Notre-Dame : une hypothèse

Un article d’Annie Lobé, journaliste scientifique indépendante

400 pompiers. Le ministre de l’Intérieur. Le Premier ministre. Le président de la République. Parisiens et Parisiennes. Touristes, journalistes. Et des photographes qui détiennent peut-être la clé de l’énigme…
Tout le monde est là, son smartphone dans la poche ou dans le sac.
Très peu le tiennent en main : “Le réseau téléphonique est saturé.
Les batteries se vident.”
[1]

Ne rien pouvoir faire d’autre que pleurer, prier, et regarder la catastrophe. Notre-Dame de Paris, son dos, sa colonne vertébrale, sa chair, sa peau. Immolée par le feu, en ce lundi 15 avril 2019.

Il est parti de la flèche, dont la rénovation venait de commencer. Combien d’antennes-relais de téléphonie mobile y sont dressées ? Sur une photo de la face nord, avant sa chute à 19h51, on en distingue six.[2] Ce sont des antennes omnidirectionnelles, de simples tiges rondes et étroites d’une soixantaine de centimètres de long, que seul un œil exercé peut distinguer.

L’Église est le premier fournisseur de points hauts pour les sites de stations de base de téléphonie mobile, communément appelées “antennes-relais”.
Il y a une dizaine d’années, 2 % des 50 000 antennes étaient situées sur des églises.[3]

(La France compte 90 000 édifices religieux, dont 90 à 95 % sont des lieux de culte, parmi lesquels 45 000 églises paroissiales, 86 cathédrales, des chapelles, des abbayes, des temples, mosquées ou pagodes.)[4]

Des antennes-relais à l’origine de l’incendie ?

Curieusement, aucun média n’a évoqué l’hypothèse que les antennes-relais de téléphonie mobile implantées sur la flèche de Notre-Dame de Paris puissent avoir été à l’origine de l’incendie.

Si les règles de sécurité ont été respectées, ces antennes devaient demeurer éteintes pendant le temps de présence, au sommet de l’échafaudage, des ouvriers chargés de son édification, qui sont redescendus “aux alentours
de 17h30”
.[5]

Les micro-ondes se réfléchissent sur le métal

Car les antennes de téléphonie mobile émettent des micro-ondes qui, comme chacun le sait, chauffent vite et énormément les organismes et les matériaux qui y sont exposés à de fortes puissances, comme c’est le cas en champ proche, c’est-à-dire à proximité de l’émetteur. Ces micro-ondes ont une autre particularité, connue des seuls spécialistes : elles se réfléchissent sur le métal.[6]

L’enchevêtrement des 500 tonnes de tubes métalliques constituant l’échafaudage en acier en cours d’édification par la société Europe Echafaudage “devait atteindre le sommet de la flèche d’ici l’été.”[7] Sur les photos, on voit qu’il venait de dépasser récemment la base de la flèche.[8]

Cet échafaudage métallique constitue un piège monstrueux pour les micro-ondes émises par les antenne-relais qui, en se réfléchissant sur l’enchevêtrement de tubes, ont pu échauffer en retour les projecteurs lumineux accrochés sur la flèche ainsi que les câbles visibles autour des gargouilles.[9]

Pour expliquer simplement le phénomène de surchauffe provoqué par ces équipements électriques intrinsèquement générateurs de chaleur, l’échafaudage à proximité de ces antennes produit un effet similaire au fait de placer l’ensemble de la flèche et des équipements électriques qu’elle soutient dans un four !

L’origine de l’incendie peut être ce phénomène physique apparemment ignoré des responsables du chantier de rénovation, qui auraient dû exiger la dépose des antennes-relais, des projecteurs et des câbles avant l’édification d’un tel échafaudage, pour empêcher la création de points chauds.

Le grand ordonnateur du chantier aurait dû exiger la dépose des antennes relais

Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques, peut “éclater en sanglots”.[10] C’est lui, le grand ordonnateur de ce chantier,
qui aurait dû exiger la dépose des antennes-relais pendant sa durée pour éviter tout incendie d’origine électrique.

Comme Total après la marée noire de l’Erika le 12 décembre 1999, comme EDF après la catastrophe de Fukushima le 11 mars 2011, Orange et EDF se sont offert, le 18 avril 2019, des pages de publicité bien visibles en amont du long dossier de couverture consacré à l’incendie de Notre-Dame par trois hebdomadaires nationaux : dans L’express, p. 13 et 15, dans Le Point, p. 31 et 33, dans L’Obs, p. 5 et 15.[11]

En revanche, curieusement, ni Orange ni EDF n’ont offert un centime pour la reconstruction de l’édifice ravagé, contrairement aux autres entreprises
du CAC 40 : respectivement 200 millions d’euros pour l’Oréal, 100 pour Total, 20 pour JCDecaux et BNP Paribas, 10 pour la Société générale, Axa et BPCE, et 5 pour le Crédit Agricole.[12]

La publicité d’EDF évoque “la chasse au CO2 : est-ce pour faire oublier les vapeurs de plomb qui se sont répandues lors de la fusion des 200 tonnes de plomb qui se trouvaient sur la flèche, dont personne, pas même Airparif, n’a ensuite évoqué les effets nocifs pour la santé,  tant des populations exposées dans le sens du vent que pour les pompiers qui sont intervenus au plus près du sinistre ?

Quant à la pub d’Orange, elle évoque la fibre : est-ce justement pour faire oublier la destruction par le feu de ses antennes-relais, pour lesquelles il est en outre permis de se demander si elle a déposé auprès de son assureur une déclaration de sinistre ?

Une rumeur parisienne évoque un court-circuit électrique au niveau de l’un des deux ascenseurs provisoires.

Mais si la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui “alerte aussitôt les pompiers”,
(à quelle heure ?) est “aux premières loges”,[13] tandis que l’agent de sécurité envoyé sur place après le premier déclenchement de l’alerte à 18h20 “ne voit rien de suspect”,[14] cela pourrait signifier que le point chaud incendiaire[15]
se trouve sur la flèche, au niveau des câbles entortillés autour des gargouilles, et non sous la flèche, au niveau de sa charpente en bois ?

Et si les batteries des smartphones alentour se déchargent vite, c’est probablement parce que ceux-ci, en raison de la coupure électrique obligatoirement mise en œuvre par Enedis (filiale d’EDF, qui détient
le monopole de la distribution d’électricité) préalablement à l’intervention des pompiers, sont privés de communication avec la multitude d’antennes-relais implantées sur les toits de Notre-Dame, et compensent en émettant plus fortement, ce qui épuise leurs réserves de batterie.

(À ce propos, il serait intéressant de savoir à quelle heure les batteries de la station de base, chargées de prendre le relais en cas de coupure d’électricité, ont été désactivées par Orange, qui détient seul les clés de ses locaux techniques, auxquels même Enedis n’a pas accès ?)

Les photographes, auxiliaires de l’enquête

Pour finir, ce sont peut-être les premiers photographes arrivés sur place qui,
en agrandissant leurs clichés de très bonne qualité, apporteront la réponse aux questions que tout le monde se pose encore.

Les enquêteurs de la Crim se fient aux trois drones de la Préfecture qui ont “survolé le brasier à une altitude de 110 mètres pour donner des indications
en temps réel aux pompiers.”
[16]

Il n’est pas certain qu’il faille se réjouir de cette assistance technologique. Sans ces drones, les pompiers n’auraient sans doute pas attendu 21h15 pour prendre la décision de grimper au sommet des tours de Notre-Dame afin d’“arroser directement les charpentes et les deux beffrois”.[17]

 

Comme à Nice le 14 juillet 2016, où la responsable de la police municipale et son équipe ont suivi sur les écrans du PC sécurité la trajectoire du camion fou écrasant 84 personnes, sans être en mesure d’intervenir, comme les spectateurs impuissants de la tragédie de Paris privés de smartphone,
les pompiers arrosant depuis le sol et une unique nacelle le très haut bâtiment au lieu d’attaquer dès que possible le feu “par dessus” ont peut-être été victimes du mirage qui consiste à croire que caméras, drones
et attirail geek sont des auxiliaires de sécurité efficaces…

Notes

[1]  Le Point n° 2434, jeudi 18 avril 2019, p. 46 : “La nuit où Paris a pris feu”, par Saïd Mahrane.

[2]  Paris Match, numéro 3649, du 18 au 24 avril 2019, p. 46. Photo Ian Langsdon. (Il est à noter que ces antennes ne sont pas mentionnées sur le site www.cartoradio.fr  consulté le 23 avril 2019…)

[3]  Le Monde, 24 juillet 2009 : “Où vont donc se cacher les antennes-relais ? Dans les clochers !” par Brigitte Perucca. https://www.lemonde.fr/planete/article/2009/07/24/ou-vont-donc-se-cacher-les-antennes-relais-dans-les-clochers_1222424_3244.html

[4] Marianne, n° 1153 du 19 au 25 avril 2019, p. 11 : “SOS Patrimoine religieux en danger”, par Nedjma van Egmond.

[5] Marianne, op. cit., p. 18 : “La nuit de Notre-Dame”, par Vladimir de Gmeline et Laurent Valdiguié.

[6] Téléphones cellulaires. danger ? de Roger Santini, éditions Marco Pietteur, 1999, réédité en 2002.

[7] Paris Match, op. cit., p. 70.

[8] Paris Match, op. cit., p. 46-54. Photos Ian Langdson, Anna Boitard, le lundi 15 avril pendant l’incendie. Un étage d’échafaudage été ajouté, par comparaison au niveau atteint à la base de la flèche quatre jours plus tôt, lors de l’enlèvement des statues le jeudi 11 avril. Photo Gilles Bassignac p. 68-69.

[9]  Paris Match, op. cit., p. 48. Sur la photo de Ian Langdson (“Vue de la façade nord”), on distingue ce qui pourrait être des câbles grillés se dressant dans le vide, au niveau du premier étage à gauche de la flèche, à comparer avec la photo de Gilles Bassignac avant l’incendie, p. 68-69, sur laquelle des câbles électriques semblent s’enchevêtrer autour des gargouilles ; p. 48, sur la gauche de l’image, derrière la statue portant un sceptre et une couronne, se dresse une antenne-relais d’environ un mètre de long. La statue située sur la façade sud est également surplombée par le même type d’antenne (voir photo de Ian Langdson p. 46-47). Sur www.cartoradio.fr, on voit qu’une station de base Orange comportant pas moins de 66 antennes a été autorisée le 26 octobre 2018 à l’adresse “Quai Saint-Michel proche Petit Pont” ! Il est possible que cette station de base ait continué à fonctionner pendant que celle située sur la flèche était rallumée, ce qui a pu aussi engendrer une surchauffe à cause de la présence de l’échafaudage.

[10] Paris Match, op. cit., p. 72 : “Pour la sacristie, la flèche et les arcs-boutants, il fallait hier 150 millions. Combien en faudra-t-il aujourd’hui ?” par Anne-Cécile Beaudoin.

[11]          L’express n° 3538 daté par erreur du 24 au 30 avril alors qu’il est paru le 18 avril 2019 : “L’âme de la France”, p. 22-73 ;
Le Point, op. cit., p. 34-85 : “Notre Dame, neuf siècles d’amour” ;
L’Obs n° 2841 du 18 au 24 avril 2019, p. 22-37 : “De la splendeur à la tragédie, il était une fois Notre-Dame”.

[12] Le Point, op. cit., p. 56 : “La grande mobilisation a commencé”, par Julie Malaure.

[13] Paris Match, op. cit., p. 45.

[14] Marianne, op. cit., p. 18.

[15] Pour comprendre le phénomène des incendies d’origine électrique, lire l’interview de Cyril Charles : “On pourrait prévenir la quasi-totalité des incendies d’origine électrique” sur

www. santepublique-editions.fr

http://www.santepublique-editions.fr/object

[16] Marianne, op. cit., p. 18.

[17] Marianne, op. cit., p. 20.