de Claude Lelièvre est intéressant au niveau de l’analyse ; c’est plus fouillé que le monde ; mais cela reste à niveau de la statistiques. Cela n’explique pas les causes de cette faillite (volontaire) d’un certain type d’enseignement dans notre pays. On reste sur notre faim ! C’est donc à nous de prendre en charge ce vaste chantier.