Agriculteurs sous tension

L’omerta française

Élevages décimés, agriculteurs malades, mur du silence. La journaliste Sarthoise Nathalie Barbe a enquêté sur les effets des champs électromagnétiques générés par les lignes à haute tension, les éoliennes et les antennes-relais dans les campagnes. L’heure de la mobilisation a sonné **
Il fallait la durée d’un documentaire pour raconter le combat d’une vie. Un combat inégal, cruel, tombé dans l’oubli après la médiatisation des débuts mais relancé aujourd’hui, grâce à la ténacité d’un éleveur et au travail pugnace d’une journaliste.

L’histoire commence il y a 30 ans, dans une exploitation laitière de Saint-Laurent de Terregatte dans la Manche. La ferme appartenait à Serge Provost, elle était traversée par une ligne à Très Haute Tension (THT).
Après la mise en service d’un transformateur électrique en 1989, l’éleveur constate que ses vaches tombent malades, donnent moins de lait.
L’éleveur en est convaincu : des rayonnements électromagnétiques perturbent son troupeau.

Serge Provost, c’est ce qu’on appelle une grande gueule, mais aussi une belle gueule comme en témoignent les archives de ses passages sur les plateaux télé de l’époque, car avec d’autres agriculteurs dans son cas, il a décidé de médiatiser son affaire.
En 1993, il crée l’association « Animaux sous tension », s’oppose à la construction d’une seconde ligne près de chez lui par tous les moyens, en vain.
Il ne parviendra pas à prouver la responsabilité d’EDF. Une expertise vétérinaire conclut à un virus. Invraisemblable selon l’éleveur. Las et dégoûté, il finira par cesser son activité.

2019. Devant la caméra de Nathalie Barbe, Serge Provost ressort ses dossiers, rangés dans une armoire métallique de son atelier.
Aujourd’hui retraité, Serge Provost, n’a pas abandonné : inlassablement au fil des années il a compilé les articles de presse, les rapports, les comptes-rendus de réunions, et recueilli des témoignages par dizaines.
La journaliste reprend l’enquête.
En 1993, il crée l’association « Animaux sous tension », s’oppose à la construction d’une seconde ligne près de chez lui par tous les moyens, en vain.
Il ne parviendra pas à prouver la responsabilité d’EDF. Une expertise vétérinaire conclut à un virus. Invraisemblable selon l’éleveur. Las et dégoûté, il finira par cesser son activité.

2019. Devant la caméra de Nathalie Barbe, Serge Provost ressort ses dossiers, rangés dans une armoire métallique de son atelier.
Aujourd’hui retraité, Serge Provost, n’a pas abandonné : inlassablement au fil des années il a compilé les articles de presse, les rapports, les comptes-rendus de réunions, et recueilli des témoignages par dizaines.
La journaliste reprend l’enquête.
Son mari Didier poursuit : « en 2016, les anomalies se sont multipliées : les vaches avaient des ovaires sous-développés, un système immunitaire défaillant, on a commencé à perdre des animaux. On s’entendait dire que c’était notre faute, qu’on faisait mal notre travail »
Des histoires comme celle-ci, Nathalie Barbe en a recueilli des dizaines, pour l’hebdomadaire « L’avenir agricole » où elle a signé une première enquête retentissante en mai 2018, puis pour les besoins de son documentaire, tourné dans la foulée.
Durant un an, la réalisatrice a installé sa caméra dans des réunions publiques, visité des exploitations, mesuré la détresse mais aussi la détermination qui désormais alimente un combat devenu collectif.
Car la documentation impressionnante réunie par Serge Provost représente aujourd’hui un atout essentiel pour la reconnaissance de ces préjudices, et la recherche de responsables.
Des éleveurs réclament justice
En avril 2019, un collectif d’éleveurs de Sarthe, Mayenne, Ille-et-Vilaine et Manche relance l’association créée par Serge Provost. Pour s’entraider, et pour demander réparation.
L’association Animaux Sous Tension a chargé l’avocat François Lafforgue de la représenter.
Spécialisé dans les questions environnementales, François Lafforgue a obtenu la condamnation de Monsanto dans le dossier de l’intoxication de l’agriculteur Charentais Paul François.

Une défense de poids pour l’association, face au silence des pouvoirs publics et des élus. Peu de relais politiques se manifestent pour la douzaine d’éleveurs du collectif. Silence également du côté des Chambres d’Agricultures, où l’on semble plus enclin à encourager le versement d’indemnisations sans faire de scandale.
Car le documentaire nous apprend que EDF, devenu Enedis et sa filiale RTE indemnisent… tout en réfutant quelque lien avéré entre la présence de ses installations et les préjudices subis.

Thierry Charuel ancien éleveur dans la Manche raconte à Nathalie Barbe :
« Ils nous subventionnaient, ils payaient les frais vétérinaires, parfois jusqu’à 50 000 euros par an, ils dédommageaient le manque à produire, ils sont intervenus auprès de la laiterie pour qu’elle collecte notre lait déclassé ».
Les situations comme celle de Thierry Charuel sont traitées depuis 1999 par le Groupe Permanent pour la Sécurité Electrique en Milieu Agricole (GPSE) où l’on retrouve EDF, RTE, des vétérinaires, des scientifiques, l’INRA, les syndicats agricoles et les Chambres d’Agriculture.
Instaurées par les pouvoirs publics, les expertises du GPSE sont pourtant financées dès l’origine par les opérateurs de l’électricité ou de la téléphonie… encore faut-il qu’ils se considèrent comme possibles fauteurs de trouble.

Quand ces expertises ne concluent pas –comme souvent- à l’incompétence des agriculteurs pour toute explication de leurs malheurs, le GPSE propose des aménagements de l’exploitation que l’agriculteur doit financer en partie : déplacement d’installations agricoles voire de bâtiments, le tout sous couvert d’une convention comportant une clause de confidentialité.

Thierry Charuel n’a pas voulu prendre l’argent et se taire. Convaincu que les difficultés de son exploitation étaient liées à la ligne à 400 000 Volts qui traverse sa propriété, il a remporté ses trois procès contre RTE.
Dans son cas, la preuve du lien de causalité entre la maladie de ses vaches et les courants parasites générés par la ligne à haute tension a été reconnu par la justice.
Il reste le seul à ce jour.
Science, finance, silence.
« Il peut y avoir des fuites de courant, bien sûr, mais on peut les mesurer et les corriger. Il y a tellement de paramètres humains, animaux, de pathologies, le climat, les aliments… tout ça c’est tellement complexe que le pauvre éleveur ne peut pas tout maîtriser, ce n’est pas possible ! » assure le Professeur François Gallouin, vétérinaire et Président du Groupe Permanent pour la Sécurité Electrique en Milieu Agricole de 1999 à 2014.

Qu’importent les observations des éleveurs, la connaissance qu’ils ont de leurs animaux et de leurs sols. L’analyse des causes n’est pas de leur ressort.
Même discrédit quand les antennes-relais sont mises en cause.
Face à la caméra, Sylvie Gasnier, ancienne éleveuse de poules à Comblot (Orne) se souvient :
« En avril 2018, on voit débarquer dans la cour de la ferme une armada d’avocats et de scientifiques au volant d’une Jaguar… le prix de notre dette au Crédit Agricole. On a eu droit à une leçon sur les ondes, à l’effet placebo qui joue sur l’esprit des petites gens. On n’est rien face à ces experts ».

Que dire alors des diagnostics portés par les géobiologues ? La géobiologie est une discipline du ressort des pseudo-sciences selon ses détracteurs, plutôt cousine des « sciences citoyennes » selon ses soutiens. Le débat fait rage.
Ses méthodes et ses conclusions ne sont pas considérées par les tribunaux pourtant, il existe des géobiologues salariés dans les Chambres d’Agriculture, dans la Sarthe par exemple.
Ces héritiers du savoir des sourciers interviennent avec une utilité appréciée des professionnels de l’agriculture dans les exploitations pour rechercher failles et cours d’eaux souterrains susceptibles de conduire des courants.
Chez Sylvie Gasnier, l’un d’entre eux avait repéré sous un pylône le départ d’un cours d’eau qui filait droit vers un bâtiment d’élevage.

Interrogé par la réalisatrice, Régis Boigegrain, Délégué RTE pour l’Île de France et la Normandie enfonce le clou : « On n’arrive pas à faire la démonstration d’un lien scientifique de causalité entre la proximité des lignes à haute tension et des perturbations dans les élevages.
A RTE nous sommes pragmatiques, nous ne cherchons pas à nous opposer à un « savoir paysan » car ce sont les premiers à savoir comment vivent leurs bêtes et comment les traiter.
Nous cherchons à apporter des solutions aux problèmes rencontrés, même si ces problèmes ne sont pas corrélés à la proximité des lignes à haute tension ».
Étrange posture que de payer pour des problèmes dont on ne se dit pas responsable. Un demi-aveu ?

– C’est une faute de déployer la 5G sans étude scientifique.
– C’est une faute de parler de l’obscurantisme des Amish qui vivront 10 ans de plus que Macron et en sus en bonne santé !
– Lors de la convention citoyenne les participants ont à 98% réclamés un moratoire aussi, cela fait partie des mesures qu’il avait dit accepter, une volte-face chronique d’un homme beau parleur aux services des industriels pour la mise en place de la nouvelle société …!

Documents à l’appui, Nathalie Barbe en est convaincue : en France et particulièrement dans l’Ouest, des exploitations agricoles sont sacrifiées au nom de l’intérêt général que représente le transport de l’électricité, le développement des énergies renouvelables et la couverture du réseau de téléphonie mobile.

Son enquête filmée rigoureuse et émouvante arrive à point nommé pour porter le débat sur la place publique, alors que l’avocat François Lafforgue s’apprête à lancer six actions en justice en ce mois de septembre.

France 3
https://videos2.next-up.org/Eleveurs_sous_tension.html

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https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-