Le déploiement de la 5G

Toujours plus déconnecté des dangers

Sujet brûlant en 2019, le déploiement de la 5G s’est fait plus discret ces dernières années, sans pour autant s’arrêter. Les villes se connectent, certains économistes rêvent et les industriels se frottent les mains, pendant que les citoyens opposés à cette nouvelle technologie sont ignorés. Pourtant, tout le monde s’accorde pour dire que davantage d’études sont nécessaires pour évaluer les risques potentiels, qu’ils soient d’ordre sanitaires, environnementaux ou sécuritaires.

On n’arrête pas le progrès. Surtout pas pour l’industrie. La Commission européenne est claire sur le sujet : il vous faut la 5G pour pouvoir être compétitifs sur le marché. Comme le rapporte The Conversation, le « Plan d’action 5G » souhaite « une couverture 5G ininterrompue dans les zones urbaines et le long des principaux axes de transport d’ici 2025 ». Objectif désormais étendu à « une couverture 5G de toutes les zones peuplées d’ici 2030 ».

La 5G industrielle, mortel !

En première ligne sur le front des défenseurs de la 5G, Le Havre et son capitaine Edouard Philippe. Grâce à des expérimentations lancées dès 2019, les acteurs locaux visent une transformation profonde : automatisation des chaînes logistiques, efficacité accrue des opérations portuaires et sécurité renforcée. Philippe Herbert, président de la mission 5G industrielle, résume l’enjeu : « Les entreprises prêtes à se lancer peuvent déclencher un effet boule de neige sur toute une filière. » Ce que l’Union veut, les Philippe font.

Mais ces avancées se heurtent à des réalités concrètes : les équipements adaptés manquent, les compétences techniques font défaut, et surtout, l’acceptabilité sociale reste faible. En fait, peu nombreux sont ceux qui pensent jour et nuit au bien-être de l’industrie. Aussi la promesse industrielle peine-t-elle à éteindre les interrogations sur les impacts environnementaux et sanitaires de la 5G. Et pour cause !

Si l’ANSES assure qu’il n’y a pas de risques tant que les bandes utilisées sont celles actuelles (de 2 à 3,5 GHz environ), l’organisme se montre plus réservé quant à l’éventualité de passer directement aux bandes 26 GHz – sans lesquelles la 5G n’aurait aucun intérêt. « L’acquisition de connaissances nouvelles, notamment sur les liens entre expositions et effets sanitaires, reste également essentielle », avoue-t-il dans son dernier avis, mentionnant notamment « d’autres effets comme le développement de cancer, l’altération du fonctionnement cérébral ou de la fertilité [qui – ndlr] continuent de faire l’objet de travaux ». Dangers que le Pr Dominique Belpomme s’évertue à signaler depuis déjà des années, malgré les barrières que l’Ordre des médecins lui pose. Sur le sujet, il a publié Le livre noir des ondes en 2017.

Charte ou pas, on y va

Sans être expert, on a le droit de s’inquiéter, qui plus est lorsque la technologie déployée semble absolument sans intérêt pour notre quotidien de simples citoyens. Les zones blanches le resteront, et celles qui sont déjà bien connectées le seront encore plus.

En face, on fait semblant d’écouter. En 2021, suite à une consultation citoyenne sur le déploiement de la 5G, la Ville de Paris a adopté une charte promettant de contraindre les opérateurs à respecter des engagements environnementaux stricts et à surveiller l’exposition aux ondes. Avec une limite de 5 V/m, la capitale française se positionne théoriquement comme un modèle de précaution en Europe.

Le hic, c’est que l’article 9 (le dernier) de cette même charte dit ceci : « Les efforts consentis par les opérateurs concernant les niveaux d’exposition définis dans la présente charte ne doivent pas aboutir à une dégradation de la couverture ou de la qualité de service. Ainsi, s’il était constaté en pratique, à la suite des mesures de contrôles menées à la demande des riverains d’antennes selon le protocole ANFR, que la contrainte exercée sur le développement des réseaux et les évolutions technologiques était excessive, un groupe de travail (ville, opérateurs, ANFR) serait créé et chargé d’objectiver, avec les moyens d’expertise de l’ANFR, la pertinence et les contraintes des niveaux maximum de la charte dans les lieux de vie fermés. Les résultats issus de ce groupe pourront conduire à des avenants de la charte. »

En d’autres termes, Bouyges, Orange, SFR et Free feront bien ce qu’ils voudront, que les Français soient contents ou non.

Une fracture numérique et sociale

Ainsi, au-delà même des questions de santé et d’environnement, nous risquons de voir la fracture technologique déjà existante se creuser encore plus, entraînant avec elle la fracture sociale.

En s’appuyant sur l’avis de la Quadrature du Net, c’est ce contre quoi met en garde Reporterre : le déploiement de la 5G met à mal la neutralité d’Internet. C’est-à-dire que tout le monde ne bénéficiera pas du même niveau de service selon l’utilisation qu’il fait de la technologie. « Traiter tout le monde de façon homogène n’a pas de sens. Il va falloir compartimenter et découper le réseau en tranches avec des caractéristiques différentes. Une couche de service pour le grand public, couche qui pourra supporter une latence légèrement plus longue que les objets connectés, par exemple. Une autre couche de service où l’ultra haut débit sera garanti pour les opérations sensibles », explique Michel Combot, le directeur général de la Fédération française des télécoms.

Il s’agirait de compartimenter les usages d’Internet, que ce soit pour mieux surveiller ou pour imposer différentes conditions d’utilisation. La Quadrature du Net craint que les opérateurs ne décident d’instaurer une « connexion de base », pour ensuite faire payer une version augmentée qui permettrait d’accéder à des services ultra populaires tels que Netflix. Il y a de l’argent à se faire.

Viennent enfin les questions de vie privée et de sécurité, un peu plus mises à mal à chaque étape du progrès. Tous connectés, on n’aura plus rien à cacher. « Aujourd’hui, les termes du débat public opacifient la controverse plus qu’ils ne l’éclairent en fantasmant les prouesses de cette technologie. Il serait salutaire d’avoir un regard plus raisonné sur ces modalités de fonctionnement qui permette d’anticiper les dérives possibles », conclut Elodie Lemaire, sociologue et maîtresse de conférences à l’université de Picardie Jules-Verne.

https://www.francesoir.fr/

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Fracture numérique en France

Sans humain pour accompagner, les démarches administratives deviennent un parcours du combattant”

L’accès aux droits sociaux devient un véritable casse-tête pour ceux qui ne maîtrisent pas le numérique. Dans ses enquêtes, Mickaël Le Mentec met en lumière les obstacles de la dématérialisation. Son projet expérimental vise à remettre l’humain au cœur des démarches administratives.

La modernisation administrative, promise par la dématérialisation des services publics, est-elle en train de laisser sur le carreau les plus fragiles ? C’est le constat sans appel de Mickaël Le Mentec, enseignant-chercheur à l’Université Rennes 2. Dans le cadre d’un projet ambitieux financé par la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), ce spécialiste de la fracture numérique s’attèle à redonner la voix à ceux qu’on n’entend jamais. Verdict attendu en 2026.

Une fracture à double niveau

Depuis les années 2000, la France a numérisé à marche forcée une grande partie de ses services administratifs. Si 90 % des Français sont aujourd’hui internautes, une partie non négligeable de la population reste sur le bord de la route. Les retraités, les non-diplômés, et les populations précaires en sont les premières victimes, soit 13 millions de personnes en France touchés par l’illectronisme.

Les chiffres sont sans appel, si chacun à un smartphone et consulte les réseaux sociaux ou regarde des vidéos : 62 % des non-internautes rencontrent des difficultés majeures pour effectuer des démarches administratives. Même parmi les connectés, le manque de maîtrise numérique reste une barrière. « Ce n’est pas seulement un problème technique. Naviguer sur des sites pas toujours intuitifs, comprendre le jargon administratif, c’est au-delà des compétences de beaucoup », déplore Mickaël Le Mentec.

Un coût invisible, mais lourd à porter

Pour certains, la fracture numérique commence bien avant l’écran : c’est une question d’argent. Payer un abonnement Internet ou acheter un ordinateur est hors de portée pour des budgets déjà serrés. « Même si c’est trente euros, dans certaines situations, c’est insurmontable », lui a confié Nolwenn, une étudiante en difficulté.

Au-delà de l’équipement, c’est tout un système qui déshumanise l’accès aux droits. « Les outils numériques, censés simplifier les démarches, deviennent des obstacles supplémentaires », souligne le chercheur. Le non-recours aux droits sociaux atteint des sommets : près de 40 % des personnes éligibles abandonnent face à la complexité des démarches.

Lire : « Quand la solidarité s’éloigne », de plus en plus de personnes pauvres renoncent aux aides, selon le Secours Catholique

Quand l’humain disparaît

Avec la fermeture progressive des guichets physiques, la dématérialisation creuse l’isolement. En zone rurale, où les infrastructures numériques sont souvent déficientes, la situation est dramatique. « Sans connexion Internet ni service public de proximité, certains habitants cumulent les handicaps », alerte Mickaël Le Mentec.

Usagers des services publics perdus face à la dématérialisation. « Je veux savoir pourquoi on m’a retiré mon allocation. C’est insupportable ! « 

Pourtant, les usagers témoignent que la présence humaine reste essentielle. « Dès qu’un humain est là pour accompagner, la démarche devient moins anxiogène », lui ont rapporté des travailleurs sociaux qui font le relais, bien malgré eux, entre les services publics et les naufragés du numérique.

Expérimenter une alternative humaine

Face à ces constats, Mickaël Le Mentec tente d’apporter des réponses concrètes. Financé par la DITP, il particpe à un projet qui explore des solutions de proximité : ateliers numériques dans les villages, cafés sociaux, espaces d’entraide. Objectifs : toucher les personnes éoignées, recréer du lien et rendre les démarches accessibles.

Mais la tâche est immense. « Les interfaces des services publics ne sont pas assez pensées pour des populations en difficulté », analyse le chercheur. Ergonomie rigide, jargon incompréhensible, méconnaissance des dispotifs et des aides sociales existantes : ces obstacles transforment l’expérience en parcours du combattant.

Un retour à l’humain, une urgence sociale

À l’heure où la transformation numérique s’accélère, Mickaël Le Mentec martèle un message simple : sans accompagnement humain, ces outils ne serviront qu’à aggraver les inégalités.

Les résultat de l’étude à laquelle il particpe, attendus en 2026, promettent d’éclairer les décideurs sur ces enjeux cruciaux. Mais d’ici là, les plus fragiles continueront de faire face, seuls, à des démarches qui, au lieu de les aider, les isolent davantage.

« Remplacer l’humain par le numérique peut sembler économique. En réalité, cela coûte cher : en exclusion sociale, en non-recours aux droits », conclut-il. Un message clair pour ceux qui, au nom de la modernité, risquent d’oublier l’essentiel : l’humain.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/b

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Commentaire

Sans oublier les incompétents que l’on finit par avoir au bout du fil qui n’ont reçu qu’une formation sommaire ou qui répondent d’une plateforme située « dans le désert de Gobi » et doivent sûrement être rémunérés « à-minima » …

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Autre commentaire

Bienvenue dans le monde du tout-électronumérique. Et toujours bien préciser cela car pas de numérique sans électricité, c’est à dire TOUT-électrique dans le meilleur des mondes de l’immaculée conception de la matière. Sans parler du désastre sanitaire et de l’atteinte à ce qu’il reste de nos libertés.