L’objectif est de sensibiliser aux usages des écrans
L’association bretonne Dyktia a lancé « Maman… je m’ennuie », un spectacle de marionnettes destiné à sensibiliser les jeunes aux dangers des écrans. Un projet récompensé lors du dernier concours « S’engager pour les quartiers », dont l’un des prix est parrainé par le ministère de la Culture.
Au cœur de la forêt, une famille de lapins rencontre une problématique bien similaire à celle des humains : le temps passé sur les écrans. Voici le point de départ de « Maman… je m’ennuie » réalisé avec des marionnettes par Dyktia, installée à Hennebont (Morbihan). À travers l’histoire de cette famille, le spectacle propose, sous un angle ludique, d’interroger les enfants de 3 à 7 ans et leurs parents sur leur consommation du numérique. « C’est une manière d’aborder le sujet de manière détendue et apaisée, sans être alarmiste. Tout n’est pas bon à prendre dans les écrans et leurs usages mais nous sommes dans un contexte suffisamment anxiogène pour ne pas en rajouter », résume Gaëtane Markt, cofondatrice de Dyktia.
Créé il y a un an, « Maman… je m’ennuie » a pour objectif de toucher la cible des enfants de 3 à 7 ans, soit dès l’entrée en maternelle. « Des directeurs et directrices d’établissements scolaires nous confirment que certains petits rencontrent déjà à cet âge des problématiques liées aux écrans », poursuit Gaëtane Markt. Le spectacle d’environ une demi-heure a été conçu en trois temps, tous très interactifs. Tout d’abord l’apparition de mademoiselle Kandy qui va interroger le public sur les écrans et donner quelques recommandations. Puis l’histoire en elle-même, où les enfants peuvent donner des conseils à la famille de lapins. Enfin dernière étape, la découverte – à travers un procédé narratif dont le secret est bien gardé – de bons conseils et d’idées d’activités sans écran.
Les écrans « de temps en temps et pas très longtemps »
L’idée de ce spectacle remonte à environ sept ans, même si le scénario a été élaboré l’an dernier. Gaëtane Markt voulait joindre l’utile – un outil de dialogue entre parents et enfants sur les écrans – à l’agréable. « La marionnette est une passion personnelle, j’en fais depuis toute petite. Quand on a démarré l’activité de Dyktia, j’avais déjà l’idée un jour de faire un spectacle de marionnette sur le sujet, d’avoir un van et de me promener dans toute la Bretagne pour le jouer. » Pour le mettre au point, Dyktia a eu la chance d’avoir un acteur local tout trouvé : le Théâtre à la Coque – Centre National de la Marionnette. « Il nous a mis en lien avec une marionnettiste professionnelle et nous a proposé de nous former pour monter en compétences. » Il a ensuite été testé dans une école avec des enfants porteurs d’un handicap.
Il s’inscrit dans le prolongement de l’activité de Dyktia lancé en 2019 par Gaëtane Markt et son mari Cyril. Cette assistante sociale et cet informaticien de profession, sont partis d’un constat personnel, celui d’un écart de pratique du numérique entre générations. Ainsi Dyktia a commencé à proposer des ateliers aux parents afin de leur donner les connaissances nécessaires dans ce domaine afin de combler le décalage. « Nous sommes là pour déculpabiliser des parents découragés, isolés et qui baissent les bras. » La structure a ensuite élargi dans un second temps son champ d’action au milieu scolaire avec un mot d’ordre : les écrans, c’est « de temps en temps et pas très longtemps. On n’entre pas dans le sujet par la porte du problème. On ne fait jamais une action sur les dangers d’Internet ou des écrans. On part du principe que les nouvelles technologies sont des outils extraordinaires dont on sous-exploite le potentiel. D’ailleurs, on encourage beaucoup les jeunes à aller vers des métiers du numérique comme la cybersécurité. » Dyktia encourage ainsi plutôt le pas de côté en nous invitant à interroger notre rapport aux écrans et nos usages des outils numériques.
Enfin Dyktia a développé une offre de formation destinés aux professionnels de l’enfance comme des intervenants en milieu scolaire ou des spécialistes de la parentalité amenés à animer des ateliers de parents. L’association travaille avec des professionnels de la santé comme des médecins et des orthophonistes pour être à la pointe du sujet.
Lauréat du concours « S’engager pour les quartiers »
À peine un an après son élaboration, « Maman… je m’ennuie » est déjà primé. En juin dernier, Dyktia a en effet le prix « Éducation aux médias pour le jeune public » co-parrainé par le ministère de la Culture du concours « S’engager pour les quartiers ». Lancé en 2011 par la Fondation FACE pour l’inclusion, il a pour objectif de récompenser des initiatives innovantes dans les quartiers prioritaires de la ville et dans les territoires ruraux. Deux types de territoires dans lesquels Dyktia a déjà commencé à travailler avec une représentation dans une école du quartier politique de la ville d’Hennebont et une autre dans une zone rurale bretonne. « Il existe toute une zone en Centre Bretagne peu dotée de lieux de sensibilisation sur ce sujet. Ce qui est important, c’est que nous avons réussi à mobiliser la commune : le maire a ouvert sa salle communale et nous avions invité une structure qui propose des activités sportives aux enfants pendant les vacances. En intervenant dans des petites communes, on peut aussi faire participer la bibliothèque ou médiathèque. Cette approche du sujet par la marionnette nous permet de toucher un public qui ne viendrait pas spécialement à une conférence ou un atelier sur les écrans. C’est une manière de s’adresser à un public large avec cet outil qui va permettre aussi un dialogue. »
Plus d’un an après sa création, et grâce également au concours « S’engager pour les quartiers », le propos du spectacle va peu à peu s’affiner avec l’aide d’une éducatrice de jeunes enfants et d’une psychologue et une montée en compétences sur la partie artistique. Le spectacle a aussi vocation à se déployer sous un format allégé et plus transportable pour toucher un public encore plus large. Il pourra se poursuivre après la représentation avec la distribution d’un livret d’accompagnement pour les familles. « Maman je m’ennuie » a permis en tout cas d’ouvrir le dialogue et de mettre de l’optimisme dans l’éducation au numérique. « Ces petits arrivent à un âge où ils comprennent très vite et peuvent transmettre des messages, estime Gaëtane Markt. Ce sont eux qui pourront éduquer les plus grands. »
Pour voir la petite vidéo – 2 minutes 53 :
https://www.culture.gouv.fr/actualites/des-marionne
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Commentaire
« les écrans, c’est « de temps en temps et pas très longtemps. … On part du principe que les nouvelles technologies sont des outils extraordinaires dont on sous-exploite le potentiel. D’ailleurs, on encourage beaucoup les jeunes à aller vers des métiers du numérique comme la cybersécurité. » »
Il est noté que ces marionnettes s’adressent à des enfants de 3 à 7 ans.
Cela ne va pas dans le sens de ce qu’a préconisé la commission des experts qui a rendu ses conclusions le 30 avril. Voici leurs propositions :
Axe n°1 : S’attaquer, pour les interdire, aux conceptions addictogènes et enfermantes de certains services numériques afin de redonner du choix aux jeunes
1 Inverser la charge de la preuve pour lutter contre les conceptions et les algorithmes délétères des services numériques et se doter de capacités d’audits réguliers indépendants
2 Proscrire les pratiques délétères en termes de conception et faire émerger un standard éthique européen
3 Rendre le pouvoir à l’utilisateur par la reconnaissance d’un nouveau « droit au paramétrage »
4 Renforcer les « garde-fous » dans les jeux vidéo pour sécuriser l’expérience des jeunes joueurs, et ainsi mieux les protéger des contenus inappropriés et lutter contre le développement des microtransactions et designs trompeurs
5 Sécuriser, structurer et amplifier l’action de la société civile, comme relai incontournable de gestion des externalités négatives des plateformes
6 Envoyer un signal clair d’investissement dans la recherche multidisciplinaire et d’ouverture des données afin de renforcer la position du régulateur dans le dialogue avec les forces économiques
Axe n°2 : Protéger, plutôt que contrôler, les enfants : une bataille qui doit se mener et peut se gagner auprès des acteurs économiques
7 Faire émerger et promouvoir des solutions privées de protection plus efficientes et accessibles, notamment pour les familles
8 Soutenir le déploiement ferme du DSA à l’égard des sites pornographiques, pour forcer à l’adoption des outils de contrôle de l’âge déjà disponibles, et investir dans le même temps dans la production de ressources adaptées aux questions légitimes des enfants sur leur vie affective et sexuelle
9 Garantir le passage à l’échelle de la politique de signalement pour en faire un levier important d’action en direction des plateformes
10 Promouvoir activement les meilleurs standards de protection de la santé physique et de l’environnement pour les outils technologiques et services numériques
Axe n°3 : Assumer et organiser une progression des usages des écrans et du numérique chez les enfants en fonction de leur âge
11 Protéger les jeunes enfants de moins de 6 ans de l’exposition aux écrans, notamment dans les lieux d’accueil (crèches, assistantes maternelles, école maternelle…)
12 Autoriser l’accès aux seuls réseaux sociaux éthiques à compter de 15 ans
13 Organiser une prise en main progressive des téléphones :
– avant 11 ans : pas de téléphone
– à partir de 11 ans : téléphone sans connexion Internet
– à partir de 13 ans : téléphone connecté sans accès aux réseaux sociaux ni aux contenus illégaux
– à partir de 15 ans : accès complémentaire aux réseaux sociaux éthiques.
14 Définir et piloter une politique d’équipements numériques respectueuse des enfants, et réconciliant les enjeux de santé, de pédagogie, d’éducation et d’environnement
15 Associer systématiquement le déploiement des programmes et des ressources numériques éducatifs dans un cadre scolaire à une expérimentation, une étude d’impacts préalable avant diffusion plus large et à une formation des enseignants à leurs usages pédagogiques. Garantir l’accès aux outils numériques adaptés pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, les enfants éloignés de l’école ou les situations de rupture de continuité pédagogique. Labelliser les solutions numériques éducatives ayant validé scientifiquement leur impact positif sur les apprentissages et les mettre à disposition des enseignants via une interface dédiée et sécurisée
16 Fixer un cadre strict d’utilisation pour « Pronote » et les ENT avec mise en place de paramétrages par défaut protecteurs des enfants
17 Renforcer l’application de l’interdiction des téléphones au collège, et systématiser dans chaque lycée un cadre partagé sur la place et l’usage des téléphones dans la vie de l’établissement
Axe n°4 : Préparer sérieusement les jeunes à leur autonomie sur les écrans, leur donner le pouvoir d’agir et, dans le même temps, redonner toute leur place aux enfants et aux jeunes dans la vie collective
18 Former et informer les élèves dès l’école élémentaire puis tout au long de leur scolarité, de façon appropriée selon leur âge, au numérique, à son modèle, à ses contenus, à ses usages, aux opportunités qu’il offre et aux dangers qu’il peut présenter
19 Avoir des adultes et des étudiants référents sur le numérique en ligne et hors ligne et créer des espaces de dialogue sécurisés pour les enfants
20 Renforcer l’éducation à la santé, et spécifiquement :
– aux enjeux du sommeil.et assumer en conséquence d’ouvrir la réflexion pour une meilleure adaptation des organisations scolaires aux besoins physiologiques des jeunes
– aux risques liés à la sédentarité et à l’insuffisance d’activité physique, et en conséquence mieux mobiliser les cours d’éducation physique et sportive pour un suivi renforcé des enfants
– aux risques concernant la vue en multipliant les occasions de temps en extérieur
21 Faire une place sérieuse et complète à toutes les éducations « au vivre ensemble » (l’éducation à la vie sexuelle et affective, l’éducation aux enjeux de genre, l’éducation aux compétences psycho sociales, l’éducation civique…) qui sont systématiquement traversées par des enjeux d’amplification face au numérique
22 Peupler l’espace public d’alternatives aux écrans pour les enfants, et redonner à ces derniers toute leur place, y compris bruyante
Axe n°5 : Mieux outiller, mieux former au numérique et mieux accompagner les parents, les enseignants, les éducateurs et tous ceux qui interviennent auprès des enfants, tout en organisant une société qui remet l’écran et le numérique à leur juste place
23 Déployer une véritable politique d’aide et de soutien à la parentalité en matière d’écrans et de numérique
24 Permettre aux enseignants de maîtriser les fondamentaux du numérique, les enjeux de la citoyenneté numérique et les usages pédagogiques du numérique dès leur formation initiale et garantir tout au long de leur carrière la possibilité d’actualiser leurs connaissances
25 Sensibiliser l’ensemble des professionnels et bénévoles intervenant auprès des enfants aux enjeux du numérique et bâtir un cadre de recommandation des usages de leurs écrans lors des interactions avec les enfants
26 Promouvoir des lieux et des temps « déconnectés » et sans écran, notamment pour encourager les adultes à se poser la question de leur propre rapport aux écrans
Axe n°6 : Mettre en place un dispositif ambitieux de gouvernance permettant à la puissance publique de définir une véritable stratégie, de disposer de capacités de pilotage, de pouvoir mieux soutenir les acteurs qui interviennent auprès des jeunes et des familles, et d’informer les citoyens
27 Installer une gouvernance et une force d’organisation nouvelles au service d’un projet global pour la maîtrise du numérique, la protection et l’émancipation des jeunes
28 Assurer la soutenabilité des moyens nécessaires par la déclinaison du principe pollueur payeur alimentant un fonds dédié de financement de la recherche, des politiques publiques et acteurs vertueux
29 Déployer une stratégie de communication massive, récurrente, grand public de sensibilisation et d’information sur les enjeux de santé, d’éducation et d’environnement attachés largement aux « écrans », ainsi que de promotion des besoins de l’enfant et des réponses alternatives