Les batteries au lithium

Cette affreuse merde

Dommage qu’on ne puisse transmettre un désir de révolte à quiconque. Dommage, car ça ferait des étincelles jusque Neptune au moins, qui se trouve quand même à 4,3 milliards de kilomètres de chez nous. Une étude parue sur Nature Communications 1 devrait provoquer un séisme politique et moral, mais crotte, aucun journal français à ce jour – à l’exception de quelques sites 2 – n’a daigné nous en informer.

Commençons par un extrait du résumé : « les batteries lithium-ion (LiB) sont utilisées dans le monde entier comme un élément clé de l’infrastructure énergétique propre et durable, et les technologies LiB émergentes ont incorporé une classe de substance per et polyfluoralkylées (PFAS), connues sous le nom de bis-perfluoralkylsulonimides (bis-FASI) ». Bon, à part cela ? Eh bien, deuxième extrait : « Nous démontrons ici que les concentrations environnementales à proximité des fabricants, l’écotoxicité et la traitabilité des bis-FASI sont comparables à celles des PFAS […], qui sont désormais interdits et fortement réglementés dans le monde entier ».

Ajoutons que «bis-perfluoralkylsulonimides » – un PFAS donc – est traduite à la va-comme-je-te-pousse de l’anglais, car l’expression, malgré une sérieuse recherche, n’existe pas en français. C’est notable, car on signale en l’occurrence un grave problème dont personne ne peut s’emparer en France, car on ne sait pas même le nommer. Rappelons que nos hautes autorités surveillent de (très) loin 20 PFAS, quand il en existe des millions différents.

Revenons à l’étude. Ses auteurs, comme indiqué, « démontrent » une pollution fort dangereuse pour nous tous – les PFAS ne disparaissent jamais – liés aux batteries au lithium. Rappelons aux si nombreux sourds et malentendants que le premier de ces engins a été financé par le pétrolier Exxon, et que la première commercialisation date de 1991. On en trouve désormais dans les ordinateurs portables, les montres, les caméras, les vélos électrique, les smartphones, les consoles e jeux vidéo, les appareils photo, etc.

Or les chercheurs ont retrouvé des bis-FASI dans l’air, l’eau, la neige, le sol, les sédiments proches d’usines chimiques aux États-Unis, en Belgique et en France, en aval du site industriel de Salindres (Gard), propriété du groupe Solvay. La rivière Arias, en aval de ce dernier, contient d’importantes concentrations de bis-FASI, et la pollution est loin d’être confiné : le vent transporte le poison fort loin de l’endroit où il a été utilisé. Et dans l’eau, de très faibles quantité, bien au-dessous de celles retrouvée, sont délétères pour la faune aquatique.

C’est terrible ? Oh, oui, c’est terrible. Par exemple, l’immense usine de batteries de Billy-Berclau (Pas-de-Calais), inaugurée il y a plus d’un an, produira une toxicité éternelle, dont profiteront l’air, l’eau, le sol d’une région déjà martyrisée par l’industrialisation lourde depuis deux siècles ? Mais nos maître provisoires, macron en tête, en sont si fiers qu’il nous faut les applaudir.
Sauf que non. Les batteries au lithium déferlent parce que des besoins ineptes, créés et amplifiés par la propagande publicitaire, annoncent que c’est le progrès, y compris bien sûr « écologique ». L’industrie, une industrie par définition amorale, jette sur le marché des produits qui nous meurtrissent en profondeur. Et l’on se retrouve avec ce projet de mine de lithium dans l’Allier que des écologistes aussi convaincants que Yannick Jadot, sénateur, jugent tout à fait acceptable.

D’un côté, si l’on veut des batteries au lithium et le monde dont elles viennent, il va de soi qu’il faut accepter des mines, dans l’Allier, dans la baie d’Audierne, en Haute-Vienne, dans la Creuse et ailleurs.
Mais il est une autre voie, qui consiste à batailler enfin contre les objets, ce qu’aucune force politique n’envisage seulement. Qui doit ouvrir une mine de lithium dans l’Allier ? Imer
ys, une multinationale de chez nous et l’un des fondateur en 2015 du centre hydrocarbures non conventionnels (CHNC), lié à l’exploitation du gaz de schiste. Une référence.

Fabrice Nicolino dans « Charlie Hebdo »

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Notes

  1. Nature.com/articles/s41467-024-49753-5 (en anglais)
  2. Signalons une fois de plus l’excellent Actu Environnement, payant hélas